•  

     

    Il y a 4 ans, j’avais entrepris de repeindre ma maison. Elle était revêtue d’un crépi farineux, maigre, qui, après la pluie, laissait paraître le quadrillage des parpaings. Alors, j’ai décidé de lui offrir une nouvelle couche de peinture, à la pliolithe, qui offre un bel aspect satiné, imperméable mais qui laisse respirer les murs.

    En façade et derrière la maison, le mur culmine à 3 mètres sous gouttières, c’est une simple formalité. J’ai une échelle en aluminium, légère et rigide, que je peux faire coulisser jusqu’à 6 m, voire 6,50 m. Je suis à l’aise.

    Ça devient une autre histoire avec le pignon ouest. À 3 mètres du sol se trouve un balcon protégé par une queue de geai qui le surplombe de 4,50 m... Me voilà parti jouer à l’acrobate sur l’échelle posée sur le balcon et en appui sur le revers de la queue de geai, tenant l’anse d’un seau de peinture qui pèse plus de 10 kg . Avec le rouleau dans l’autre main, pas moyen de se tenir. Il suffit de ne pas regarder en bas ! Ma femme n’était pas là et j’ai pu risquer ma vie dans le calme.

    Le problème se pose différemment avec le pignon est qui culmine à ... 7,50 m. Mon échelle est trop courte. J’ai réussi à peindre jusqu’à environ 6 m mais j’ai renoncé à m’attaquer à la pointe du pignon. Un jeune cultivateur me propose une échelle à coulisse, en bois, qui peut atteindre 8 m et me permettrait d’achever mon travail. C’est une antiquité, elle pèse une tonne. Je parviens quand même à la placer au bon endroit et à la faire coulisser jusqu’en haut. Et j’entreprends la montée. Sensation étrange, j’escalade un arc géant. À chaque fois que je pose le pied sur un échelon, l’échelle fléchit et... rebondit. Avant même d’aborder la mi-pente, j’ai l’impression d’être une flèche et que je vais être projeté si je vais plus haut. Je n’ai plus confiance. En moi, en l’échelle. Je redescends, j’abandonne.

    C’est la sensation que semblent exprimer certains jeunes Yudansha. Confrontés à des formes de travail basiques mais appliquées avec une exigence accrue, ils se mettent à douter, ils perdent confiance, ils peinent à retrouver leurs sensations. Ils ont besoin de stabilité, d’équilibre, d’un environnement connu et rassurant.

    Ont-ils bien acquis les bases ? Ont-ils cent fois sur le métier remis leur ouvrage ? Dans notre monde de zapping, on a tendance à effleurer les sujets, on croit connaître la teneur d’un article en en ayant lu le titre. On cherche un plaisir immédiat. On ne revient pas sur le déjà vu. Les souvenirs s’estompent, la mémoire fait son travail, elle bouche les trous en reconstruisant des souvenirs qui paraissent plus réels que la réalité.

    Notre bon Maître me disait il y a quelque temps que certains de ses élèves, parmi les plus anciens et les plus assidus à ses cours, se mettaient à pratiquer des formes de travail « exotiques » certifiant que c’est comme ça qu’il les leur avait enseignées...

    Pour ce premier cours de la saison, j’avais au programme : « Tai Sabaki, canalisation, Te Hodoki -> Chika Ma (saisies avant), Randori Chika Ma ». Mon projet annuel est la préparation aux passages de grades. J’avais donc pensé réviser l’ensemble des Te Hodoki sur les saisies de face puis d’étudier l’application des techniques de base (Kote Gaeshi, Shiho Nage, Tenbin Nage, Yuki Chigae, Mukae Daoshi, Hachi Mawashi) en distance Chika Ma. Ce qui permet de vérifier qu’il est possible d’appliquer n’importe quelle technique sur n’importe quelle attaque mais que si des formes sont pertinentes, réalistes, d’autres le sont beaucoup moins.

    La pendule était en panne, je n’ai pas de montre, ce qui m’a évité de tenir un emploi du temps minuté et de donner un cours trop roboratif dont il ne serait peut-être finalement pas resté grand-chose.

    Un exercice d’esquives O Irimi face à 2 partenaires s’est révélé satisfaisant. Le randori esquives canalisation, quant à lui, a été l’objet de quelques mises au point (direction du regard, genou au sol, grande rotation des hanches).

    Ensuite, Te Hodoki sur Jyunte Dori. Ce devait être une simple formalité mais quelques tentatives d’exécution « exotique » plongent les exécutants dans un léger désarroi, ce n’est pas ce que j’ai montré. Penser avant tout à se mettre « en sécurité ». Vérifier pendant tout le déroulement de l’exercice si Uke a l’opportunité de contrer. L’atémi n’est pas un but mais un simple point final. Il n’est porté que pour marquer la fin de l’exercice. La finalité du Te Hodoki est de placer Uke en situation de subir une technique sans lui laisser la possibilité de riposter.

    Application de Kote Gaeshi, Shiho Nage et Yuki Chigae. Les mises en place, l’accent mis sur les points importants à respecter pour porter une technique efficace, les corrections individuelles font que le temps passe très vite. Le petit groupe, moitié Yudansha, moitié Kyu, est très attentif, participe volontiers, n’hésite pas à faire des remarques, à poser des questions. Certaines mises au point passent pour des innovations, d’autres pour des archaïsmes, cent fois sur le métier remettons notre ouvrage et faisons preuve de bon sens pour conserver l’esprit et la forme.

     

     

    une forme archaïque...

     

    Le cours s’achève sur une approche du randori Chika Ma puis avec un randori « libre » dont le côté ludique apporte la détente nécessaire après un cours assez exigeant au niveau de l’attention et de la concentration.

    En conclusion, il faut travailler les bases, les bases et encore les bases. Notre bon Maître considère que l’examen du 1er dan est le plus important pour la progression d’un Aïkibudoka. S’il est satisfaisant, les autres passages de grades ne seront que des formalités. Toute la compréhension de l’Aïkibudo est contenue dans ce programme du 1er dan. Les programmes des grades supérieurs ont été enrichis de techniques nouvelles pour « le plaisir », elles seraient en fait susceptibles d’être redécouvertes à partir des techniques de base.

    Par contre, si ces bases ne sont pas maîtrisées, pas comprises, les défauts observés perdureront, passage de grade après passage de grade, et auront même tendance à s’accentuer dans le temps. Un tel pratiquant ayant accédé à un grade élevé et devenant enseignant ne pourrait transmettre que des formes erronées. Et dans sa sphère d’activité, ces formes auraient valeur de référence.

    S’il vous plaît, soyez vigilants. N’ayez pas pour objectif d’acquérir, ou d’enseigner,  le plus gros catalogue possible de techniques mais cherchez à bâtir sur des bases bien solides. Ce n’est pas très « romantique » mais c’est la garantie d’une belle progression pendant de très nombreuses années.

     

     





    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique