• Retour à Caudebec en Caux 2010

     

    Interrompant sa conversation avec sa voisine, Sophie me demanda : « Mon bon Maître (je croyais pourtant être le seul à utiliser cette expression...), au bout de combien de temps apprend-on la chute plaquée ? »
    Je ne sus que répondre, comme si c’était une évidence : « Quand on est prêt... ». Nous en étions au repas qui clôturait ma visite annuelle au club de Caudebec en Caux, ce jeudi 25 février, et je tentais d’étirer mes jambes sous la table pour échapper à des crampes sournoises qui venaient de naître sous mes cuisses.
    Maudites crampes qui me firent méditer sur cette question : « Quand est-on prêt ? ». Pas à la corrosive chute plaquée qui malmène les nuits et parfois les jours des vieux pratiquants d’Arts Martiaux où les chutes sont de rigueur.
    En fait, je me posais la question cruciale : « Au bout de combien de temps atteindrai-je enfin la sagesse ? »
    Si être sage c’est renoncer à ses rêves d’enfant, à ses aspirations, renoncer à être sur le devant de la scène et à briller, ce n’est pas pour demain !

    J’aime arriver en avance quand je dois monter sur le tatami, surtout si c’est moi qui donne le cours. Je m’imprègne du climat de la salle, je tente de percevoir les sensations émanant des groupes qui se sont succédés, j’accueille les arrivants même si je suis chez eux.
    Si j’étais là bien avant 17 h 30, Bruno n’ouvrit la porte que vers 17 h 50. En fait, la plupart des pratiquants ne peut arriver que vers 18 h, heure à laquelle est censé commencer le cours.
    À 18 h, donc, je me sentais bien seul sur le grand tatami mais je fus vite rejoint par Pierre et Ludovic. Puis ce fut le tour de Sophie, Bruno et de jeunes pratiquants plus ou moins intimidés. Chacun commença son échauffement à sa façon en attendant le début effectif du cours.
    Le maître des lieux, Alain Gallais,  peut se targuer non seulement de 75 années passées sur cette Terre mais aussi de 40 années de diverses présidences, locales ou régionales, au service du Judo, sa première passion et, surtout, de l’Aïkibudo haut normand. Il m’a considérablement aidé à mettre en place de la région de Haute Normandie, se chargeant de toute la partie administrative et me laissant la meilleure part : l’encadrement technique.
    Je gamberge. Évoquer l’histoire de ma région me fait mettre de côté l’agacement qui me ferait perdre mon humour : je suis impatient. Malgré le peu de participants, je commence le cours.
    En place pour la base des bases : Te Hodoki sur Jyunte Dori. Courte démonstration. Quelques indications. Les groupes se forment. Les Yudansha se dirigent spontanément vers les débutants.
    Déjà des dérives. Je repasse une couche : « Reproduisez ce que vous voyez, pas ce que vous croyez avoir vu... ».
    D’autres pratiquants sont arrivés, Béatrice et ses poussins puis Xavier qui a dû affoler les radars de l’A3 pour arriver avant la fin du cours. Je parviens à prendre peu à peu le pouls du groupe. Je me détends et les élèves me semblent plus à l’aise. Je perçois que les sensations que je tente de faire passer sont peu à peu perçues et comprises. Je me permets même de pointer les notions de Tai no Sen et Go no Sen...
    Du Chika au Ma... Le Te Hodoki est l’arpège qui passe en force avant d’ouvrir la Voie de la mélodie. J’enchaîne donc les Wa no Seishin destinés à faire découvrir le mouvement d’où naît la technique.
    Je me sens bien. Mon Uke, Bruno, est puissant et totalement disponible. Rien de tel pour mettre le professeur en valeur !
    Ma réserve du début du cours laisse place à une certaine euphorie. J’aime être au centre du tatami. J’aime montrer que notre Art s’exprime dans la fluidité et l’efficacité. Peut-être bien que j’aime encore parfois « en mettre plein la vue » ?
    Des entrées percutantes entraînant des projections d’une parfaite sobriété (Tai no Sen) suivies d’amples spirales en trois dimensions (Go no sen), toutes mettant en valeur la maîtrise du démonstrateur.
    Je suis aussi en forme que possible. J’entretiens mon corps au mieux de mes aptitudes. Tous les matins, je m’impose une demi-heure d’assouplissements et d’abdominaux. Et l’après-midi, une heure de marche sportive pour maintenir mes capacités d’endurance et de résistance...
    Montrer l’utilisation optimale du corps. Poser le genou au sol pour déséquilibrer, se relever pour projeter... Et soudain la jambe droite qui ne remonte qu’au prix d’un douloureux effort... Un claquage en gestation... Surtout que ça ne se voie pas... Incorrigible cabotin... Après le bras à Saint Léger du Bourg Denis, c’est la cuisse à Caudebec en Caux... Surtout que ça ne se voie pas...
    En gestation aussi la question qui se posera au cours du repas : « Quand atteindrai-je enfin la sagesse ? ». Il faut, paraît-il, atteindre l’état de non désir.
    Ne plus avoir d’envies ? Ne plus rêver, ne plus échafauder de projets ? Ce n’est pas pour demain ! Dans une autre vie, peut-être.
    Quand la grande faucheuse me fixera rendez-vous, je serai bien encore capable de faire un superbe Tai Sabaki et de repartir pour un tour de Randori !
    Ce fut donc encore un bon cours malgré mes craintes, mes réserves. Les dernières générations arrivées sur le tatami ont de belles qualités d’écoute, d’attention, un sympathique respect pour l’enseignement qu’ils reçoivent. Rien à voir avec les générations zapping qui les ont précédées. J’aimerais que mon « capital physique » me permette de les accompagner pendant encore quelques longues années et de les voir accéder aux grades élevés auxquels ils me semblent destinés.

