• Le Cera a 40 ans

     

    Avant 1973, cohabitaient sur le territoire français, sous l’appellation Aïkido, trois groupes. Deux avaient un statut officiel au sein de la Fédération Française de Judo et Disciplines Associées (FFJDA) : le groupe dit « Mochizuki » (Aïkido-Jujutsu du Yoseikan qui n'était pas de l'Aïkido, Hiroo Mochizuki et Alain Floquet) dont nous sommes les héritiers et le groupe dit « Ueshiba » (Aïkido de l’Aïkikaï, André Nocquet). La troisième, hors fédération, était l’Association Culturelle Française d’Aïkido (ACFA, également Aïkido de l’Aïkikaï, Nobuyoshi Tamura).

    En 1973, Le président de la FFJDA, M. Pfeiffer, décida d'unifier l’Aïkido... Le 1er décembre, trois cents représentants des clubs d’Aïkido français furent convoqués à l'Institut National des Sports pour une réunion d'information présidée par M. Pfeiffer qui annonça qu'il n'y aurait désormais plus qu'une seule méthode d’Aïkido, celle de Nobuyoshi Tamura. Devant les protestations, il annonça très diplomatiquement que ceux qui n'étaient pas contents n'avaient qu'à se plaindre auprès de Mochizuki et Nocquet qui avaient signé le nouveau programme ou s'en aller. Ce que fit immédiatement une fraction du groupe Nocquet qui alla se réfugier dans la Fédération Française d’Aïkido.

    Jigoro Kano, le fondateur du Judo, avait compris l'intérêt du Budo traditionnel. Il encourageait ses élèves à étudier d'autres Arts Martiaux. C'est pourquoi il créa, en 1928, le Kobudo Kenkyukai, Organisation pour l'Étude et la Recherche sur les Arts Martiaux Anciens. Minoru Mochizuki en fut l’un des membres. Il  eut ainsi la grande chance de pouvoir étudier le Kobudo du Katori Shinto Ryu avec un groupe de Shihan du début du XXe siècle et l'Aïki-Jujutsu au Kobukan, auprès du Maître Morihei Ueshiba.

    Alain Floquet songeait depuis longtemps à créer une institution analogue pour notre Art : l’Aïkido Kenkyukaï, qu’il traduisit en Cercle d’Études et de Recherches sur l’Aïkido, dont l’acronyme serait CERA. Claude Jalbert, Alain Floquet et moi, nous avons commencé à nous rencontrer régulièrement afin de tenter de reconstituer le défunt groupe Yoseikan. Le 19 juillet, nous pouvions publier les premières moutures des statuts.

    Nous avons consacré le premier trimestre de la saison 1974/1975 à la mise sur pied du CERA. Nous avons diffusé auprès de personnes « sûres » les avant-projets de statuts et nous avons constitué le bureau.

    Le 11/12/1974 à vingt heures cinquante, au restaurant « Françoise », à la gare des Invalides, naissance officielle du CERA : nous paraphons les documents.

    En 1976, nous nous retirons de la FFJDA et nous rejoignons le groupe Nocquet à la FFAD qui deviendra CFAMT puis FFAMT puis FFAK. Dès lors, Claude Jalbert et Hervé Villers entreprirent un long travail de concertation avec l’Union Nationale d’Aïkido (FFJDA) pour aboutir à la fondation de la FFAAA en 1983.

    Maître Alain Floquet raconte : « Le 19 mai 1982, lors d’un stage que nous avions organisé à Paris avec les Sensei Mochizuki Minoru, Sugino Yoshio, Torigai Yoshi, l’UNA FFJDA organisa en l’honneur de Mochizuki Sensei, dans les salons de l’hôtel Maillot, un cocktail auquel je fus invité. Sur place, je retrouvais Minoru Mochizuki Sensei, Hiroo Mochizuki Sensei, Tamura Nobuyoshi Sensei, le président de l’UNA, diverses autres personnalités. À un moment, Mochizuki Minoru Sensei m’interpella et l’on se réunit autour de moi. Là, il me dit : « Alain, ce que tu fais, ce n’est pas de l’Aïkido. Il faut changer le nom. » Il propose alors « Yoseikan Budo ? ». Bien sûr, Hiroo Mochizuki Sensei et moi répondons spontanément et en écho : « Non, ce n’est pas possible ! ». Le Sensei propose alors Aïki-Jujutsu. Ma réponse est : « Non, ça ne va pas ! », et nous échangeons sur ce sujet. Je dis alors : « Ce qui correspond à ce que je fais, c’est Aïkibudo. » Mochizuki Minoru Sensei répondit : « C’est bien. » puis les autres Sensei présents répondirent l’un après l’autre : « C’est bien ». Dont acte, dès cet instant, ma pratique et l’art qui en découlait prenaient officiellement le nom d’Aïkibudo. »

    Le Cera est né officiellement le 11 décembre 1974. L’Art de Maître Alain Floquet prit le nom d’Aïkibudo le 19 mai 1982. Les 8 et 9 décembre 2014, la planète Aïkibudo fêtait les 40 ans du Cera et assistait, larmes aux yeux, à la remise du diplôme de 9e dan par Hiroo Mochizuki Sensei à Alain Floquet Sensei.

