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    Au bout du fusil

    À l'origine, l'Épiphanie, faisait partie du cycle de Noël et des célébrations païennes de la Lumière. La nuit du solstice d'hiver, le 21 ou le 22 décembre, la plus longue de l'année, annonce le rallongement des jours et  la renaissance de la lumière. La célébration se prolongeait après le 25 décembre durant 12 jours et 12 nuits. Le cycle prenait fin le 6 janvier. Les jours commencent à s'allonger de façon sensible. On célèbre alors l'Épiphanie, la manifestation de la Lumière. Ce jour-là, sous la Rome antique, avait lieu la fête des 12 Dieux Épiphanes (autrement dit les 12 Olympiens : six dieux et six déesses parmi lesquels Zeus, Héra, Poséidon, Arès, Hermès, Héphaïstos, Aphrodite, Athéna, Apollon et Artémis complétés selon les époques par Hestia, Déméter, Dionysos et Hadès).
    Le christianisme a récupéré tout ce fonds symbolique en  annonçant « la parole qui éclaire le monde ».

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    Dimanche 16 septembre 2012... 9 h du matin. Joli ciel bleu légèrement embrumé, de fines gouttelettes scintillent sur l’herbe, la lumière rasante les fait étinceler.
    Détonation ! Détonation !! Détonation !!! Mon petit coin de paradis devient un enfer. Le trio de biches que je croise tous les matins, qui avait fini par s’habituer à ma présence, va désormais connaître la terreur de la traque.
    C’est ainsi dans notre patrie des droits de l’homme, pendant la moitié de l'année, les gens pacifiques, les rêveurs, les poètes sont interdits de promenades champêtres par quelques milliers d’énergumènes, junkies de la déflagration de la poudre et de son odeur de brûlé.

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    Les mauvais penchants de l'humanité ont pu être sublimés pour donner naissance à des Arts propres à l'élever vers ses plus hauts sommets. Les Arts Martiaux sont nés d'affrontements à mains nues puis avec des objets contondants ou tranchants. Le geste qui tue a pu se transmuer en geste qui guérit... L’arc a peut-être donné naissance à la harpe, à la guitare, au violon... Les hordes de cavaliers sont devenus chevaliers, de la chevalerie est né l'Art courtois...
    Mais l’arme à feu, l’arme du lâche qui sème la mort au loin, à quel Art a-t-elle donné naissance ?

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    Elle n'a certainement pas favorisé l'émergence de la compassion.. .

     
     

    Sans commentaire ! Ça ne concerne pas la chasse à tir... et alors ? Relisez le superbe conte du lundi d'Alphonse Daudet, Les émotions d'un perdreau rouge... Il est toujours d'actualité.

    Dimanche 6 janvier. Fête de la lumière, fête des rois et anniversaire de mes reines... Karine, Monika, bon anniversaire !
    Le temps est maussade, tout est trempé, gadouilleux. Ce n’est pas un problème pour Lara qui me réclame sa première sortie de la journée. Nous avons la chance de vivre dans une impasse qui donne sur une route... en impasse. C’est un lieu de promenades où vont randonneurs, enfants et leurs jeunes parents,
    petits vieux et amis des chiens en liberté.
    Notre route monte à travers bois vers un plateau cultivé et traversé par un chemin de terre. Le sous-bois qui y mène est sombre et humide mais la promenade est tranquille et offre l’occasion de côtoyer écureuils, chevreuils et parfois « mon » trio de biches. Il est même arrivé qu’un putois était tellement occupé à suivre une piste sur la route qu’il s’est presque heurté à Lara qui en a lâché sa balle !
    Un rat musqué avait connu la même mésaventure avec Betty. Il s’était éloigné du ruisseau pour faire ses emplettes de plantes comestibles dans l’herbage voisin. À son retour, Betty était entre lui et la berge... Le pauvre rat était désappointé, ne pouvant se résoudre à fuir en abandonnant sa récolte ni à rejoindre ses pénates en affrontant l’énorme prédateur (tout est relatif !) qui lui faisait face. J’avais appelé Betty qui était venue s’asseoir entre mes pieds et le rat avait plongé sans demander son reste !

