• Réponse à Bruno

     

    Être humain c'est aimer les hommes. Être sage c'est les connaître. (Lao Tseu)

    Salut Sensei André !
    Bon, bon, comme ça on écrit tout bonnement que "... je n'ai finalement que bien peu récolté de tout ce que j’ai semé, cultivé et mené à une belle maturité, alors que devrais-je faire ?"
    Mais qu'est-ce qui se passe ?
    Quelles attentes avais-tu réellement ?
    N'as-tu pas récolté au fur et à mesure ?
    Je suis curieux...
    Bruno


     Le but n'est pas le but, c'est la Voie. (Lao Tseu)


    Bonjour, Bruno,
    Je commençais à te répondre sur ma messagerie quand, au bout de quelques lignes, je me suis dit que ça pourrait peut-être faire le sujet d’un article…
    En fait, j'ai reçu dernièrement un message d'un ami qui m’écrivait qu'il maudissait le jour où il avait décidé de pratiquer l'Aïkibudo... Bien sûr, ça m'a plongé dans la perplexité. Je ne lui ai pas répondu personnellement mais par le biais de cet article sur la rentrée qu'il devrait être le seul à comprendre pour peu qu'il le lise.
    Et finalement je me suis retrouvé placé à mon tour devant un abîme... Tout ça pour ça ? Un grand vide, une épaisse solitude et quelques souvenirs dans un corps abîmé.
    Si tu vas donner ton cours pour passer un bon moment avec les copains puis boire une bière à la sortie du Dojo, aucun problème, tu ne t'es pas foulé les méninges et tu n’as pris aucune sorte d’engagement.
    Mais si tu penses que tu dois aider chaque élève individuellement à trouver le meilleur de lui-même, quand tu rentres chez toi, accompagné d’une profonde sensation de solitude, tu n'allumes pas la télé pour voir le dernier épisode de ta série préférée mais tu fais ton autocritique : « Qu'est-ce que j'ai raté ? Qui ai-je oublié ? », et j'en passe.
    Si j'avais récolté au fur et à mesure de mes semailles, j'aurais une centaine de Yudansha de tous niveaux sur mon Tatami, je ne me demanderais pas ce que devient untel parti sans dire au revoir ou untel que j'ai aidé à monter des cours dans des situations inhabituelles et difficiles et dont je ne sais toujours pas si ça lui a été utile.
    Je sais que je n'ai qu'à m'en prendre à moi-même, j'ai toujours enseigné la liberté de penser, l'indépendance et l'esprit critique même si je ne me suis jamais autorisé ce que j’autorisais aux autres : j’ai toujours été présent sur le Tatami pour accueillir mes élèves et partager mon savoir, même quand ça me coûtait. Car j’ai avant tout enseigné le partage.
    Il me reste des moments touchants de ma carrière d’enseignant quand, par exemple, au hasard d'un parking, d'une allée commerciale voire d'un chemin forestier, je croise un homme, une femme qui me dit : « Oh! Monsieur Tellier ! Vous ne me reconnaissez pas ? ». La dernière fois que j'ai vu cette personne quadragénaire voire quinquagénaire, elle avait 11 ans, va la reconnaître ! Elle se présente, bien sûr que tu te la rappelles, elle te dit combien tu avais compté pour elle, combien ton exemple l'a aidée à se construire. Tu ne pensais pas avoir eu tant d'importance et ça te rend heureux et inquiet : à combien d'autres as-tu laissé de mauvais souvenirs ?
    La dernière, que j'ai retrouvée en me rendant au Dōjō où s'achevait le cours de gym féminine auquel elle participait, n'a pas résisté et m'a dit un jour : « Est-ce que je peux vous embrasser ? ». Quand elle m'a sauté dans les bras, elle avait encore 10 ans !
    Quand tu enseignes un Art à des adultes, si tu n'es pas un copain, il arrive qu'on te place sur un piédestal ou qu'on te considère comme un pignouf. Et parfois, ceux qui t'ont adulé cherchent plus tard à te déboulonner !
    Aux moments de fatigue, occasions de questionnement, tu te dis que tu as mené une vie bien dérisoire alors que tu as vécu avec l’illusion d'être important. Tu n'attendais rien de ce don que tu faisais aux autres de ton expérience, de ta meilleure part mais ça te surpren
    d toujours quand on quitte ta table sans même dire merci pour ce bon repas !

