• Bilan du cours du 8 mars 2017

     

    Les proverbes sont particulièrement utiles dans les cas où, de nous-mêmes, nous ne trouvons pas grand chose pour nous justifier. (Alexandre Pouchkine)

    Une pluie fine comme du crachin strie le monde, poussée par un vent du sud-ouest trop doux pour être une bise et trop frais pour être une brise. Pénétrante, elle m'oblige à changer de pantalon au retour des balades !
    Sur les talus, les jonquilles, pour annoncer la venue prochaine du printemps, brandissent déjà un doigt jaune qui n’aura pas l’occasion de nous offrir le spectacle de son œil ensoleillé : un vieux crétin a arraché toutes les promesses de fleurs et les a entassées dans un cabas en plastique. Pour quoi faire ? Tout sera flétri quand il sera rentré chez lui. La jonquille ne supporte pas d’être mise en pot, c’est un être libre, elle est faite pour s'épanouir en toute beauté dans la vie sauvage.
    « Je vous sens tout ronchon, Sensei André ! – Que nenni, petit cafard, je reeeefléchis donc je pense. »

    L'important ce n'est pas tellement d'avoir des souvenirs, c'est toujours de régler ses comptes avec eux. (Umberto Eco)

    « En fait, je me disais que la plupart des habitués des réseaux sociaux (quelle drôle d’expression, qu’y a-t-il de social dans Fesse Bouc ?) sont des narcisses (des jonquilles de jardin) qui se mettent en scène, souvent en malmenant l’orthographe : miroir, mon beau miroir, ne suis-je pas très beau ? Ai-je obtenu des millions de like (l’horrible mot !) Hélas, l’oubli tombe en 24 heures... Qui s'intéresse aux élucubrations d'autrui ? – Heureusement, vous êtes à l’abri de ces dérives, vénérable Sensei. – Que nenni, petit cafard, nul n’est à l’abri. Je me flatte de rédiger de belles envolées fleuries ponctuées de subtiles pointes d’humour et chaque jour, je guette le nombre de mes lecteurs. Quand il atteint 150, je me gonfle comme un soufflé qui sort du four mais quand il descend à 50, je me dégonfle comme un soufflé refroidi ! – Vous n’êtes donc pas un grand sage, vénéré Sensei ? – Vois-tu, petite sauterelle, il reste encore tout le chemin à parcourir. Être vieux et décrépit n’apporte que vieillesse et décrépitude qui ne sont pas synonymes de sagesse. »

    Comprendre est le commencement d'approuver. (Baruch Spinoza)

    Après avoir renoncé à mon dernier cours pour cause de rhume, j’aurais pu renoncer à celui-ci, trahi par mes vertèbres dorsales. Depuis 2 jours, je peine à me redresser après m’être penché. Quant à effectuer un pivot des hanches ou des épaules, il n’en est pas question. Je me méfie des médicaments, de leurs effets secondaires ou de leur nuisance en cocktail. Toutefois, c’est gavé de paracétamol que je prends la route ce mercredi en fin d’après-midi. Vieillesse et décrépitude !
    Ça fait 1 mois que j’élabore, que je construis, polis et repolis le cours de ce soir. Je l’ai pensé, j’en ai rêvé, je l’ai visualisé à d’innombrables reprises. « Comment progresse-t-on quand on est vieux et décrépit ? », se demandent les jeunes pratiquants qui se condamnent à d’épuisants entraînements dans l’espoir d’obtenir l’inexplicable aisance des vieux décrépits. La réponse est simple : on s’entraîne 24 heures sur 24. On pense, on médite, on visualise. Assis, debout, couché, en marchant, en dormant, en lisant, en discutant, il y a toujours quelques neurones consacrés à avancer sur ce chemin qui nous obsède depuis plus d’un demi-siècle. Pratiquer les bases, imaginer des entrées, des mouvements, des enchaînements, les penser, les méditer, les visualiser, les vivre. Tout vieux et décrépit qu’on soit, on progresse en s’adaptant à sa décrépitude.

