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    Il y avait bien trois ans que je n’avais pas mis les pieds sur le tatami de Caudebec en Caux. Je m’y étais rendu d’innombrables fois depuis ma première rencontre avec Alain Gallais en 1969. Stages, cours impromptus, démonstrations, j’ai souvent parcouru les 50 km de boucles de la Seine entre Saint Léger du Bourg Denis et Caudebec, puis, plus récemment, la traversée du pays de Caux, depuis mon ermitage de Saint Hellier...
    Ce cours du 28 février a permis de faire se rencontrer des élèves de 3 clubs, Caudebec en Caux, notre hôte, Saint Léger du Bourg Denis, où j’officie une fois par mois, et Trouville, le petit dernier. J’ai repris le thème du dernier cours, donné à Saint Léger du Bourg Denis il y a 3 semaines : retrouver le Wa no Seishin dans la technique, retrouver la technique dans le Wa no Seishin, en partant d’un geste simple, le dégagement sur Jyunte Dori.
    Il faut bien sûr revenir aux principes de base : garde, distance, intention. Qu’est-ce que j’entends par intention ? Si j’attaque, c’est avec l’intention d’attaquer, tout simplement. Quand je saisis le poignet de mon adversaire, c’est pour l’immobiliser et, peut-être, lui porter un atémi de la main libre, un coup de tête, un coup de pied... Cette intention se manifeste dans la posture, dans l’attitude, dans la tonicité de la saisie. C’est Tori qui se dégage, ce n’est pas Uke qui ouvre les doigts par complaisance. De la même façon, Uke ne chute pas pour faire plaisir à son partenaire mais parce qu’il ne peut pas faire autrement si l’entrée est franche et la technique portée avec détermination. Je ne connais rien de plus désagréable, de plus frustrant, au cours d’une démonstration, qu’un partenaire qui anticipe ce qu’il va subir. Uke a l’intention d’attaquer, pas de subir une projection. Quand je me retrouve dans cette situation, je ne résiste pas au plaisir d’infliger une bonne baffe... mais je dis toujours : « Pardon ! ».
    Ce groupe d’élèves, des Yudansha pour moitié, quand même, était très agréable, comme d’habitude. Attentifs, accrocheurs, à l’écoute des conseils qu’ils n’osent pas toujours demander. Ils subissent mes remarques réitérées sur la garde, la distance, la sincérité de la saisie, la réalité d’un combat qui dure le temps de l’exécution de la technique – ne parlons pas encore de mouvement à ce niveau – avec beaucoup d’attention et s’efforcent de les mettre en application.
    Une autre étape est celle où on reçoit un enseignement sans être surpris, voire déstabilisé quand le professeur propose des entrées, des enchaînements ne correspondant pas à ce qu’on a l’habitude de pratiquer. Ce qu’enseigne aussi l’Aïkibudo, c’est l’aptitude à s’adapter, à savoir réagir quelle que soit la situation, à entrer dans le mouvement quelle qu’ait été sa propre réaction et celle de l’attaquant: la technique qui se présente à la fin du mouvement n’est pas forcément celle qu’on avait désiré porter.
    L’intention, c’est d’aller jusqu’au bout de l’action, pas de porter nécessairement Kote Gaeshi, Shiho Nage ou quoi que ce soit d’autre. Quelque chose se produit, tout simplement. Sommes-nous auteur ou instrument ? Un peu des deux, probablement.
     
     

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