• Retour à Caudebec 19 janvier 2017

     

    Nous avons toujours besoin de rendre quelqu'un responsable de nos ennuis et de nos malheurs. (Luigi Pirandello)

    Enfin, un beau temps hivernal. Le mercure est descendu de 5 degrés au-dessous du zéro. Le ciel est limpide, aussi bleu qu’il peut l’être dans nos régions maritimes, c’est-à-dire d’un ton tirant plus sur le pastel que sur l’azur. Il ne manque qu’un peu de neige, ou ce merveilleux givre qui a enchanté nos paysages le 1er janvier, pour que mon bonheur soit complet.
    Je compte une petite heure de route pour me rendre au très beau Dojo de Caudebec en Caux. À l’intérieur, il fait chaud, très chaud, même... Ce qui fait remonter à ma mémoire le souvenir d’un stage qui se déroula en janvier 1974. Pénurie de pétrole, consignes données aux municipalités de moins chauffer les salles de sport. Et la municipalité de Caudebec en Caux avait fait du zèle : pas de chauffage, le Dojo était une glaciaire. Quelques stagiaires furent indisposés pendant l’échauffement et éprouvèrent le besoin de se délester de leur petit déjeuner. Ce pour quoi le jeune Maître Alain Floquet eut ces paroles réconfortantes : « C’est bien fait, vous n’avez pas besoin de prendre du café au lait au petit déjeuner, c’est un poison pour le foie. »

    Pour avoir du talent, il faut être convaincu qu’on en possède. (Gustave Flaubert)

    Ils sont 13, ce soir, dont 3 Bourdenysiens qui ont fait le déplacement : Mélanie, Stéphanie et Théo,  grand débutant et déjà passionné. Béatrice, la maîtresses des lieux, Bruno, un des plus anciens Caudebécais, Nathalie à l’humour bien affûté et le talentueux Sébastien complètent le rang des Yudansha complété par 7 Kyu, dont 2 toutes jeunes débutantes, qui me feront apprécier l’attention, la concentration et le niveau de réussite dans un cours qui, a priori, pouvait sembler ne pas leur être destiné. À noter : ces dames sont majoritaires chez les Yudansha et représentent quasiment 50 % des participants. Quelle belle région ! 

    L'esprit, c'est comme l'argent : on en a en général aux dépens d'autrui. (Claude Roy)

    Ce soir, je parle de distance. Tout le monde est ravi de murmurer Ma et Chika Ma. Les yeux s’agrandissent quand je parle d’étymologie.
    En fait, la notion de distance est issue de l’art du sabre et a été développée en Kendo. Notre terme MA est une contraction de Issoku Itto no Ma Aï : la distance où les pointes des Shinaï se touchent et où il suffit d’un pas pour toucher l’adversaire. En ce qui nous concerne, c’est la distance où les mains peuvent se frôler le bout des doigts quand les bras sont tendus : un pas suffit pour frapper l’adversaire.
    La distance Ma est notre distance de prédilection, celle du jeu, en quelque sorte. C’est surtout la distance qui, lorsque Uke porte une attaque, le place en léger déséquilibre avant que Tori doit amplifier en le canalisant.
    La distance To Ma, nécessitant au moins 2 pas, crée chez Uke un élan que Tori doit freiner avant de le canaliser.
    La distance Chika Ma est statique, qu’il s’agisse d’une saisie ou d’un coup. Tori doit utiliser sa force pour mobiliser Uke et développer un mouvement.