    Lorsqu’on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays. (René Descartes)

    Chaque année, j’ai mon thème de prédilection. Cette année, je veux faire sentir à mes élèves que je ne choisis pas la technique que je veux porter en riposte à une attaque mais que j’utilise celle qui se présente à l’issue du mouvement, lui-même dessiné selon de nombreux paramètres. Ce n’est pas facile à étudier car on a besoin d’un Uke très aguerri.
    Je vais donc construire mon cours autour d’une technique simple qui se place avec évidence à l’issue d’un mouvement dont les évolutions sont dues à un minimum de variables.
    J’ai choisi le thème de Shime ( serrer, étrangler, qu’on retrouve dans Shimeru 絞める) Waza.
    « Shime Waza ! Avec des débutants ! », protesteront des puristes. Les étranglements sont souvent pratiqués à la va-vite, de façon directe et brutale.
    Un ami du sud ouest, qui se sent isolé dans ses montagnes et à qui j’avais proposé mon aide numérique m’avait justement demandé des conseils pour pratiquer les Shime Waza. À la fin du cours du 19 octobre, j’avais tourné quelques vidéos avec Jeannot comme Uke et Guillaume au caméscope. Nous étions fatigués et Jeannot est atteint d’une véritable phobie des étranglements... j’avais donc dû utiliser la canalisation et la contrainte, Jeannot résistant et se défendant comme un bourdon pris dans une toile d’araignée dès que je lui touchais le cou ! J’ai quand même pu rédiger ma page et l’envoyer à mon ami qui me répondit : « Je me rends compte que ça peut être très fluide et que l'étranglement en lui-même n'est qu'une petite partie de la technique. Si le déséquilibre est présent et si le corps de Uke est bien amené, l'étranglement se fait naturellement comme un point final. J'avais tendance à partir trop vite sur la réalisation du Shime tout en restant probablement trop éloigné. Il semble que le déplacement soit primordial et que le moindre piétinement ou hésitation rende la technique hasardeuse. Je réalise de plus en plus l'importance de travailler dans le bon Ma Aï, ce que je savais auparavant (intellectuellement) mais que j'avais du mal à réaliser concrètement. », ce qui résume parfaitement ma conception de la pratique de notre bel Art Martial.
    Je vais reprendre ces vidéos pour illustrer le compte-rendu de mon cours. Nous étions peu nombreux à ce dernier cours et j’ai préféré donner un cours collectif individualisé et consacrer la totalité de mon temps disponible à corriger les pratiquants plutôt que d’utiliser quelques précieuses minutes derrière le viseur du caméscope.

    Rien ne rend si aimable que de se croire aimé. (Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux)

    Après un échauffement dirigé de main de maître par Guillaume, je présente l’éducatif sur lequel nous allons construire le cours : entrée extérieure de type Sen no Sen sur Tsuki Jodan. J’ai déjà développé des cours sur le thème des sensations et je me rends compte qu’il me faudra y revenir.
    Premier éducatif. Les 2 partenaires sont en garde inversée. Tori en garde haute, incite Uke à frapper en Tsuki Jodan en baissant sa garde avec un recul de la jambe avant (Neko Ashi, 猫足 le pas du chat). Il entre en contrôlant l’épaule de Uke puis effectue O Irimi en allant chercher l’autre épaule. Il entraîne Uke avec un léger Kiba Dachi, ce qui le place face au dos de Uke qui tente de s’échapper vers l’avant.
    Je reprends une ancienne vidéo pour illustrer cet exercice :

    Cette version présente des maladresses, le contrôle doit se faire au niveau de l’épaule mais il persistait encore cette curieuse manie de contrôler Tsuki Jodan comme Shomen Uchi, en levant le bras. Je n’ai pas retrouvé de vidéo plus récente...

    Je n’ai jamais rencontré d’homme si ignorant qu’il n’eut quelque chose à m’apprendre. (Galilée)

    Tori contrôle Uke au niveau des 2 épaules et le conduit devant lui. Uke tente de s’échapper vers l’avant, Tori le retient en plaçant le dos de sa main directrice sous son menton, l'autre pouvant pousser dans les lombaires, et en prenant appui de son front sur la nuque. Les 2 mains se joignent en crochet et la jambe correspondant au bras directeur se positionne en arc-boutant : Ude Jime, étranglement avec le bras. Attention, danger ! Pour limiter les risques, la pression s’effectue avec le dessus du poignet, pas avec la partie étroite.
    Attention : les mains se joignent en crochet, jamais doigts entrecroisés.

    Tsuki Chudan : esquive canalisation au niveau du coude, accentuer le déséquilibre comme pour porter Ushiro Kata Otoshi, pousser Uke dans le dos pour l'obliger à se cambrer, porter l'étranglement avec l'avant-bras (à l'entraînement, appliquer le côté large du poignet : technique dangereuse), contrôler avec le front dans la nuque, corps en arc-boutant. N.B. ici, l'entrée est moins pénétrante que celle que j'ai présentée aux élèves, d'où le contrôle au niveau du coude au lieu de l'épaule)

    Les hommes passent la moitié de leur temps à se forger des chaînes et l'autre moitié à les porter. (Octave Mirbeau)

    Applications sur Omote Yokomen Uchi.
    Tori esquive latéralement pour effectuer O Irimi et contrôle ainsi le poignet de Uke qu’il fait pivoter pour se placer derrière son dos.

