• Quelques notes (5)

     


    15 JUILLET / 16 AOÛT 1966 : STAGE DE JUDO ET AÏKIDO À ROYAN

     
    Quelques notes (5)

    Qu'est-ce donc qui m'a décidé à m'inscrire à ce stage qui fut décisif pour la suite du déroulement de mon existence ?
    Une conversation, peut-être, lors d'une pause, avec Jean et Christiane Lemaître. Ils parlaient souvent de leur fameux stage de Marciac, où ils découvrirent Hiroo Mochizuki et l’Aïkido. Et puis d'un certain Moustique qui y fit connaissance de l'âme sœur... Mon esprit romantique s'enflamma ! Et puis ils me vantèrent les charmes du stage de Royan, le talent du dentiste 4ème dan Charles Sebban et l'incomparable virtuosité et la gentillesse du directeur technique des cours de Judo, le maître Shozo Awazu...
    Je m'inscrivis donc à ce stage pour un mois, et, pour ne pas être avare de mon entraînement, je choisis de pratiquer les deux disciplines, soit quatre heures de chacune par jour, la galère, quoi !
    Une sorte de petit village moitié planches, moitié toile, avait été aménagé, et je partageais un bungalow avec deux galopins de dix-huit ans, fort attachants, Hubert et Claudius.
    Le directeur technique de l’Aïkido Mochizuki était donc Charles Sebban assisté de son sémillant beau-fils, Michel Berreur - qui allait connaître un moment de célébrité en duo avec Daniel Breton, dans leur spectacle « Les Samurai », et qui a fait ensuite de la petite figuration dans des feuilletons de série noire - et de Tavernier, dont j'ai oublié le prénom et qui quitta le navire quand celui-ci commença à faire eau de toutes parts.
    J'eus un premier aperçu de ce que pouvait apporter la pratique de l’Aïkido de l’école Mochizuki. Statique et en force avec Charles Sebban, proche de la danse avec Michel Berreur qui en faisait peut-être un peu trop. (Il préparait son numéro et avait une célèbre chanteuse yéyé, Sheila, pour élève !)
    Je me confrontai à mes premières difficultés et découvris que j'avais beaucoup à apprendre, notamment la liste des vrais noms des saisies en japonais (il me fallut une soirée pour cela). J'eus ma première joie en recevant le 2ème kyu le 30 juillet des mains de Charles Sebban, j'eus ma première émotion en servant de partenaire à Hiroo Mochizuki qui faisait une visite surprise et qui, à mon grand étonnement, ne me brutalisa pas... Et j'eus ma première déception quand, à la fin de la deuxième période, Jean Azéma, un des piliers de l’école, me refusa le 1er kyu.
    En effet, je croyais que tout était arrivé. J'avais servi de partenaire à un candidat au 1er dan, Alain Gomez, qui se fit plus tard une place honorable dans le Kendo. Bien que somme toute débutants, nous avions tous deux un style déjà souple et fluide, même si nous portions nos techniques sans concession. Notre prestation avait été très applaudie, mon partenaire avait été reçu et je m’attribuais fort modestement une bonne part du mérite. Jean Azéma me fit donc tomber de haut et, sans en avoir conscience, remit ma pendule à l'heure.
    Au cours de ce stage, qui devait rassembler trois cents adeptes dans les deux disciplines, j'avais été particulièrement impressionné par deux personnages qui me paraissaient immenses : le docteur Poli, très connu à l'Amicale Mochizuki pour ses articles pertinents sur la médecine du sport, et Raymond Damblant, que je croyais Canadien, mais qui est Palois d'origine et Montréalais d'adoption. J'ai gardé le souvenir d'un passage de grade, 1er kyu ?1er dan ? où ils m'émerveillèrent littéralement par leur prestance et l'impression de force tranquille qu'ils me renvoyaient. Je fus très étonné, quelques années plus tard, quand je fis la connaissance de Raymond et commençai à nouer des liens amicaux avec lui, de m'apercevoir qu'il était en fait bien plus petit que moi !