    Retour à Caudebec en Caux 2010

    La trame de ce cours est la répétition d’un autre cours donné le mois dernier à Saint Léger du Bourg Denis. En voici la fiche technique. Une fiche n’est qu’un squelette, il faut l’habiller des impressions recueillies durant le cours pour lui donner vie.

     

    FICHE TECHNIQUE : du Chika Ma au Ma

    Préparation : Te Hodoki sur Jyunte Dori

    - placement de la force, travail dans l’axe

    - passage en souplesse

    Étude technique : Wa no Seishin

    N.B. toutes sortes de variantes sont envisageables autour des schémas proposés, notamment en fonction de la taille de Uke, de sa tonicité, de ses réactions.

    Jyunte Dori

    • Nagashi, centrer en ramenant la main verticalement dans l’axe, projection vers l’avant en avançant la jambe intérieure. Attention aux « moulinets » parasites.
    • Entrée Irimi jambe extérieure, paume vers le sol, la projection en retournement aboutit en amenant la main sur le tatami.
    • Entrée Irimi, jambe intérieure, passer sous le bras de Uke, pivoter, projeter vers l’avant en avançant la jambe intérieure et en « coupant » le pied avant de Uke.
    • Nagashi pied avant, ramener dans l’axe pour entraîner Uke dans son déplacement, projection en retournement en « coupant » l’intérieur du poignet de Uke.
    • Nagashi pied avant, centrer pour entraîner Uke, enrouler la main autour du poignet de Uke vers son visage de façon à provoquer une réaction vers l’arrière. Continuer le mouvement vers l’avant, avancer la jambe intérieure en « coupant » le pied avant de Uke.
    • Nagashi pied avant, ramener dans l’axe pour entraîner Uke dans son déplacement, repousser vers l’arrière et passer sous le bras de Uke, pivoter et projeter vers l’avant en avançant la jambe intérieure et en « coupant » le pied avant de Uke. Une piste : décrire le mouvement comme un L en trois dimensions.
    • Nagashi pied avant, ramener dans l’axe pour entraîner Uke dans son déplacement, rotation des hanches en sens inverse pour faire passer Uke derrière le dos et descendre le genou extérieur au sol pour le projeter.

    Randori : Wa no Seishin sur toutes saisies

     

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