• Bilan du cours du 3 février 2010

     

    Vanitas vanitatum, et omnia vanitas !

    Pour les cancres qui ne se sont jamais plongés dans les pages roses du Petit Larousse illustré ou qui ne connaissent pas l’excellent site http://www.abnihilo.com, cela signifie vanité des vanités, et tout est vanité.
    Je corresponds régulièrement avec ma dernière petite-fille, qui a 6 ans. Il y a quelques jours, je lui ai écrit : « Ce matin, je suis allé au club entraîner des élèves qui vont se présenter à un grade très élevé. Ça va être dur pour eux car c'est un examen difficile mais j'ai confiance, ils vont travailler très fort pour réussir. Ce soir, je vais me reposer car je me suis levé de bonne heure pour cet entraînement et le cours a duré de 9 h à midi. Ton vieux papé est tout cassé ! »
    Le lendemain, elle m’a demandé : « Est-ce que pour de vrai t'es cassé ou fatigué ? Je voudrai le savoir. »
    Je lui ai répondu : « Et bien, vois-tu, c'est une sorte de plaisanterie. Quand je dis "Je suis cassé ", c'est pour me moquer de moi. J'ai voulu m'entraîner comme les jeunes hommes que j'ai dans mon cours au lieu de m'entraîner comme un Papé alors j'ai plein de courbatures. »
    Pourquoi comme un Papé ? Parce que mes petits-enfants m’appellent Papé. Je déteste l’anglicisme Papy. Quand nous étions enfants, ceux de ma génération disaient Pépère. Ce nom renvoie une connotation de retraité inactif. C’est trop tôt. Alors Papé me convient. Mon autre petite-fille, qui a eu son heure de gloire au Temple-sur-Lot en 2008, venait voir son Papé sur le tatami. Ce qui fait que mes amis Québécois, plutôt respectueux, m’ont appelé Sensei Papé. J’aime bien.
    Et pourquoi vous racontè-je tout cela ? Peut-être pour faire savoir que ma petite-fille de 6 ans est déjà capable de m’envoyer des courriels ? Et que j’en suis fier ? Que sa cousine, jolie petite fée blonde, s’attirait les attentions de la plupart des stagiaires ? Vanitas vanitatum, et omnia vanitas !
    Ou, peut-être, pour vous faire sous-entendre que je tiens encore la route et que, malgré mon âge canonique, je fais la pige aux jeunots même si je le paie ensuite par des courbatures invalidantes (j’exagère encore...)  Vanitas vanitatum, et omnia vanitas !
    Bruno, du Québec, m’a écrit dernièrement : « Merci de continuer votre carnet web, vous êtes toujours intéressant à lire, avec votre style bien à vous ! ». Certes, j’ai changé de style, je me complais à une sorte de marivaudage humoristique avec mes lecteurs, je tisse ensemble anecdotes et réflexions pédagogiques à la place de l’austère exposé de mes observations suivi d’une fiche de préparation. C’est peut-être que je ne prépare plus mes cours et que ça me flatte de lire que je suis très intéressant et que j’ai un style bien à moi. Vanitas vanitatum, et omnia vanitas !
    Et l’Aïkibudo, dans tout ça, s’exclament mes 20 à 30 lecteurs quotidiens. Mazette ! 20 à 30 lecteurs quotidiens ! Je suis fier de le faire savoir... Vanitas vanitatum, et omnia vanitas !
    Et l’Aïkibudo, dans tout ça ? Patience, j’y viens.
    Qui oserait m’affirmer qu’il n’a jamais pensé à briller, que ce soit aux yeux de ses élèves ou aux yeux de son Maître ? Qui ne souhaite être aimé, pour lui-même ou pour ses talents ? Qui n’aime recevoir des marques de respect, voir son travail apprécié ? Et le temps qui passe ne fait rien à l’affaire même si le besoin de recevoir se mue peu à peu en goût de l’échange puis en besoin de transmettre.
    À force de travail, on se rend compte qu’il ne sert à rien de chercher à obtenir mais qu’il faut accepter avec reconnaissance ce qui s’offre. C’est ce qui se passe dans nos relations avec nos Maîtres. C’est ce qui finit par se passer dans notre quête du mouvement « impeccable ».
    En fait, un mouvement se réussit ou se rate à deux. La gloire comme l’échec se partagent entre Uke et Tori. L’échec provient du fait qu’on confond le but et le chemin qui mène au but. Ce qui est intéressant n’est pas la cible mais le trajet effectué pour l’atteindre. Ce qui compte c’est le mouvement. À l’issue du mouvement apparaît la technique, comme un point final au bout d’une phrase. Comme l’atemi à l’issue du Te Hodoki...