    Ce matin du 8 novembre, avec Pierre Lecat au volant de son beau pickup, nous nous dirigions vers l’INSEP. C’est avec à la fois consternation et plaisir que nous avons vu la longue queue de voitures qui patientaient à l’entrée : un gardien contrôlait sur une très longue liste l’identité des arrivants.

    À l’entrée du Dojo, c’est en voyant une nouvelle queue qui se prolongeait loin à l’extérieur que que nous avions décidé, Alain Roinel et moi, de patienter à l’écart quand Frédéric Floquet est survenu et nous a conduits à travers la foule en direction de notre quartier réservé des VIP.

    C’est devant 350 stagiaires que Maître Floquet a inauguré la première matinée de ce stage anniversaire qui rassemblait toutes les régions de France, la Belgique, la Hollande, l’Italie, le Maroc, la Moldavie, la Pologne, le Québec, la Russie, la Suisse, la Tchéquie... pardonnez-moi si j’ai oublié un pays !

    Les stagiaires se mettent en place, suivant les indications de Daniel Dubreuil, Directeur Technique National Adjoint, 7e dan d’Aïkibudo et 7e dan de Katori Shinto Ryu.

    Aux côtés de Maître Floquet, légèrement en retrait, Alain Roinel, 7e dan, son plus ancien disciple. Un premier rang de 7e dan me voit accéder en tête du 1er rang. Derrière, une longue rangée de 6e dan puis encore un rang constitué des 5e dan. En face du Maître, les imposantes rangées de stagiaires...

    Le cours a pu commencer à 10 h, quand le dernier stagiaire a été inscrit auprès de l’administration. Je ne saurais vous décrire le contenu de ce premier cours. Trop de choses se sont produites, trop d’images se télescopent, trop d’émotions vibrent encore à fleur de mémoire.

    Parmi les concepts qui caractérisent notre École, il y a l’amitié, la transmission, le partage aussi puis-je avec certitude vous affirmer que les stagiaires de tous niveaux se sont répartis du 7e dan au 3e kyu pour pratiquer Nigiri Kaeshi, sans souci d’âge, de grade ni de nationalité.

    À la fin de ce premier cours, le Sensei a remis les diplômes de 5e dan établis par la Fédération Internationale d’Aïkibudo (FIAB).

    Une des caractéristiques de Maître Floquet est la générosité. Ce qui le conduit généralement à généreusement dépasser les horaires imposés. Ce qui fait que la pause déjeuner se trouve d’autant réduite. Pas de sieste au programme pour votre serviteur !

    Le cours reprend de 14 h à 17 h. Au programme, le Katori Shinto Ryu et le Gen Ryu no Kata. La pratique des armes est partie intégrante de notre Art. Les Kata de Katori Shinto Ryu, Ken Jutsu, Bo Jutsu, Naginata Jutsu sont intégrés dans la progression de l’Aïkibudo.

    À la fin du cours, premier grand moment d’émotion, Hiroo Mochizuki Sensei vient d’arriver. Une émotion partagée par ceux qui le connaissent comme par ceux qui voient pour la première fois cet homme quasi légendaire qui a été le professeur de notre Sensei.

    Le second grand moment d’émotion, c’est la remise des Grades de Haut Niveau, décernés par la FIAB, d’abord les 6e dan puis les 7e dan. Les diplômes étant décernés par ordre alphabétique, je suis appelé le dernier, comme depuis toujours, à l’école, pour les examens... « Tu as l’habitude ! », me dit le Sensei qui précise que si je suis le dernier je ne suis ni le moins valeureux ni le moins ancien. J’aurais pu en effet aussi fêter mes 50 ans sur la Voie des Arts Martiaux.
     Le Cera a 40 ans

    Le Cera a 40 ans Le Cera a 40 ans

     Le Cera a 40 ans

    Il n'est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va. (Sénèque)

     « Mmm... Sensei André, s'agissant des décorations, Sir Winston Churchill conseillait trois choses : ne pas les chercher, ne pas les refuser, ne pas les porter... - Tu l'as dit, petit cloporte, mais moi, je ne fume pas le cigare. Et j'avais dit à not' bon Sensei que si je recevais cette "décoration" à titre posthume, je ne suis pas certain que j'y prendrais grand plaisir... Après tout, ne suis-je pas encore vivant, petit lucane ? - Certes, Sensei André, encore un peu et comme disait Léon Tolstoï : "Si vous voulez être heureux, soyez-le !" - Tu l'as dit, bouffi... »

    Le Cera a 40 ans

    Je n’ai pas fini d’utiliser le mot émotion pour décrire cette journée. Les yeux ont parfois été très brillants d’une humidité contenue, les rires libérateurs ont pris le relais, pas de place pour l’indifférence devant la hauteur des événements.

