Hoax : des canulars en chaînes

Vous savez ce qu’est un « hoax » ? C’est un canular qui se répand sur la Toile comme une tache de vinaigrette sur une nappe blanche. Les canulars sont vieux comme le monde tout comme les chaînes, d’amitié ou autre, sont vieilles comme la poste.

L’avènement de l’Internet leur a donné un nouveau statut. Les nouveaux internautes y ont adhéré massivement, avec la naïveté la plus profonde, tout comme les premiers lecteurs des journaux à grande diffusion ou les premiers téléspectateurs : « C’est vrai, je l’ai lu dans le journal, je l’ai entendu à la radio ! ». « Vu à la télé » affirme la pub destinée à ferrer les gogos...

« Expédie ce message à 10 nouveaux destinataires... à qui tu exprimeras ainsi ton amitié ... et tu deviendras riche ... ou tu subiras de terribles épreuves... »

10 x 10 x 10 x 10 x 10 x 10 x 10 x 10 x 10 x 10 : au dixième échange, ce qui pourrait ne prendre qu’une dizaine de minutes, on a ainsi 10¹ + 10² + 10³ + 10⁴ + 10⁵ + 10⁶ + 10⁷ + 10⁸⁹ + 10¹⁰ messages en circulation. Le calcul mental n’est pas votre activité favorite, vous n’avez pas vraiment l’esprit mathématique, vous ne voyez pas ce que ça représente ? Alors, regardez bien : 10 + 100 + 1 000 + 10 000 + 100 000 + 1 000 000 + 10 000 000 + 100 000 000 + 1 000 000 000 + 10 000 000 000 = 11 111 111 110, presque le double de la population de la planète.

Pensez que des dizaines de milliers de « chaînes » de ce type sont actuellement en circulation. Imaginez la quantité de gigaoctets qui viennent étouffer les serveurs de vos fournisseurs d’accès contre qui vous fulminez quand le débit ralentit de façon drastique ou que vous perdez votre connexion... Représentez-vous la dépense colossale en électricité nécessaire à la diffusion de cette masse d’informations quand vous râlez parce que vous venez d’apprendre qu’EDF nous prévoit des délestages aux moments les plus froids de cet hiver...

Je reçois toutes les semaines un ou plusieurs de ces messages bien intentionnés à propos de la grippe A, des radars, d’un truc super à propos du permis de conduire... quand il ne s’agit pas de virus qui vont tout effacer sur le disque dur voire même mettre le feu à l’ordinateur !

 Depuis quelques années, un site est parti à la chasse aux canulars sur la toile : www.hoaxbuster.com . Il est très simple de s’y connecter et d’y copier une partie du message reçu. On obtient immédiatement l’historique de sa diffusion, ses variantes et son niveau de véracité. Et d’éviter ainsi la diffusion de sottises bien plus nocives qu’on ne l’imaginerait à leur simple lecture.

Quant aux chaînes d’amitiés, aux mandalas, aux merveilleux diaporamas new age, leurs auteurs aussi talentueux soient-ils, leurs expéditeurs aussi bien intentionnés soient-ils ont-ils mesuré leurs dégâts... collatéraux, comme on dit dans les milieux corrects ?

La rumeur... La sournoise rumeur... Sa version modernisée, la légende urbaine (http://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9gende_urbaine)... Vous êtes probablement trop jeunes, amis lecteurs, pour vous rappeler les invraisemblables dégâts provoqués par les « grandes » rumeurs des années 60/70.

La rumeur d’Orléans (http://fr.wikipedia.org/wiki/Rumeur_d%27Orl%C3%A9ans), des femmes disparaissaient, elles entraient dans une boutique de vêtements, elles allaient dans une cabine d’essayage, on ne les revoyait plus jamais...

La rumeur de l’agglomération rouennaise. Un restaurateur d’origine pied-noir, aurait servi du rat dans ses établissements, voire de la pâtée pour chiens... Je me rappelle l’acharnement médiatique contre ce dernier dont j’étais occasionnellement client et qui faillit bien fermer boutique.

La rumeur était anonyme. Aujourd’hui, les internautes se cachent derrière des pseudos. Quelle est la différence ?

Pffffffuuuuiiiit !!! Et l’Aïkibudo dans tout ça ? Le CTIR ne serait-il donc qu’un vieux ronchon moralisateur ? C’est bien possible, mais pas seulement...

En fait, je suis effaré par le renouveau de la crédulité ambiante amplifiée par la redoutable montée en puissance de l’Internet.

Et l’Aïkibudo dans tout ça ? Une simple question de vigilance : évaluer une situation avant d’agir, surtout avec l’extrême facilité, la réactivité, l’immédiateté qu’offre la communication numérique, ne pas se laisser aller à ses impulsions qui risquent de faire dériver vers un comportement de... compulsion : « Ce n'est pas parce qu'on a un porte-voix qu'on a quelque chose à dire* ».

Bon Zanshin.

P.S. La réputation d’une école se tisse sur l’image publique que renvoient ses membres : crédibilité et compétence de ses enseignants, comportement de ses élèves, même débutants, même occasionnels. La rumeur, vous dis-je.

« La calomnie, Monsieur ? Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j'ai vu les plus honnêtes gens près d'en être accablés. Croyez qu'il n'y a pas de plate méchanceté, pas d'horreurs, pas de conte absurde, qu'on ne fasse adopter aux oisifs d'une grande ville, en s'y prenant bien ; et nous avons ici des gens d'une adresse !... D'abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l'orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano vous le glisse en l'oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez Calomnie se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d'œil ; elle s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription.  Qui diable y résisterait ? »

Nous sommes loin du travail d'artisan de Basile, imaginé par Beaumarchais. Aujourd'hui, le moindre propos hostile peut faire le tour du monde en quelques instants*.

*citations empruntées au site http://www.les-infostrateges.com/article/0809341/de-beaumarchais-a-internet-de-la-calomnie-a-l-e-reputation-negative