• Quelques notes (13)

     


     
    STAGE FAMILIAL  À BEAUVALLON DU 4 AU 18 JUILLET 1971

    Quelques notes (13)

    C'est tout naturellement que du stage d'Houlgate à celui de Malaunay, en passant par les après-midi à l'ASPP, nous nous sommes retrouvés à Beauvallon, dans le golfe de Saint-Tropez.
    Le village de vacances de Beauvallon était une sorte de précurseur du Club Méditerranée. Des paillotes disséminées dans une pinède. La monnaie courante constituée de perles à assembler en colliers ou en bracelets que l'on achetait au Drugstore, toute utilisation de l'argent courant étant prohibée. Cette méthode permet d'arrondir tous les tarifs et de dépenser beaucoup plus sans s'en rendre compte.
    Une zone de bruit à proximité du dancing, bar, lieu de rencontres. Une zone dite familiale, où devrait régner le silence, c'est là que j'avais réservé pour une semaine avec ma jeune femme, ce serait notre voyage de noces, six ans après notre mariage. Nos deux tout petits étaient confiés à mes parents, il faut bien que les grands-parents servent à quelque chose. Pollux, le petit cocker, restait lui aussi en Normandie. Voici le journal tenu à bord de notre Renault 6 presque neuve :

    • 20500 km au compteur !
    • 14h38    départ de St Léger
    • 16h30    Chartres
    • 17h30    Orléans
    • 18h        Saint Benoît
    • 18h20    Giens
    • 20h25    Nevers
    • 20894 km au compteur, 34 F d'essence
    • de 20h30 à 21h453 repas à Villeneuve s/Allier
    • 22 h         Bessay, défilé de majorettes
    • 23h05      Roanne
    • minuit 10 Saint Étienne
    • 1h20 plein d'essence à Arras (pas dans le Pas-de-Calais!)
    • 4h45       Aix-en-Provence

    Nous roulons tout doucement, le jour se lève, c'est féerique. L'étroite route sinueuse traverse le massif de l'Esterel, les derniers kilomètres sont parcourus au ralenti, pour arriver juste à l'heure de l'ouverture.
    Nous prîmes possession de notre paillote, très rustique : les matelas étaient posés sur des planches, mais il y avait quand même l'éclairage électrique...
    Geste symbolique, je rasai ma barbe, une nouvelle ère venait de commencer. C'était devant les lavabos, alors que j'enlevais les derniers poils de mon menton, que je rencontrai mon maître qui venait se brosser les dents.
    Nous prîmes notre petit déjeuner ensemble, décidâmes qu'il n'était pas plus mal de prendre tous nos repas en famille, puisque c'étaient des tables de six, Alain Floquet, sa femme et ses trois enfants, ma femme et moi-même. La coutume du Club du Golfe Bleu exigeait que nous changions de place à tous les repas. Il fut décidé que nous ne respecterions pas ce règlement. Et puis restait à établir notre emploi du temps. Voici ce qui fut décidé :

    • 8h/9h            Aïki
    • 9h/10h           petit déjeuner
    • 10h/11h          (plus souvent 11h30) Aïki
    • 13h45             déjeuner
    • 18h30/19h30 (plus souvent 20h15) Kendo
    • 20h45            dîner