    À 17 h 30, place aux talents régionaux, à l’imagination, à l’humour : ce sont les démonstrations offertes au regard attentif de nos deux « O Sensei » et à l’admiration des spectateurs.

    Le Cera a 40 ans

    Notons parmi tant d’autres talents le pugilat des marins provençaux et la truculence des Lorrains : un promeneur bien décidé à préserver sa baguette de pain et un gendarme féru d’ordre et de rangement mettent à mal un groupe de malfrats qui auraient mieux fait de tenter leur chance ailleurs !

    Le Cera a 40 ans

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    Le point d'orgue fut la démonstration des Gogyo no Tachi par Maître Alain Floquet et son fils Frédéric. La lumière qui nimbe le Katana du Sensei est symbolique de l'enthousiasme émanant de tous ceux qui ont vécu l'événement...

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    À 19 h, nous nous dirigeons vers la salle 1900 pour le « cocktail ». Devant l’assemblée attentive, ce sont d’abord les discours. Jean-Marc Papadacci, président du Cera, situe l’Aïkibudo dans l’histoire des Arts Martiaux. Loris Pétris, président de la FIAB, enrichit de citations son évocation des valeurs de l’Aïkibudo, il explique que les hommes tels que Alain Floquet et Hiroo Mochizuki sont des créateurs, des poètes au sens littéral du terme. Alain Roinel, président du conseil des Kodansha, rend hommage avec humour à toutes les « petites mains » qui ont permis que cet événement ait lieu.

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    Puis Alain Floquet prend la parole pour remercier les orateurs. Il tient encore à décerner une distinction : la Tsuba d’Or qu’il a fait réaliser à partir de bagues qu’il a confiées à l’orfèvre. Il la remet à son épouse, Jacqueline, qui a rempli pendant toutes ces années un rôle peu gratifiant de secrétaire. Il la remet également à Alain Roinel, son plus ancien disciple.

    Loris Pétris annonce l'élévation d’Alain Floquet Sensei au grade de 9e dan. Le diplôme lui sera remis par Hiroo Mochizuki Sensei qui réclame la parole. Il tient à exprimer son émerveillement pour Alain Floquet qui a créé un Art parfaitement abouti, le plus abouti des Arts actuels. Il dit qu'à chaque génération un homme apporte son talent pour transformer un Art en le faisant grandir. Lui-même a transformé l’Art de son père. Alain Floquet a fait de même. Hiroo Mochizuki tient à dire combien il admire Alain Floquet pour l’Art qu’il a créé et pour le talent de ses pratiquants.

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    Ensuite, il appelle Alain Floquet pour lui remettre le diplôme de 9e dan. Il est venu d’Aix en Provence spécialement pour cette cérémonie. Il a tenu à faire lui-même cette remise. Il est aussi ému que son ami.

    Le Cera a 40 ans

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    C’est bien sûr une ovation pour ces 2 grands Maîtres. Quelques mouchoirs ont dû essuyer des larmes qui n’ont pas pu se contenir.

    Oserais-je dire que nous, les anciens, les Kodansha, ça fait 10 ans que nous attendions cette reconnaissance. En 1993, Minoru Mochizuki Sensei avait mis le nom d’Alain Floquet sur la liste des Menkyo Kaïden, à côté de celui de son fils, Hiroo. Ce grade nous honore tous. Il est notre reconnaissance, il nous appartient, un petit peu.

    Hiroo Mochizuki l’a bien dit : « Que serait un grand Maître, haut gradé, seul dans son Dojo ? ».

    Le Cera a 40 ans

    Le Cera a 40 ans

    Cofondateur du Cera, je suis un des plus anciens compagnons d’Alain Floquet Sensei. De nombreux stagiaires, qui n’ont pas pu s’approcher du Maître, sont venus me remercier pour le Cera, pour la fête, me féliciter pour le 7e dan. Je m’en suis défendu car je manque encore d’humilité : bien sûr que je leur dois tout à ces stagiaires, à ces élèves que j’ai formés. Un artiste sans public a-t-il vraiment du talent ?

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    Histoire d'un Hakama qui fut blanc 

    6e dan 2F3A 1991

    7e dan FIAB 2011

    2e dan FKSR 1986

    A.照り絵 / 七段 教士 

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    Oublie tes peines et pense à aimer

    あなたの悩みを忘れて、愛について考える 

    Anata no nayami o wasurete, ai ni tsuite kangaeru

    mort-de-rire

    Pas de vidéos des démos, j'étais trop pris par le spectacle. Rien que des photos picorées ici et là et recadrées... Je n'ai pas voulu faire subir aux vidéastes la goujaterie que j'ai subie moi-même après les « 30 ans...». S'il plaît à leurs auteurs de me confier leurs vidéos pour illustrer ce compte-rendu, je leur donnerai la place qu'elles méritent avec le plus grand plaisir.

     

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