    Réponse à Bruno
    Rassure-toi, je ne reste pas à me morfondre comme un vieux crabe à terre ! Je prends soin de ma modeste personne et je fais très attention à mon apparence : aux grandes occasions, j’ai toujours plaisir à endosser le blazer anglais en laine vierge que j’avais acheté quand j’avais… 25 ans et qui semble toujours m’avoir été fait sur mesure. Je ne pourrais peut-être plus mettre le pantalon qui allait avec car j’ai dû ajouter des trous à ma ceinture depuis cette époque mais j’aime bien comparer mon ventre encore à peu près plat aux bedaines arrogantes des sexa, des septua et autres génaires que je peux côtoyer !

    Réponse à BrunoToujours très élégant, en 1966 sur le front de mer de Royan 

    J’avoue même qu’il m’arrive parfois de faire la roue comme quand, par exemple, une jeune kiné stagiaire, consultant ma fiche, s’écrie : « Il y a une erreur sur votre fiche ! - Non, j’ai bien 79 ans… - Ça alors, je vous donnais 20 ans de moins ! ». D’accord, la petite avait probablement oublié ses lunettes !
    Le rameur, le gainage, les évolutions sur ma terrasse, les longues marches en compagnie de Ginette et Lara m’ont permis de patiemment récupérer une grande part de la masse musculaire qui avait fondu avant et après l’opération du genou. À bientôt 80 balais, ce n’est pas facile, les muscles ont tendance à laisser place à une graisse fluide qui subit la gravitation de façon très inesthétique mais que le gainage maintient raisonnablement.
    Je continue aussi à m’entraîner, seul, très lentement à la façon du Iaï Chi, en visualisant un adversaire, je le raconte dans mon dernier article. Je quête une forme de perfection avec le ralenti. Ensuite, je déroule mentalement le Kihon à la vitesse d’un Randori, je ne le perçois pas encore très bien physiquement et il faudrait que je parvienne à effectuer « les deux en même temps »... Ce n’est pas une boutade, ce n’est pas de moi, c’est un principe évoqué par un grand Maître du Tai Chi. Vitesse sans précipitation, précision et fluidité…
     Ce que je cherche dans mes élucubrations, c’est à prévenir les jeunes générations qui ont entrepris de tenter l’aventure sur la Voie de l’enseignement que c’est un chemin très long et très raboteux. On dit que le but n’a pas d’intérêt, que c’est le chemin en lui-même qui nous permet de nous enrichir.
    Il n’y a pas de but, on a beau avancer sur la Voie, le but est toujours aussi lointain. C’est un leurre, c’est la carotte qu’on met devant l’âne pour le faire avancer, il ne l’atteindra jamais, même quand il sera au bout de la route.

    Réponse à Bruno

    Mais ce n’est pas une raison pour se décourager, je le répète, ce qui compte, ce n’est pas le but, c’est le chemin qu’il faut parcourir pour (ne pas) y parvenir et toutes les belles rencontres qu’on y fait, sachant bien que ce ne sont que de belles rencontres.
    Et ça fait de belles histoires à raconter. Même si on se permet de grogner de temps en temps...


    Un vrai chef ne paraît pas martial. Qui sait se battre ne s'emporte pas. Qui saura vaincre évitera d'affronter. Qui saura manier les hommes s'abaissera... (Lao Tseu)

     

    Histoire d'un Hakama qui fut blanc 

    7e dan FIAB 2011
    2e dan FKSR 1986

    A.照り絵 / 七段 教士 

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    Oublie tes peines et pense à aimer

    あなたの悩みを忘れて、愛について考える 

    Anata no nayami o wasurete, ai ni tsuite kangaeru


    Les vraies paroles ne séduisent jamais. Les belles paroles ne sont pas vérité. Les bonnes paroles n'argumentent pas. Les arguments ne sont que discours. Celui qui sait n'a pas un grand savoir. Un grand savoir ne connaît rien. (Lao Tseu)

    Merci pour tes messages. Je te souhaite beaucoup de bonheur avec ta blonde qui a un sourire ravissant. Si j’avais 40 ans de moins, j’aurais aimé lui conter fleurette.

    Réponse à Bruno 

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