    Ce dernier mercredi, j’ai présenté les dégagements sur Ude Jime qui a été plus ou moins classé au bout de la liste des Te Hodoki. « On ne porte pas d’atemi ? », se sont exclamés quelques élèves. Vous pouvez en appliquer un à la fin, si ça peut vous faire plaisir mais c’est uniquement pour poser un point final à la fin de votre phrase.
    Vanitas... encore ? P’têt ben...
    Je vais bientôt achever ma 69e année passée sur notre belle planète. Je serai donc officiellement âgé de 69 ans et j’entrerai dans mon 70e printemps. Et oui, quand nous naissons, nous sommes âgés de 0 an mais c’est notre année n°1... Tout comme un siècle commence en l’an 1 et s’achève en l’an 100... C’est pourquoi notre siècle a commencé en 2001 et non pas en 2000 comme nous l’ont bassiné tous les médias de la planète. Ils avaient oublié l’excellent film de Stanley Kubrick : « 2001, l’odyssée de l’espace » qui imagine notre entrée dans le 21e siècle.
    Et l’Aïkibudo, dans tout ça ? Patience, j’y viens.
    69 balais, c’est lourd à porter. Demandez à not’ bon Maître qui en porte dorénavant 70... On fait tout ce qu’on peut pour continuer à être et même à paraître. Pour soi-même et par respect pour son « public ». On lutte contre l’érosion du temps. Les jeunes Yudansha ont encore confiance dans les capacités physiques des plus anciens et ne retiennent guère leurs attaques. Par respect ? Pour ne pas humilier un vieil homme en le ménageant ? Les occidentaux sont-ils plus influencés par les apparences que leurs homologues nippons ?
    Avez-vous regardé, sur Youtube, les vidéos de Maître Mifune Kyuzo ? Je vous conseille de le faire sans tarder. La finesse des techniques, l’efficacité des Tai Sabaki, la fluidité des Kaeshi Waza font penser à un autre visage de l’Aïkibudo. Pas étonnant puisqu’il fut le professeur de Judo de Sensei Mochizuki Minoru.
    Je pense que lorsque ces documents ont été filmés, Maître Mifune devait avoir entre 70 et 80 ans. C’était un homme de plutôt petite taille et de corpulence moyenne. On voit de jeunes champions attendre tranquillement leur tour pour « tirer » avec le vieux Maître qui semble se jouer d’eux comme de petits enfants. Il n’y a pas de magie là-dedans et Mifune Kyuzo n’était pas un surhomme. Les jeunes et vigoureux champions le « ménageaient ». En fait, ils venaient là pour s'imprégner de son expérience, pour sentir comment il plaçait le déséquilibre, comment il esquivait leurs attaques, comment il enchaînait ses techniques...
    C’est ce que je tente de faire, à ma très modeste échelle, avec mes jeunes Uke. Ils passent par plusieurs étapes : ils testent avec une pointe d’hésitation, ils s’étonnent parce qu’ils ne comprennent pas, ils attendent la prochaine surprise, ils prennent confiance et apprennent à sentir, à comprendre le mouvement par « l’intérieur ». C’est ma façon d’être encore utile. Quant à briller... « Sic transit gloria mundi » (ainsi passe la gloire de ce monde).
    En fin de compte, s’il n’y a que Vanitas..., s’il ne faut pas regarder plus haut que l’horizon, si on ne peut plus se hausser du col ni tenter d’avoir son quart d’heure de célébrité, la vie devient soudain terne et triste à souhaiter la quitter.
    Et l’Aïkibudo dans tout ça ? Il nous enseigne l’engagement total avec modération. Ça ne veut rien dire ? P’têt’ ben...
    Je me suis vanté plus haut de ne plus préparer mes cours, c’était une façon de parler. Je ne les rédige plus par écrit, à l’avance, mais ils sont scrupuleusement pensés, réfléchis...  Je ne sais pas faire autrement, je ne pourrais pas arriver sur le tatami en me demandant ce que je vais pouvoir faire ! Mais je sais à l’occasion improviser à partir du thème que j’ai préparé.
    Et le bilan du cours ? J’y viens ! Je rencontre deux fois par mois un petit groupe de fidèles, du 6e Kyu au 4e dan, de la petite puce de 22 ans aux robustes quinquagénaires encore (relativement) verts. Attentifs, sérieux, confiants, une qualité indispensable pour progresser, et généreux, développant l’énergie d’un groupe deux fois plus nombreux. La forme de corps se précise, les compétences s’affinent. Les attaques sont plus sincères, les techniques portées sont plus convaincantes, plus esthétiques, le mouvement apparaît. La vigilance est perceptible. J’ai plaisir à progresser en leur compagnie.

