• Ceinture noire (2)

     

    J’ai reçu 5 réponses.

     

    Le narquois admiratif :

     

    Ah ! Toujours soucieux de laisser une trace dans la pierre de ce que vit le monde de l’Aikibudo !

    30-40-50… je crains malheureusement de ne pas aller jusque-là ! Quoique… à ma modeste échelle, ça fera 20 ans l’année prochaine que je suis ceinture noire ! Ça vous prend sans que vous vous en rendiez compte !

    On y vient pour apprendre à se battre, se défendre, pour se faire des biscotos, pour l’hygiène, pour y rencontrer l’âme sœur, pour canaliser son énergie… et plouf, on tombe dedans, comme une espèce de drogue qui, bien que moins destructrice que le moindre petit pétard, vous rend accro, malgré vous. C’est ce qu’on appelle la logique de l’action : on oublie ce pour quoi on était venu et on reste parce qu’on est pris à son propre jeu.

    Ce jeu est aussi riche que la vie : amitié, trahisons, fâcheries, retrouvailles, joies, bonheur, malheur, enthousiasme, doute et parfois même bonheur. On oublie juste parfois qu’il s’agit d’un jeu, trop pris, justement dans ce jeu… alors on prend du recul, on se dit que c’est parfois puéril, enfantin, qu’on y met beaucoup d’énergie pour ce qui n’est, finalement, que très futile et… badaboum, au détour d’un stage ou d’un cours qui a vraiment marché, on replonge et on a envie de bouffer Musashi, de faire la nique à Takeda et on se prend pour… jusqu’à ce que… aïe ! Des poignets fragiles, un dos endolori ou un élève en qui on mettait tant d’espoir disparaisse. Alors on respire un coup, on se rappelle, à nouveau, qu’il ne s’agit que d’une partie de voltige… jusqu’à ce que hop… on replonge.

    C’est très futile, mais c’est la vie. Malheur à celui qui ne s’est jamais pris à aucun jeu, celui de l’art (littéraire, manuel, pictural ou martial)… car sans ce jeu de dupes, rien de beau n’existerait vraiment sur terre.

    J’ai donc profondément d’admiration pour ceux qui, depuis des décennies, pratiquent cette brasse coulée qui nous emporte nulle part, par simple passion, comme des gamins… et si après tout, pour nous tous, simples mortels, ce n’était que ça, le vrai sens de l’existence… réapprendre à jouer ?

    À croire que ça nous rend juste un peu plus humains !

    Bises

    C.Bobashi.G.

     

    Le visionnaire humoriste :

     

    Bon.

    En premier lieu, merci de m'inclure dans votre demande d'idées. Voici ce que j'arrive à pondre dans un délai que je me fixe très court n'ayant pas de date limite. Un docu-fiction à la Philip  K. Dick. J'espère que c'est pas trop con à votre goût mais qui suis-je vraiment pour imaginer ce que représente 50 ans de pratique? Je m'en remets à vous, votre bon jugement et votre bonne humeur habituelle!

    Bonne semaine à vous.

    MGL

     

    Le sens et le mythe de la ceinture noire : Une rétrospective paléochronique à rebrousse-temps de mon futur antérieur passage de grade,  du quinquagénaire de ma magnificence et de mon ascension au titre de Suprême Kickeur De Culs.

    Cinquante ans. Toutes ces années d'entraînement m'amènent à réfléchir sur le sens de la vie. La mienne en particulier. Pourquoi donc ai-je décidé de poursuivre dans la Voie?

    Certes, j'y étais destiné, diront certains. Avec un nom comme le mien, Lavoie, je ne pouvais faire autrement que de suivre la voie déjà toute tracée devant moi. Dō. Je me souviens encore de ce premier Dan. Quel con j'étais.

     

    Le jeune Yudansha insouciant que j'étais.

     

    Ça ne faisait pas encore un mois que je pouvais porter le Hakama qu'on me vouvoyait déjà. Au début je croyais simplement que mes cheveux gris... Mais non. S'installait déjà cette fameuse aura dont les kyus sont si friands à s'imaginer.

     

    Mes quarante ans de pratique

     

    Au fil du temps j'ai appris à ignorer les groupies. Plus précisément, à comprendre cette passion que d'admirer tant d'années de pratique. J'arrive à en rire maintenant. Mais bordel que j'ai dû faire des efforts pour qu'ils arrêtent de me cirer les pompes. Pire encore, me convaincre de les y arrêter.

