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    Un bon pratiquant de sabre ignorant tout des katas anéantirait en une seconde quelqu’un qui connaîtrait tous les katas mais n’aurait pas travaillé le fond, le sens de la coupe (citation dont j’ai oublié l’auteur... Serait-ce notre bon Sensei ?).

    Mon fils fut autrefois un brillant petit Aïkibudoka. À 13 ans, il lui arrivait de nous reprendre au Bojutsu voire à la Naginata… Il brillait aussi au tennis de table. Il fut sollicité par le patinage artistique. Puis il fut attiré par le tennis sur court… Il se convertit au squash puis à l’escalade. Bref, il était très doué et voulait toucher à tout. Vers 40 ans, il éprouva la nostalgie du tatami et s’inscrivit au club de Judo où son fils commençait déjà à collectionner les médailles.  Un cours « vétérans » de 21 h à 22 h 30, il faut le vouloir ! Et, semble-t-il, il franchit allègrement les étapes, devenant un technicien respectable promu Uke du professeur.  La semaine dernière, il a passé un grade. Prestation technique parfaite. Et le prof évoque l’éventualité de la compétition. Les cours sont très techniques et les entraînements se terminent avec des Shiaï, qui sont des sortes d’assauts codifiés. La compétition, ça passe par le Randori et là… le beau geste technique ne passe plus, il faut l’adapter,  il faut tout remettre en question.

    Le rassurant de l'équilibre, c'est que rien ne bouge. Le vrai de l'équilibre, c'est qu'il suffit d'un souffle pour tout faire bouger.  (Julien Gracq)

    Et quid de notre Art ? L’Aïkibudo est né du mouvement, a dit notre bon Sensei... Le mouvement se réalise dans le Randori. Entrer, se déplacer, projeter et/ou immobiliser. Simple, non ? La dernière fois, j’ai parlé de gammes, d’arpèges. Je les classerais en 3 séries :

    -      Apprendre à placer le centre de gravité dans le polygone de sustentation : centrer sa force pour utiliser la force de l’adversaire en respectant sa propre verticalité de façon o maîtriser la sensation de ses appuis sur le tatami (Te Hodoki et leurs prolongements techniques en Chika Ma)

    -      Apprendre à contrôler le centre de gravité : maîtriser la roulade puis la chute façon à apprivoiser la surface du tatami

    -      Apprendre à mobiliser le centre de gravité : se déplacer (précision de l’entrée suivie de O Irimi) de façon à maîtriser l’environnement immédiat, l’espace au-dessus du tatami.

    Le mouvement dort au milieu d’une roue qui tourne. (Jean Cocteau) 

    Yapuka pratiquer Chika Ma en mouvement ! Sauf que l’entrée exige une grande précision pour se mettre en sécurité. Depuis 6 mois, je montre à mes stagiaires leurs innombrables faiblesses, les occasions offertes à un Uke vigilant de s’échapper ou de porter un coup. Le Randori, c’est aussi le Kaeshi Waza sans lequel tout n’est que gesticulation.

     

    Si ton oeil était plus aigu tu verrais tout en mouvement. (Friedrich Nietzsche)

    Mon projet est d’abord d’amener mes Yudansha à un excellent niveau de Randori. À leur charge de préparer les Kyu qui me semblent légers dans le domaine du Chika Ma. J’y reviendrai au 3ème trimestre car je ne suis pas sûr qu’ils aient même une bonne connaissance des Te Hodoki.

    Le cours sera donc construit pour moitié sur roulades et chutes sans lesquelles il est impossible de pratiquer un Randori convenable puis sur une série d’« arpèges ».

    大は小を兼ねる 

    Dai Ha Shô Wo KaNeRu
    Ce qui est grand cumule les fonctions de ce qui est petit

    Je tiens encore à préciser que les vidéos qui illustrent cet article n’ont pas pour objet de servir d’exemples. Mon but est simplement d’essayer de donner un aperçu de l’ambiance du cours et d’analyser les difficultés des élèves. Prendre conscience de ses erreurs permet de progresser et de prendre conscience des erreurs commises par ses partenaires.

    朱に交じれば赤くなる 

    Shu Ni MaJiReBa AKaKu NaRu
    Qui se mélange avec du vermillon, devient rouge
     
     
     
     
     


    たたけよさらば開かれん 

    TaTaKe Yo SaRaBa HiraKaReN
    Frappe ! Et ce qui refuse de s'ouvrir sera du passé.

     

    Cet exercice est très simple : attaque Choko Tsuki à droite, entrée O Irimi. Tori porte Kote Gaeshi avec une simple rotation des hanches, à l'issue du mouvement, il a changé de garde et est prêt à répondre à Choko Tsuki à gauche.