    Le reste du temps était libre, c'est-à-dire bronzage et jeux d'eau divers, le plus souvent plongée...
    À ce rythme-là, il n'y a pas à s'inquiéter, on retrouve la ligne, même si les repas étaient pantagruéliques et si les robinets ne se contentaient pas de produire de l'eau : deux robinets fournissaient un remarquable rosé, frais à souhait, propre à éviter les ambiances moroses !
    Je passai la première semaine en compagnie d'un petit bonhomme velu comme un gorille et sombre comme les enfers, et qui allait devenir un de mes amis les plus chers, le Tarbais Edmond Royo, dit Monmon, avec qui j'allais tracer un profond sillon dans le monde des Arts Martiaux.
    J'eus le plaisir de rencontrer pour la première fois Claude Jalbert, président du groupe Mochizuki, propriétaire d'une villa et d'un Chris-Craft à Saint-Tropez. Alain Floquet nous présenta. Je fus convié à une découverte de la baie par la mer et je visitai le tout neuf Port-Grimaud.
    Je fis connaissance de Pierre Torret, rédacteur en chef de la revue France Judo. Son principe : ne pas parler de ce qu'il ne connaissait pas, donc consacrer exclusivement sa revue au Judo. Dans le numéro 3, un article sur le Kendo fut glissé contre son gré : il démissionna.
    Je découvris dans le Kendo un sport passionnant et épuisant, le sport absolu. Nénette, surnom affectueux de ma femme, s'y révéla très douée. J'étais convaincu qu'il fallait l'enseigner en Normandie.
    Je redécouvris l’Aïkido acrobatique et athlétique que j'avais pressenti à mes débuts. J'avais retrouvé la vigueur et l'ardeur de mes débuts, sept ans auparavant : ça allait chauffer à la rentrée !
    Notre interprétation de l’Aïkido impressionna fortement les judokas, la plupart de haut niveau, Mounier dont la famille était propriétaire du Club du Golfe Bleu, Guichard qui allait devenir directeur technique de la FFJDA, Henri Courtine qui fit une apparition, les poids lourds Brondani et Richkoff, et j'en oublie, et des meilleurs ! Et tout ce monde était malmené par le superbe Peter Hermann, géant blond et bronzé au sourire de play-boy, pour lequel nous avions inventé le refrain, repris plus tard par les Charlots : « Mange ta soupe, Hermann ».
    Nous avions donc un public assidu de ces beaux athlètes, mais aucun ne se risqua à monter sur le tatami, et pourtant !
    Un Hollandais, Teunis Tromp, 5ème dan de Judo, exclu de l'équipe de Hollande d'Anton Geesink à la suite d'une très mauvaise fracture du coude, et 5ème dan de Karaté, nous époustoufla par ses facultés d'assimilation : le niveau de 1er kyu fut atteint en deux semaines !
    Je m'aperçus que notre directeur technique n'avait aucun sens de la publicité et c'était fort dommage, car s'il débordait d'idées, il semblait incapable de les concrétiser. Les petits profs de province allaient avoir du pain sur la planche.
    Il s'inquiétait quotidiennement de savoir si ce stage m'apportait quelque chose. Il semblait pressé de m'enfoncer le plus de choses possible dans la tête, c'est pourquoi Edmond Royo et moi étions parés pour le 3ème dan à la fin de la première semaine.
    Fin de la première période, donc. Monmon rentre à Tarbes. Je suis inscrit pour une semaine seulement, je dois aussi repartir.
    L'idée de ce départ sembla chagriner les Floquet avec lesquels nous avions sympathisé sans réserve. Alain insista pour que je reste, il pouvait intervenir auprès de la direction pour m'obtenir une autre semaine...
    Mais un jeune instituteur ne disposait pas de fonds illimités et si je restais, je n'avais plus les moyens de suivre le stage ! Alain m'offrit généreusement ses cours, et je restai.
    Si du 5 au 10 juillet, ce fut un travail extrêmement sérieux en compagnie de Monmon et de Teunis Tromp, le 6 juillet vit l'arrivée en catastrophe de l'ASPP avec Jacques Leroux et Bernard Fontecave, les rois de l'irrespect et les semeurs de débandade.
    Et cette semaine-là, les attractions n'allaient pas manquer.
    Mercredi 14 juillet, à vingt-deux heures, incendie dans la pinède. C'est l'affolement général. J'organise un déménagement du camp : avec ma voiture, j'emmène un maximum d'enfants et de nourrissons divers après en avoir éjecté une bande de barbus affolés. Je conduisis ce petit monde à l'abri sur la plage pendant que notre bon maître (dit O Sensei Loulou depuis que nous avions entendu son épouse lui susurrer ce mignon surnom !) et Nanard Fontecave allaient héroïquement lutter contre les flammes.
    Jeudi 15 juillet, à quatorze heures, nouvel incendie vite maîtrisé. J'emmenai Nénette visiter Juan-Les-Pins. Les duettistes Leroux et Fontecave nous accompagnaient.
    Nous étions accoudés à un muret qui surplombait la plage, et nous contemplions les jolies demoiselles qui faisaient bronzette trois mètres en dessous. C'est alors que Leroux fit preuve d'un trait d'humour particulièrement raffiné. Il balança Fontecave, qui s'était allongé sur le muret, sur les minettes d'en bas. La plaisanterie fut appréciée à sa juste valeur.
    Ensuite, le plaisantin s'en alla téléphoner à sa dulcinée restée à Paris. Puis, planant de joie d'avoir entendu la voix de sa belle, il offrit un collier de corail à ma belle.
    18 h : Gala d'Arts Martiaux au village de vacances... Le maître est en pleine forme et, au cours de la démonstration de Ken Jutsu, il assomme proprement Fontecave.
    22 h : Leroux est malade d'amour et reprend le train pour Paris.
    Le 18 juillet, nous reprenions la route du nord. Ce stage m'avait apporté la confiance en moi et le sens de la patience. Je ne serais désormais plus le même.
    1969/1970 fut ma saison de mise en train.
    1970/1971 avait été la saison du matraquage publicitaire.
    1971/1972 devait me permettre de récolter les fruits de mon travail et déclencher le développement explosif de l’Aïkido Mochizuki et du Kendo dans la Haute-Normandie.
    Une anecdote : Alain Floquet n'ayant pas rapporté assez d'argent au Village du Golfe Bleu, dorénavant, son stage n'y aurait plus lieu...


    À suivre...

    80 balais... âge canonique

    Histoire d'un Hakama qui fut blanc 

    7e dan FIAB 2011
    2e dan FKSR 1986

    A.照り絵 / 七段 教士 

    80 balais... âge canonique

     

     

     

    Oublie tes peines et pense à aimer
    あなたの悩みを忘れて、愛について考える
    Anata no nayami o wasurete, ai ni tsuite kangaeru

    80 balais... âge canonique

    mort-de-rire

     

     

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