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Rentrée 2020
L’école normale de Rouen et son immense cour fermée, au plafond vitré
Le 16 septembre 1960 (c’était il y a 60 ans !), je faisais mon entrée dans la vie professionnelle en tant qu’instituteur stagiaire, après quatre années passées à l’école normale de Rouen. J’étais chargé d’une classe de 52 élèves, 28 CE1 et 24 CE2, à Saint Jacques sur Darnétal, un village sans logement de fonction disponible et dépourvu de l’eau courante : pas une goutte d’eau potable à des kilomètres à la ronde. Toilette sommaire à l’eau de pluie puisée dans une citerne et réserve de bouteilles d’eau minérale pour boire, se faire à manger et se laver les dents…
L’école et le bistrot à St Jacques s/Darnétal il y 1 siècle,
ça n'avait guère changé quand je suis arrivé.J’avais 19 ans, j’étais mineur et je n’avais pas le droit d’ouvrir un compte-chèque, je devais aller à la perception voisine de Darnétal, 8 km, récupérer mes 270 F mensuels en liquide (445 € d’aujourd’hui). Je n’avais pas encore passé le permis de conduire et, pour tout moyen de transport, un car allait vers Rouen le matin à 7 h et repassait à 19 h. Vive la marche à pied.
La gare routière de Rouen, le panneau de la CNA
En décembre, après une inspection favorable, je suis devenu titulaire : mes émoluments se sont élevés à 350 F (577 € d’aujourd’hui sur lesquels j’allais être imposé...), j’ai pu manger à ma faim tous les jours, passer enfin le permis de conduire, m’acheter une vieille 2CV de 1951 (120 000 km au compteur, un moteur de 375 cm³, 60 km/h sur le plat avec le vent arrière, 3 l/100 km, 0,99 F le litre d’essence soit 1,63 € actuels) et, surtout, réaliser mon rêve : m’inscrire au cours Dynam Jiu-Jitsu.
Basé sur la méditation et la visualisation suivie d’exercices avec l’utilisation d’accessoires, une chaise par exemple, ce cours était complété par des échanges épistolaires aussi fréquents que nécessaire pour obtenir des conseils, des réponses à toutes les questions qu’on pouvait se poser. Un des effets notables fut la maîtrise de la timidité, ce qui me fut salutaire, souffrant d’une absence de confiance en moi maladive.Mon attestation signée par Jean de Herdt (premier Français à accéder à la ceinture noire
et aux grades jusqu’au 6e dan)À la fin de l'année, je fus prié de me préparer à aller défendre les intérêts des colons français en Algérie. On nous octroyait 27 mois de mise à disposition dans l’armée française pour remplir cette mission.
J’avais été sélectionné pour la préparation à l’entrée dans l’école d’officiers de réserve de Cherchell. Sous-lieutenant, pourquoi pas ? Toutefois, les réflexes acquis avec la méthode Dynam firent que pendant les « classes » j’envoyai cul par-dessus tête le sergent-chef chargé de nous enseigner le close combat et que, dans la foulée, j’immobilisai un lieutenant spécialiste du combat rapproché, ce qui compromit définitivement mes chances de rejoindre les heureux élus à l’école de Cherchell. Qu’importe, côtoyer les militaires de carrière m’avait rendu définitivement antimilitariste !Préparation active du « certificat d’armes » quelque part dans la Marne,
du côté de MourmelonHeureusement, grâce aux accords d’Évian, mon séjour dans la grande muette ne dura que 18 mois. De retour dans notre belle France, je fus nommé aux portes de Rouen, à Saint Léger du Bourg Denis, dans un poste dont personne ne voulait mais où je suis resté 30 ans.
L’ancienne école des garçons et la mairie, et l'école des filles en face du bistrot, rue de l’église.
Le minuscule logement où j’ai déposé mes pénates en 1963 est en haut de l'avancée, derrière les petites files.
Le groupe scolaire René Coty, construit en 1957Je grimpai d’un échelon dans la hiérarchie du corps enseignant, mon traitement connut une embellie et, dès la rentrée de septembre 1964, je m’inscrivis à l’École de Judo Jean Lemaître. Plus question de Jiu-Jitsu, j’effectuai mes premiers pas sur le Tatami avec le Judo qui me fit connaître la griserie des premiers succès en compétition. Quelques victoires n’eurent pas pour effet de me persuader de persévérer dans cette voie et à la rentrée de janvier 1965, je fus le premier inscrit dans la section d’Aïkido Yoseikan nouvellement créée.
La piscine Gambetta, à Rouen. L’entrée du Dojo était tout au bout du bâtiment, après la voiture.Après avoir créé une section d’Aïkido Yoseikan à Malaunay en septembre 1969 (avec un 1er dan acquis le 23 mars !) puis à Bois-Guillaume en 1971, j’ai pu inaugurer le superbe club de Saint Léger du Bourg Denis à la rentrée de 1980. Aujourd’hui, il est animé par deux passionnées auréolées de talent, Mélanie et Stéphanie, qui ont effectué leur rentrée mercredi..
J'ai consacré ma vie à l’étude et au développement de notre bel Art Martial, je suis tout perclus d’arthrose et ne dispose plus que d’un seul genou, je n'ai finalement que bien peu récolté de tout ce que j’ai semé, cultivé et mené à une belle maturité, alors que devrais-je faire ? Bénir ou maudire ce jour où j’ai glissé dans la boîte à lettres du bureau de poste de Darnétal une demande d’inscription au cours de Dynam Jiu-Jitsu ? Qu’importe, je vis au présent et je ne cesse de concevoir des projets.
Mon projet pour cette rentrée ? Peut-être remonter sur le Tatami. Fêter dignement mes 80 balais au mois de mai. Conclure cette saison 2020/2021 en participant à un grand et beau stage au Temple sur Lot. En fait, la routine...
Être conscient de la difficulté permet de l'éviter. (Lao Tseu)7e dan FIAB 2011
2e dan FKSR 1986A.照り絵 / 七段 教士
Oublie tes peines et pense à aimer
あなたの悩みを忘れて、愛について考える
Anata no nayami o wasurete, ai ni tsuite kangaeru