    Je vais être jaloux de cette tour. Elle est plus célèbre que moi. (Gustave Eiffel)

    Ces explications sont rassurantes, nous sommes dans domaine de notions déjà plus ou moins connues. Ce n’est plus de la théorie, c’est de la pratique.
    J’en viendrai pourtant à nuancer ces notions de distance qui ne sont pas gravées dans le marbre. Quand je demande à Uke de me frapper au visage, j’entends que son poing doit me toucher le menton, pas chercher une cible située à 30 cm derrière ma nuque ! C’est pourquoi, quand je me place devant Sébastien, j’ajuste ma position, je tends à reculer alors qu’il tend à avancer pour raccourcir la distance. Sébastien est un grand longiligne chez qui je sens une belle détente, je dois prévoir comment il sera placé quand il portera son attaque. Sur un autre, plus court, plus trapu, je chercherai peut-être à me rapprocher pour le contrôler plus aisément.
    La relativité de la distance est facilement comprise et admise même s’il faudra du temps pour qu’elle soit plus qu’une notion intellectuelle. Cette notion de distance se situe dans l'espace physique.
    Ça se complique quand j’explique qu’il existe une autre distance : le temps qui sépare l’attaque de Uke de la riposte de Tori. Nous entrons dans le domaine des sensations.
    Notre niveau de pratique se situe de préférence en distance Ma avec la sensation de Tai no Sen : attaque et entrée sont simultanées. On pourrait traduire Tai no Sen par « faire face à l’attaque ».
    Si je prends l’initiative  pour inciter Uke à attaquer où et quand je l’ai choisi, j’ai la sensation du Sen no Sen qu’on pourrait traduire par « anticiper l’attaque ».
    Je peux me retrouver dans une situation qui ne me permet pas d’entrer en toute sécurité. J’attends que Uke prenne l’initiative et j’efface mon corps avec un Nagashi sur place. Je suis en situation de Machi no Sen qu’on pourrait traduire par « attendre l’attaque ». Si Uke utilise une saisie m’imposant l’utilisation de la force, je parlerai de Go no Sen qui est en fait un synonyme de Machi no Sen.

    À ceux qui ne changent jamais d'opinion, il incombe particulièrement de bien juger du premier coup. (Jane Austen)

    Il ne reste plus qu’à mettre tout cela en application sur un Tsuki Jodan qui est censé être un atémi appliqué au menton et on pas un violent coup de poing porté au dessus de l’épaule !
    Toute la difficulté repose dans le fait d’entrer avec le bras dans l’axe du bras de Uke sans le fléchir pour relever le poing et le corps droit, sans incliner le tronc pour échapper à un coup douloureux.
    J’ai déjà décrit ce travail sur les sensations. N’ayant pas pris le temps de tourner quelques vidéos, préférant consacrer mon temps à de jeunes élèves que je vois trop rarement, je vous renvoie vers les comptes-rendus de cours consacrés au même thème.

    http://ctir-aikibudo.eklablog.com/bilan-du-cours-du-6-avril-2016-a125604936

    Ne te contente pas de pratiquer ton art, mais fraie-toi un chemin dans ses secrets, il le mérite bien. Car seuls l'art et le savoir peuvent élever l'homme jusqu'au Divin. (Ludwig van Beethoven)

    Un bon Randori avant de s’attaquer à la galette des rois... Travail en ligne : une ligne de Yudansha, les Kyu prennent place en face, un groupe de 3 à la fin de la ligne. Les consignes sont simples : sur Tsuki Jodan, on porte ce qui vient, les exercices étudiés ce soir ou autre chose. C’est parti pour une dizaine de minutes, nous jouons les prolongations !

    Retour à Caudebec 19 janvier 2017

    Une très belle participation féminine. Un cours très agréable, pour un groupe attentif et qui ne demande qu’à progresser. Le retour, en fin de soirée, s’est effectué au son d’un bon concert de jazz, sur une route quasi déserte. Paré pour le prochain cours.

     

     

    Histoire d'un Hakama qui fut blanc 

    7e dan FIAB 2011

    2e dan FKSR 1986

    A.照り絵 / 七段 教士 

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    Oublie tes peines et pense à aimer

    あなたの悩みを忘れて、愛について考える 

    Anata no nayami o wasurete, ai ni tsuite kangaeru

    mort-de-rire

     

     

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