     

    Ceinture noire (2)

    Mon quarante-sixième anniversaire de pratique

     

    Tiens. Ça me rappelle cette histoire que j'ai vécue avec ce bon vieux Daniel alors que j'étais Yudansha tout frais.  Une journée de ski toute plaisante avec lui, Sylvain et ce boulet qu'était Gustavo en skis. A-t-on idée d'inviter un 6e kyu de ski quand nos heures sont comptées? Alors qu'on finissait une belle balade en duo dans une piste experte, voilà nos deux lurons qui, du haut de leur gondole passante, nous apostrophent. « Mais comment nous ont-ils reconnus? » me demanda Maître Dubreuil. « Simple, lui répondis-je, vous êtes le seul sixième dan sur la piste ! ». Quel con j'étais. Il me répondit en souriant : « Ah oui, cette auréole ! ».*

     

    Suprême kickeur de culs

     

    Me voilà donc après cinquante ans de pratique. J'ai peine à imaginer que j'y suis. Mais comment les vieux maîtres avant moi y sont-ils parvenus? Qu'étaient leurs réactions et leur vision des choses? Eux qui ont tracé devant nous cette voie? Aujourd'hui je me vois monté au premier plan, mais eux, ils étaient les premiers de cette famille. Je vois ces jeunes pratiquants, lors de stages, qui me regardent et m'admirent. Un jour ils réaliseront qu'en fait, je ne suis pas leur guru de secte. Quoique aujourd’hui je réalise que j'aurais pu sauver une sacrée somme en impôts. Mais bon. La voie à suivre est celle de l'harmonie. Du plaisir de la pratique et après un temps, au plaisir de retransmettre ce savoir et cette joie de vivre. Parce que si, même aux yeux de certains, je suis ce suprême kickeur de culs fantasmagorique, je ne serai en réalité que ce dont la prospérité se souviendra. Et si j'arrive à n’être qu'une partie des Anciens de notre Art, alors j'aurai accomplis quelque chose de bien.

     

    *histoire véridique

     

    Le convaincu objectif :

     

    Cher André,

    S'interroger présente un risque ! Tant d'années pour une activité non productive, ce choix était il judicieux?
    Mais d'abord avons-nous choisi? Dire qu'il nous a été donné de rencontrer cette discipline serait plus juste. Nous avons seulement persévéré pour ne pas dire que nous nous sommes entêtés, probablement parce que nous y avons trouvé du plaisir, de l'intérêt, la perspective combien vaine d'être fort. C'est ce que je pense parfois quand le ciel est gris comme souvent dans notre Normandie.
    Quand le ciel est bleu, ce qui est plus rare, je revois toute les rencontres que j'ai pu faire, les instants de pure grâce de la pratique, le plaisir d'apprendre aux autres et de les voir progresser et j'oublie l'arthrose, le temps perdu (qui aurait été perdu de toute façon) et je me dis : quelle chance j'ai eue !
    Je ne sais si nous oscillons tous entre ces deux sentiments contraires, mais si c'était à refaire je crois que je recommencerais.
    Donc 50, 46 ou 40 ans, 30 pour ce qui me concerne, il n'y a qu'un événement qui pourra nous arrêter!

    Avec toutes mes amitiés.
    E.L.

     

    Le missionné serein :

     

    Réflexions : que représentent 45 années de port de la ceinture noire pour D.T. ?

     

    Une grande responsabilité, tout d’abord, envers les autres personnes. Pour les jeunes adeptes en Aïkibudo et/ou en judo qui seront en devenir d’accès au port de la ceinture noire, un jour. J’ai une «mission», le terme est peut-être «pédant» mais c’est montrer la voie de l’art martial tant au dojo qu’à l’extérieur du dojo.

    Cette voie martiale, d’une part avec tout son cortège d’étiquettes, mais également de valeurs de la vie dont chaque humain devrait s’inspirer pour devenir meilleurs, tel que le respect de soi et d’autrui, le contrôle de soi, la collaboration mutuelle, la recherche de l’harmonie, service et disponibilité auprès des autres, etc.

    Quel bonheur de pouvoir ensuite retrouver mettre cet art martial mais aussi d’apporter et/ou de soutenir, auprès des adeptes, ces valeurs morales, ses règles et participer à la formation globale de la personne.

    L’objectif, pour tout adepte des arts martiaux, est d’obtenir cette ceinture noire ! La route est difficile pour y arriver mais obtenir cette «obi» noire, quelle euphorie pour celui qui l’a mérité ! Quel bond nous venons de faire tant au plan technique que corporel, mais également sur le plan moral…et quelles responsabilités nous avons subitement auprès des autres et de soi même ; autres qu’il faut aider, mais soi aussi et que les autres marches sont hautes pour progresser, progresser encore et toujours !