     

    Fiche technique

    Bases théoriques :

    • du Ma au Chika Ma et du Chika Ma au Ma
    • saisies arrière : sortie par l’extérieur ou par l’intérieur

    Exercice de base :

    Distance Ma, Uke porte Dosokute Dori, Tori entre Irimi pour faire pivoter Uke sur son pied avant et l’inciter à tenter la saisie Ushiro Ryote Dori. Tori continue son action vers l’avant en posant le genou intérieur au sol.

    Applications : dégagements sur Ushiro Ryote Dori

    La saisie est portée à partir de la distance Ma, passage en Chika Ma avec Ushiro Ryote Dori, le dégagement se poursuit dans la dynamique du mouvement (sensation de distance Ma)

    Dégagements par l’extérieur : Pivot des hanches vers l’intérieur (comme pour regarder Uke) en croisant la jambe intérieure vers l’extérieur, le bras extérieur s’enroulant autour des hanches de façon à bloquer la main de Uke contre les lombaires.

    • La main extérieure se dégage en déroulant les doigts de Uke contre la hanche pendant que la main intérieure vient saisir le poignet extérieur de Uke et l’emmène latéralement vers l’avant. O Irimi sur place -> Kote Gaeshi ou grand O Irimi -> Neji Kote Gaeshi La main intérieure se dégage en supination pendant que la main extérieure bloque les doigts de Uke contre la hanche. Nagashi pied avant en maintenant la main de Uke contre la hanche pour l’obliger à avancer. Saisie  du poignet de Uke. Kote Gaeshi ou Neji Kote Gaeshi en fonction du déplacement final
    • Dégager la main extérieure en entraînant Uke, clé de coude pour l’obliger à avancer et poser la main libre au sol. Ude Garami (renversement arrière conduit en déséquilibre avant)
    • Saisir le poignet extérieur en supination, retrait de la jambe intérieure pour entraîner Uke (avec la hanche...). Shiho Nage Hikitate. Rapide revue des Hikitate Waza.
    • Aparté sur Koshi Shiho Nage, Kata Guruma
    • Dégager la main extérieure en la remontant vers le visage de Uke. Ura Ude Nage
    • Dégager la main extérieure en enroulant le poignet de Uke. Kote Kudaki

    Dégagement vers l’intérieur

    • Pivot des hanches vers l’intérieur (comme pour regarder Uke) abandonner le bras extérieur pour bloquer les doigts de Uke contre les hanches. Glisser sous le bras extérieur de Uke, porter Yuki Chigae, action de l’épaule dans la paume de la main saisie pour faire reculer Uke. Yuki Chigae -> roulade arrière. Yuki Chigae -> immobilisation. Yuki Chigae -> roulade avant. Koshi Yuki Chigae.

    Te Hodoki sur Ude Jime

    • Dégagement vers l’extérieur : reculer le pied extérieur, contrôler le coude de Uke, pivoter et amener Uke sur le dos
    • Dégagement vers l’intérieur : reculer le pied intérieur, contrôler le bras de Uke, pivoter en posant le genou intérieur au sol, projeter Uke

    Exercice « final »

    Uke et Tori marchent. Uke vient saisir Uke en Ushiro Uwate. Tori fait un pas en poussant les coudes vers l’avant pour coller Uke sur son dos, il fait un second pas en pivotant sur ses hanches et en lançant les bras vers l’avant pour projeter Uke.

    Variante : reculer la jambe avant et poser le genou au sol en continuant la poussée avant.

    Randori

     

     

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