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    Courbatures. Cuisses en papier mâché... Qu’est-ce qui conduit ainsi un vieux Kodansha, censément sage, raisonnable et plein de modération, à subir un lendemain qui déchante ?

    Qui déchante ? Et si c’était plutôt la sensation d’être toujours vivant, toujours dans le coup, toujours en mesure de tout donner du meilleur de soi.

    Il est des cours marquants, qu’on se rappelle, qui balisent une carrière. Celui du 2 avril est de ceux qui, à l’orée de mon hiver, me donnent envie d’être encore et toujours sur la brèche. Il sera peut-être, pour ceux qui cherchent une Voie dans leur printemps de Budoka, la sensation d‘avoir puisé à la source d’une énergie inépuisable et d’avoir flirté avec le mouvement.

    Qu’est-ce qui fait la réussite d’un cours ? Qu’est-ce qui fait que l’acte d’enseigner quelques techniques somme toutes très simples devienne une sorte de fête débridée où chacun donne tout ce qu’il peut donner ?

    En théorie, ça requiert une bonne préparation, un thème cohérent, la parfaite maîtrise des notions présentées, bien adaptées au groupe plutôt nombreux, 25, 30, 40 élèves de niveau homogène...

    Si je crois bien posséder mon programme, je n’avais en fait pour public, ce soir-là, que 14 fidèles adeptes, du grand débutant au 4ème dan chevronné... Et mon humeur était sombre, en harmonie avec le climat ambiant, cette grisaille qui nous écrase depuis des jours et des mois.

    J’avais programmé le Tambo no Kata, pour conclure le cours du mois dernier. Après de longues réflexions, il m’est apparu que je commettais une erreur. Il vaut mieux présenter le Tambo avant le Tanto. La sensation de coupe est difficile, il est plus facile de porter un coup pour faire mal que de couper avec l’intention de tuer... Le Tambo se prête à des activités ludiques, on peut jouer avec un bout de bois, pas avec une lame tranchante.

    La première attaque du Tambo no Kata est Tsuki Jodan, un coup de pointe au visage. Entrée Irimi, contrôle de l’attaque avec Shinogi. L’application la plus évidente qui découle de cette entrée est Yuki Chigae suivi d’une immobilisation, il faut toujours désarmer l’adversaire. La position du bras immobilisé après avoir subi Yuki Chigae est caractéristique avec sa courbure et la position de la main, paume vers l’avant.

    Cours classique, sans surprise jusqu’à ce qu’un Yudansha, récemment promu, m’agace avec une question importune. Il me demande si j’ai bien fait un pas latéral avant de passer la tête sous le bras de Uke... Qu’est-ce que j’en sais ? Est-ce que je lui en pose, moi, des questions ? Uke m’a porté une attaque, je lui ai répondu, je me suis laissé porter par un mouvement avec une intention, celle de démontrer Yuki Chigae. Je rappelle toujours à mes élèves qu’il existe les canons du Kata et l’opportunité de l’application. Le Kata est intemporel, formel, l’application se fait en fonction de paramètres toujours variables, réactions, sensations, détermination...

    Bref, j’étais agacé, j’ai laissé tomber ma tenue d’ancien (c’est comme ça qu’on appelle les vieux, ceux qui ont passé le cap des 65 balais, quand on est politiquement correct, chez Les Précieuses Ridicules) et j’ai senti l’adrénaline me monter jusqu’aux narines...

    Je regrette toujours d’éprouver de l’agacement, je préfère convaincre, plier les gros bras, vriller les gros poignets, faire voler les grands costauds et séduire grâce à un cours bien enlevé. Un cours est aussi un spectacle, un enseignant est aussi un comédien, un comédien est aussi un séducteur et un... cabot.

    Les éléments se sont assemblés, le public a adhéré, nous avons tous abondamment sué. Les 200 m2 de tatami ont été pleinement occupés par les pratiquants, ils étaient devenus 30, 40, 50 travaillant à un rythme intense, soutenu... À la fin du cours, les visages tirés de fatigue, dégoulinant de sueur, affichaient un sourire ravi après 2 h 30 passées à dérouler le Tambo no Kata...

    Au Québec, quand les élèves sont satisfaits du cours, ils applaudissent. Les Normands, plus réservés, plus introvertis, viennent murmurer un timide merci. Et le prof rentre chez lui bien fatigué mais gonflé d’émotion et de bonheur.

    Tout ce que je décris n’est pas très loin d’une classique chronique pédagogique. Je relate une simple expérience et elle est reconductible.