    Car avec l’obtention de la ceinture, on commence à apprendre l’art martial que l’on pratique, pour moi, c’est une grande école de la vie que nous apportent les arts martiaux ! Les portes sont nombreuses, la ceinture noire Sho-Dan et par la suite, les nombreuses autres !

    Que de plaisir au bout de 45 ans de pratique, l’art martial apporte santé et sérénité mais aussi la joie de pouvoir pratiquer avec des personnes partageant le même idéal.

    D.T.

    6ème dan Judo

    3ème dan Aïkibudo

     

    La voyageuse inspirée :

    Nos impressions, de pratiquants de tous niveaux, horizons et lieux différents, de professeur … Ce que cela représente pour nous,  « 40, 46, 50 années de ceinture noire » ?

    Tout d’abord, au présent. Comme disent les « jeun’s » : RESPECT !

    Alain FLOQUET a passé son 1er dan il y a un demi-siècle :

    50 ans de CN ???!!!

    - ça doit être la « Bodhéité » absolue… et il y a du Bouddha qui sommeille en Sensei.

    - avec toujours les yeux et le cœur d’un enfant …  Bon anniversaire, Sensei !

    Alain ROINEL      

    46 ans de CN ?... ça doit être ça, sûrement,  le début de la sagesse…

    Claude JALBERT, Edmond ROYO, Gérard CLERIN, André TELLIER

    40 ans de CN ?

    - un bon signe de vitalité de l’Aïkibudo

    Et au futur ?  Si l’on pouvait se projeter en avant, avec nos présupposés actuels  d’élèves sur  ce que peut être ce « niveau-là », il y aurait peut-être bien cette petite chanson  qui me trotte dans la tête de Jean Gabin, Je sais. [Vous  vous en souvenez ?] et qui disait quelque chose comme « à 20 ans, je savais tout, j’avais tout compris et… à 30 ; ça y est, je sais…  à 40,….à  50 ans…   et aujourd’hui, je sais que je ne sais rien, mais ça au moins, je le sais. » Ce qui est déjà en soi, le signe d’une pratique bien conduite. Pensez à nous, Honorables Anciens, avec la même bonté et compassion … à nous tou(te)s, ces élèves qui, sur la longue route martiale, continuons à pédaler… à pédaler … à pédaler… avec nos croyances, nos certitudes, nos illusions, nos erreurs, nos faux-pas…notre spontanéité aussi, nos (brefs) instants de lucidité, qui retombent dans la facilité, les mauvaises techniques, les nouveaux départs. Vos paroles sont précieuses. Dans la nuit, elles éclairent notre lanterne, guident nos pas sur la voie… D’autant que vos parcours sont singuliers et témoignent d’un engagement sans faille dans l’Aïkibudo.

     Le passé… Imaginez un saut dans le passé de « 40, 46, 50 années de ceinture noire »…

    - on prendrait sans hésiter la machine à remonter le temps avec vous,  avec un billet pour le Dôjô de Me Minoru MOCHIZUKI …

    L’Aïkibudo des origines : les aventuriers d’un autre monde.

    - Mais comment peut-on imaginer aujourd’hui ce que vous avez connu, ce Japon des années 50-60, très peu fréquenté par les étrangers – en dehors des forces américaines, et aussi quelques rares pionniers français qui comme vous, sont partis en quête de ces techniques martiales mystérieuses ? A l’heure 2009 de la mondialisation et de l’uniformisation des pratiques culturelles, du jeunisme, du téléphone portable (qui sonne dans les « Clubs ») et de la révolution numérique (vous saurez-tout-sur-internet-com),  du sport de masse et de la consommation, a-t-on encore une chance de percevoir cette atmosphère des origines, de partager cette même émulation, les hivers de froidure et de courants d’air dans le vieux club de Shizuoka ;  de goûter à pareille source vive ? Je n’en suis pas si sûre…Les Maîtres se font  rares, et ceux de « l’ombre » sont bien cachés. Le pire, pour nous, c’est peut-être de passer à côté sans les voir… perdus que nous sommes dans la course au temps et à  l’échalote…

    Merci de nous offrir encore et pour longtemps plus que de simples lieux d’entraînement, ces havres de paix et de recherche tant martiale que spirituelle que sont les vrais Dôjôs, ces précieuses techniques de l’Aïkibudo, qui font partie du patrimoine vivant de l’humanité.

    Et puis, témoigner…encore et toujours,  Sensei et Honorables Anciens, parler encore plus de toutes ces expériences. Offrir du rêve et du mythe pour inviter les jeunes générations à renouer avec l’aventure de la pratique martiale, celui du voyage initiatique, de l’apprentissage de la vie, de l’amitié, de la fraternité. Notre époque matérialiste en a, je crois, terriblement besoin.

    P.B.

    1er dan Aïkibudo

     

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