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    À ma droite, des coteaux qui mènent à Saint Georges sur Fontaine s’élève soudain un concert de vociférations auquel fait écho, à ma gauche, sur les collines en direction de Bosc le Hard, un déferlement de hurlements. Les hordes barbares fêtent à leur façon la manifestation de la lumière : en semant la terreur et la détresse parmi tout le petit peuple à poils et à plumes.
    Il y a un peu plus de 50 ans, j’avais passé un temps interminable, allongé dans un caniveau de la caserne d'Orléans à Alger, nez à nez avec un chien aussi effrayé que moi par les rafales de 12/7 qui nous sifflaient aux oreilles. Peut-être de là est née l’horreur que j’éprouve envers les armes à feu, peut-être là a germé mon amitié pour les toutous ?

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    Il ne manque pas d’endroits sur notre belle planète pour que les tartarins, les matamores aillent s'essayer au rôle de gibier à leur tour, de vastes étendues de montagnes  désertiques, ou des villes très anciennes aux ruelles étroites, où chaque virage, chaque croisement peut constituer un piège mortel... Qu’ils aillent se faire plomber les fesses et nous laissent goûter en paix le plaisir du retour de la lumière.

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    Je suis très émotif. J’ai facilement l’oeil humide au cinéma ! J’entre facilement en empathie... Mais si je me laissais aller à mes réactions primaires, je pourrais tout aussi bien libérer un flot de violence, ce qui m'est arrivé dans ma lointaine enfance.
    Le Cours Complémentaire où j'étais interne dès l’âge de 10 ans partageait sa cour avec l’école primaire. Les grands imbéciles de la fin d’études s’attaquaient volontiers aux « petits » de 6e, surtout s’ils étaient maigrichons et blondinets comme je l’étais.
    Le soir, il fallait affronter, toutes griffes en avant, les brimades des « grands » de 3e... chaton effrayé mais décidé à vendre chèrement sa peau aux molosses... Blackboard jungle 

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    Entré dans la vie active, disposant de quelques (très) maigres revenus, j’étudiai le Dynam Ju Jutsu... par correspondance. Vivant seul dans un petit village éloigné de tout et sans moyen de transport, j'eus le temps de méditer les conseils donnés par le cours et d'apprendre à contrôler mes émotions.
    Ce fut à Verdun, à la fin de mes pérégrinations sous les drapeaux, après mon passage chez les Zouaves à Alger, que je compris enfin que je pouvais me contrôler pour... contrôler un adversaire. J’étais de corvée de balayage dans un hall avec un grand garçon, sympathique au demeurant mais surtout très costaud et très agaçant. Il avait fait du Judo et faisait mine de me bousculer, tentait de me placer des... balayages. J’esquivais patiemment ses agaceries puis j’en eus assez et lui portai ce que le cours Dynam Ju Jutsu appelait une clé de bras et que nous appelons Robuse. Il alla se vautrer dans un tas de chaussures déclassées où je le laissai réfléchir et je repris tranquillement l’étude de l’Art du Balai.

    71 ans

    On ne change pas. On apprend à se connaître et à faire avec. J’ai appris à me mettre en retrait, à m’exprimer par écrit. Je laisse mes textes mûrir quelque temps, afin de me permettre d’en extraire les épines, d’arrondir les angles, d’atténuer la colère ou l’indignation avec un zeste d’humour.
    C’est pour ça que mon Épiphanie ne paraît que le 9 janvier.
    Et l’Aïkibudo dans tout ça ?

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    J’aime beaucoup cette BD. Elle nous rappelle que nous avons oublié ce que nous sommes vraiment. Nous avons des ailes mais nous ne savons plus nous en servir. Nous souffrons parfois du complexe de l’albatros, ce grand voilier des hautes mers... ses ailes sont si longues que, lorsqu’il se retrouve sur la terre, il ne peut plus s’envoler.

     

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    Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
    Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
    Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
    Le navire glissant sur les gouffres amers.

    A peine les ont-ils déposés sur les planches,
    Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
    Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
    Comme des avirons traîner à côté d'eux.

    Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
    Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
    L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
    L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

    Le Poète est semblable au prince des nuées
    Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
    Exilé sur le sol au milieu des huées,
    Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

    Si vous aimez la poésie de Beaudelaire, la musique et la voix de Léo Ferré,
    ou si vous ne les connaissez pas,
    écoutez « L'albatros » et méditez...