     

    Déroulement du cours :

     

    Défense contre Tambo

    -          déroulement d’esquives et ripostes sur Tambo no Kata : les 2 partenaires sont en Hidari Kamae

    -     Tsuki Jodan -> Irimi (application théorique)

    -     Tsuki Jodan -> Irimi Yuki Chigae immobilisation

    -  Tsuki Jodan -> recul du pied gauche -> Shomen Uchi -> Irimi Robuse immobilisation (théorie de l’immobilisation : point fixe sur le coude)

    -     Tsuki Jodan -> recul du pied gauche -> Shomen Uchi -> Hiraki Ashi à droite ->  Omote Yokomen Uchi -> O Irimi Mae Hiki Otoshi

    -     Tsuki Jodan -> recul du pied gauche -> Shomen Uchi -> Hiraki Ashi à droite ->  Omote Yokomen Uchi -> O Irimi Mae Hiki Otoshi -> Ura Yokomen Uchi -> Irimi Ura Ude Nage

    -     Tsuki Jodan -> recul du pied gauche -> Shomen Uchi -> Hiraki Ashi à droite ->  Omote Yokomen Uchi -> O Irimi Mae Hiki Otoshi -> Ura Yokomen Uchi -> Irimi Ura Ude Nage -> Omote Do Uchi -> O Irimi Kataha Otoshi

    -     Tsuki Jodan -> recul du pied gauche -> Shomen Uchi -> Hiraki Ashi à droite ->  Omote Yokomen Uchi -> O Irimi Mae Hiki Otoshi -> Ura Yokomen Uchi -> Irimi Ura Ude Nage -> Omote Do Uchi -> O Irimi Kataha Otoshi -> Gyaku Do Uchi -> O Irimi Neji Kote Gaeshi

    -     Tsuki Jodan -> recul du pied gauche -> Shomen Uchi -> Hiraki Ashi à droite ->  Omote Yokomen Uchi -> O Irimi Mae Hiki Otoshi -> Ura Yokomen Uchi -> O Irimi Ura Ude Nage -> Omote Do Uchi -> O Irimi Kataha Otoshi -> Gyaku Do Uchi -> O Irimi Neji Kote Gaeshi -> Omote  Sune Uchi -> recul du pied gauche, O Irimi Ura Kataha

    -     Tsuki Jodan -> recul du pied gauche -> Shomen Uchi -> Hiraki Ashi à droite ->  Omote Yokomen Uchi -> O Irimi Mae Hiki Otoshi -> Ura Yokomen Uchi -> O Irimi Ura Ude Nage -> Omote Do Uchi -> O Irimi Kataha Otoshi -> Gyaku Do Uchi -> O Irimi Neji Kote Gaeshi-> Omote  Sune Uchi -> recul du pied gauche, O Irimi Ura Kataha  -> Gyaku Sune Uchi -> recul du pied droit, Irimi Ashi Tori Oshi Taoshi

    -     Tsuki Jodan -> recul du pied gauche -> Shomen Uchi -> Hiraki Ashi à droite ->  Omote Yokomen Uchi -> O Irimi Mae Hiki Otoshi -> Ura Yokomen Uchi -> O Irimi  Ura Ude Nage -> Omote Do Uchi -> O Irimi Kataha Otoshi -> Gyaku Do Uchi -> O Irimi Neji Kote Gaeshi -> Omote  Sune Uchi -> recul du pied gauche, O Irimi Ura Kataha -> Gyaku Sune Uchi -> recul du pied droit, Irimi Ashi Tori Oshi Taoshi -> Tsuki Chudan -> Irimi Uchi Mata Gaeshi

     

    -     Ouf ! Il aurait été bien de conclure avec un Randori sur le thème du Tambo no Kata mais il était tard et j’ai 3/4 d’heure de route avant de retrouver mon doux logis. Et puis il est devenu rituel de boire un p’tit coup et de grignoter quelques friandises après le cours, on ne va pas se quitter comme des voleurs ! On fera le cours complet à Lachute... pour ceux qui savent...

     

    J’ai détaillé les points clés de chaque phase dans une fiche intitulée « défense contre Tambo ». Il est possible de poser sur cette trame n’importe quelle technique du moment qu’elle corresponde à la forme d’entrée, par l’intérieur ou par l’extérieur. A priori, je choisis toujours des techniques de base puisque le thème de mon projet est élaboré sur les « fondamentaux ». Je me suis fait un cadeau, une technique plus complexe pour finir, Uchi Mata Gaeshi (et non pas Te Uchi Mata Gaeshi) qui me paraît la plus belle d’entre toutes et aussi la plus exigeante au niveau synchronisation, placement, détermination. Vraiment, une belle technique et un beau cadeau.