    Omote Yokomen Uchi : esquive O Irimi (en s'effaçant) contrôle au niveau du poignet. Notez le mouvement de la main qui contrôle le poignet, repousse le bras et continue son ascension jusqu'au cou de Uke.

    Tori entre et contrôle la tête de Uke en portant un atémi à la nuque, sous l’oreille. Il peut ainsi appuyer sur la tête de Uke qui tente d’esquiver pour s’échapper. Tori le contrôle en plaçant le dessus de sa main sous le menton de Uke...

    Omote Yokomen Uchi : esquive O Irimi (en entrant) contrôle de la tête.

    Ça ne s'apprend jamais trop tôt, la liberté.(Hervé Bazin)

    Second éducatif. L’entrée est analogue à la précédente toutefois, le contrôle peut s’effectuer au niveau du coude, Tori laisse glisser sa main directrice pour tirer l’épaule de Uke vers le sol en effectuant un Kiba Dachi très bas.  Uke se trouve placé latéralement. Quand il veut se redresser, Tori peut glisser son pouce très haut sous le revers puis verrouiller le Shime en repoussant l’épaule de sa main libre et en plaçant la jambe correspondant au bras directeur en arc-boutant. L’étranglement est obtenu avec le contrôle du revers, il s’agit de Eri Jime. Attention ! Danger ! Le contrôle est très fort et c’est la partie étroite du poignet qui vient s’appliquer sur la trachée artère. À l’étranglement respiratoire, douloureux, s’ajoute un étranglement sanguin.

    Tsuki Chudan : esquive canalisation au niveau du coude, accentuer le déséquilibre comme pour porter Ushiro Kata Otoshi, glisser le pouce le plus haut possible dans le col de Uke et pousser dans l'épaule pour l'obliger à se cambrer, contrôler en se plaçant en arc-boutant.

    Nous cherchons plus à durer que nous n'essayons de vivre. (Andy Warhol)

    Applications sur Omote Yokomen Uchi.

    Omote Yokomen Uchi : esquive O Irimi (en s'effaçant) contrôle au niveau du poignet

     

    Omote Yokomen Uchi : esquive O Irimi (en entrant) contrôle de la tête.

    Ces 2 derniers mouvements semblent exécutés en dilettante mais je rappelle que les vidéos ont été tournées à la fin du cours et mes vieilles jambes ne faisaient plus que ce qu’elles pouvaient ! En fait, ne trouvez-vous pas que ça passe plutôt bien ?

    L’ordre est le plaisir de la raison, mais le désordre est le délice de l’imagination. (Paul Claudel)

    Nous avons donc fait un travail théorique qui fait sentir qu’une technique ne se décide pas, elle se présente. Nous avons constaté que parfois plusieurs opportunités sont offertes : Ude Jime ou Ushiro Kata Otoshi, Eri Jime ou Mukae Daoshi, le choix dépendant des sensations de Tori lui-même.
    Ce petit monde a bien mérité une première récompense sous forme d’un Kaeshi Waza tout en canalisation.

    KAESHI WAZA. Tori abaisse l'avant-bras de Uke avec sa main extérieure en tournant la tête vers le coude pour échapper à l'étranglement respiratoire et de l'autre main saisit la manche au dessus du coude. Il porte Kata Nage en tournant les hanches pour poser le genou au sol.
    L'exemple présenté est une application sur Ude Jime. L'opportunité se présente sur un manque de détermination de Uke ou sur un arc-boutant insuffisant.
    L'opportunité sur Eri Jime proviendra d'un pouce placé trop bas sur le revers.

    C'est quand on n'a plus de dents qu'on vous donne de la bonne soupe. (Pierre-Auguste Renoir)

    Une seconde récompense ? Elle a lieu sous forme d’un Randori en cercle. Ce Randori est intéressant quand les élèves sont peu nombreux. Il oblige à prendre conscience de l’espace environnant et de sa maîtrise et il permet à chaque pratiquant de s’entraîner avec tous les autres.
    Je rappelle l’importance du Randori. Il doit conclure chaque cours et durer au moins 1/4 d’heure. Il est utile de consacrer de temps en temps une séance entière aux diverses formes de Randori.

     

    Histoire d'un Hakama qui fut blanc 

    6e dan 2F3A 1991

    7e dan FIAB 2011

    2e dan FKSR 1986

    A.照り絵 / 七段 教士 

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    Oublie tes peines et pense à aimer

    あなたの悩みを忘れて、愛について考える 

    Anata no nayami o wasurete, ai ni tsuite kangaeru

    mort-de-rire

     

     

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