    Cela ne m'empêchait pas de me livrer à quelques randoris sauvages en Judo. L’Aïkido avait la réputation d'être pratiqué par des vieillards grabataires et je tenais à montrer que ma ceinture verte de Judo valait quelque chose ! J'eus ainsi le plaisir de tirer avec un petit gorille nippon, Hirofumi Matsuda, qui venait de conquérir le titre de champion du monde à Sao Polo. Ce fut un rêve !
    Il ne pratiquait en fait qu’une seule technique, Uchi Mata, une projection par lancement de la jambe à l’intérieur de la cuisse de l’adversaire, toujours du côté gauche. Et en plus, il prévenait son adversaire au moment de la porter. Personne n’était capable de contrer.
    Mais moi, modeste débutant, j’eus droit à un récital et... je parvins à le conduire au sol grâce à un de ces Soto Maki Komi que j’affectionnais et qu’il consentit à subir.
    Ma carrière de célibataire commença à sombrer sur le sable de la plage de Royan, le 15 juillet. J'avais quand même du temps libre l'après-midi et j'errais à la découverte de la ville quand je rencontrai les deux garnements avec lesquels je partageai ma chambrée. Ils menaient une drague incessante, une véritable quête du sexe, et ils me vantèrent les charmes d'une exquise personne qu'ils avaient vainement entreprise la veille, et qu'ils savaient sur la plage. Ils tenaient absolument à me la présenter. Allons donc voir la belle...
    Je vis des épaules de femme, la courbure d'une colonne vertébrale de femme, le duvet soyeux et doré du dos d'une femme et je fus pris à l'hameçon. Le soir même, nous nous promenions tous ensemble, mes deux acolytes, la belle et sa camarade. J'étais fier d'une Renault 4L toute neuve, et nous fîmes la tournée du front de mer.
    Rien ne semblait montrer que je puisse représenter quelque chose pour la belle. Seulement, le lendemain, je m'aperçus que mon fétiche, un tout petit ours en peluche qu'une petite amie m'avait offert pour mes douze ans (!!!), avait disparu.
    Et ma carrière de célibataire sombra définitivement sur le sable de la plage de Saint Palais dans la nuit du 18 juillet, par une romantique nuit étoilée...
    Je rentrai chez moi dans la nuit du 15 août. Je repartis pour Royan dans la nuit du 17 août. Le contrat de travail de ma belle s’était achevé ce jour-là et j’allai la chercher au domicile de ses employeurs qui me claquèrent la porte au nez, car elle n'allait être majeure que deux semaines plus tard. Je poursuivis le train où ils l’avaient séquestrée, parvins à l'arrêter en gare de Saintes pour tenter de la libérer et, enfin, j'enlevai l'objet de mes désirs à Paris...
    1er septembre 1966. La belle est majeure, sa marâtre la met à la porte, ne s'en sentant plus responsable... Nous partageons donc mon modeste pigeonnier, au 7 rue de l’Église, à Saint-Léger-du-Bourg-Denis.
    10 décembre 1966. La belle s'ennuie de sa marâtre qui n'a pas répondu à son invitation pour notre mariage prochain. Elle me convainc d'aller la voir. C'est ainsi qu'à vingt heures quarante, une rafale de vent vint interrompre ma carrière de judoka du côté d'Isles-sur-Suippe contre un arbre dont mes vertèbres cervicales n'avaient pas apprécié le baiser sylvestre.
    24 décembre 1966. Nous convolons en justes noces, la profonde balafre qui orne toujours mon front et participe ainsi à ma séduisante virilité a été soigneusement maquillée par les soins de petites amies pas trop rancunières...

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    2e dan FKSR 1986

    A.照り絵 / 七段 教士 

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    Oublie tes peines et pense à aimer
    あなたの悩みを忘れて、愛について考える
    Anata no nayami o wasurete, ai ni tsuite kangaeru

    80 balais... âge canonique

    mort-de-rire

     

     

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