    Même attaque. Tori exécute Nagashi à la suite de O Irimi de façon à s'éloigner de Uke en tirant sur son bras et place Neji Kote Gaeshi. De ce fait, il se retrouve dans la même garde et doit effectuer Henka pour être bien placé face à l'attaque suivante. Dans la seconde partie, on voit que la rotation de Stéphanie est insuffisante et qu'elle est mal placée pour porter Neji Kote Gaeshi.

    Sur Tsuki Jodan, Mélanie va porter Robuse modifié à la fin du mouvement pour projeter Uke. Elle veille à contrôler l'attaque derrière le coude en repoussant le bras de Tori sans le relever. La seconde main s'applique fortement sur l'articulation de l'épaule pour contraindre Uke à descendre. Ses 2 mains se déplacent simultanément sur le bras pour contrôler en Robuse. Si ces points ne sont pas respectés, Uke doit réagir en se relevant.

    Sur Tsuki Jodan, Mélanie porte Mukae Daoshi. Elle contrôle le bras de Uke derrière le coude comme précédemment puis va contrôler l'autre épaule. Elle descend en Kiba Dachi et utilise la tentative de Uke de remonter pour le renverser en se replaçant en Kiba Dachi. Dans la première partie, les Kiba Dachi sont faibles mais la posture est correcte. Dans la seconde, Mélanie ne respecte plus sa verticalité et Jeannot pouvait s'échapper vers l'avant éventuellement en portant Mae Hiki Otoshi. Pour Mélanie, c'était l'opportunité de Ushiro Kata Otoshi. Nous sommes en situation de Kaeshi Waza.

    Cette situation est particulièrement visible ici. À l'issue de son premier mouvement sur Jeannot, on s'attend à ce qu'elle place Ushiro Kata Otoshi. Durant tout l'exercice, elle est désaxée et ses partenaires auraient impérativement dû porter Mae Hiki Otoshi !
    La respect de la verticalité est une spécificité de notre Art. C'est un des grands apports de notre rencontre avec
    Yoshio Sugino Sensei. « Pour ma part, j'avais surtout été impressionné par la ppratique de Yoshio Sugino Sensei, lors de sa première visite en France. Malgré son âge avancé, il avait une facilité étonnante de se déplacer tout en conservant une fluidité dans ses gestes et une verticalité dans sa stature, le tout dans la maîtrise de l'instant, j'ai tout de suite compris l'importance que pouvait représenter l'étude du Katori pour la pratique Aïkibudo. » nous raconte Daniel Dubreuil dans la dernière Lettre du Cera.

    Quand les élèves sont bons, le professeur devient encore plus exigeant, souvent de façon inconsciente. Le travail a été très précis, avec de nombreuses remises en cause. Les exercices sur entrées intérieures, prévues sur Choko Tsuki et Tsuki Chudan, seront portées sur Omote Yokomen Uchi. Shiho Nage ne devrait pas présenter de problème. Points à respecter : entrée en préservant sa sécurité, déséquilibrer Uke de l'entrée à la projection. C'est une sensation analogue à Neji Kote Gaeshi...


    Jeannot maîtrise le mouvement. À l'issue du Shiho Nage, Tori a changé de garde et se trouve bien placé pour recevoir l'attaque suivante. Cet exercice peut être pratiqué de façon « relaxante ». 

    桃李もの言わざれども下自ずから蹊を成す 

    TôRi MoNo IWaZaReDoMo ShitaOnoZuKaRa Michi Wo NaSu
    Les pruniers et les pêchers ne disent rien. Pourtant, les gens aiment à se rassembler sous ces arbres.

    Randori. Le cours a été intense et exigeant. Les élèves ont besoin de se détendre, ce sera donc un Randori « recréation ». Exceptionnellement, je permets aux Yudansha de se défouler entre eux sur Omote Yokomen Uchi.Je leur suggère de tenter de placer Neji Kote Gaeshi bien que ce soit une technique extérieure. Ils pourront découvrir des sensations utiles pour le placer correctement sur un Tsuki.
    Les Kyu se débrouilleront bien avec le petit bagage d’éducatifs étudiés ce soir.

    Si aujourd'hui, ici-bas, une foule d'individus désirait le bonheur plutôt que le malheur des autres, il suffirait de quelques années pour que la terre soit un paradis.  (Bertrand Russell)

    Bilan du cours du 27 février 2013

     

     P.S. merci à Loris Petris qui a émaillé son très bel article sur le mouvement, dans la dernière Lettre du Cera, de quelques citations que je lui ai empruntées.

    A.照り絵 / 七段 教士 FIAB

     

     






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