• Bilan du cours du 3 décembre 2008

     

     

    Mon projet est toujours d’approfondir les notions contenues dans le thème du « Chika Ma en mouvement » c’est-à-dire du transfert des sensations acquises lors de la pratique initiale du Chika Ma vers la pratique effective de l’Aïkibudo, la distance Ma.

    Pour appuyer et valider mes choix, quel meilleur soutien que celui du DTN adjoint, Alain Roinel, qui écrit les lignes suivantes :

     

    J’ai fait le constat souvent répété d’une incapacité de nos jeunes à exploiter la saisie en Ma. À chaque fois, nous voyons la saisie transformée comme dans la distance Chika Ma et de ce fait l’obligation pour le candidat de pratiquer un Te Hodoki.

    Certes, l’étude des Te Hodoki est indispensable pour maîtriser le dégagement et pour la bonne forme de corps qui s’y trouve appliquée ainsi que son corollaire : la mise en déséquilibre indispensable de Uke.

    Cette notion devrait être quasi facilitatrice pour la distance Ma, mais apparemment, ce n’est pas vécu comme ça.

    Pourquoi ? Sûrement parce que nous n’apportons pas tout le soin nécessaire dans notre enseignement à cet aspect de la progression.

     

    Chika Ma : on part d’une position statique, codifiée. Tori doit mettre Uke en mouvement de façon à créer le déséquilibre qui offre l’opportunité d’une technique. C’est le Machi no Sen (attendre pour réagir)

    Ma : Uke initialise le mouvement en avançant pour saisir. Tori doit entrer dans ce mouvement et l’utiliser pour placer sa technique (ou plutôt pour permettre à la technique de se placer ?). C’est le Tai no Sen (agir en même temps que l’adversaire).

     

    Les sensations acquises lors de la pratique initiale du Chika Ma sont transférées vers la pratique effective de l’Aïkibudo, la distance Ma. En conséquence, on doit exiger la garde, la stabilité, le placement de la force, les contraintes exercées sur Uke. Ni brutalité ni travail éthéré... L’Aïkibudo se place au juste milieu, dans un subtil équilibre acquis en travaillant les bases. LES BASES.

    J’ai toujours soutenu, et je suis heureux d’entendre not’ bon Maître l’affirmer, le confirmer haut et fort à chaque stage des Cadres, que le programme du 1er dan se suffirait à lui-même pour permettre la progression de toute une vie sur la Voie de l’Aïkibudo. Si ce programme est parfaitement maîtrisé, on découvre que toutes les autres techniques sont des adaptations, des « sophistications » de connaissances déjà acquises.

    J’aime bien raconter que mes meilleurs élèves (c’est-à-dire tous mes élèves...) ont préparé leur 2ème, 3ème, 4ème dan en 2 ou 3 dimanches matin... Il faut préciser qu’ils ne s’étaient pas contentés de 2 petits cours hebdomadaires bien tranquilles. C’était l’aboutissement d’un travail intense, exigeant, 4 ou 5 fois par semaine, sans oublier les nombreux stages régionaux ou inter-régionaux. Tout se mérite, tout se gagne.

    Rechercher avec boulimie à acquérir le contenu d’un gros catalogue de techniques, la quête obsessionnelle du contenu d’un programme consiste à bâtir un gratte-ciel sur du sable, ça ne tient pas debout. Il ne restera plus, pour voiler l’incompétence, que la pratique du secret : il sera interdit, à ceux qui « n’ont pas le niveau » de voir certaines techniques réservées aux experts. Restera aux experts à se persuader qu’ils sont experts... en se cachant ?

     

    Déroulement du cours : du Chika Ma au Ma

     

    Préparation

    Échauffement classique.

    Contrôle de la maîtrise de la chute : roulades avant et arrière, enchaînements, progression vers la notion d’Ukemi.

    Contrôle de la maîtrise du Tai Sabaki : application de O Irimi sur Tsuki Chudan en même garde et en garde inversée (vers les notions d’entrée intérieure ou extérieure).

     

    Étude technique

    Point de départ : saisie en Jyunte Dori.

    Révision des points-clés du Te Hodoki.

    Application de Kote Gaeshi (flexion et torsion)

    -        Kote Gaeshi proprement dit : c’est un renversement par flexion du poignet. Te Hodoki, contrainte par brossage de l’avant-bras, renversement par rotation du bassin.

    -        Neji Kote Gaeshi : c’est une évolution de Kote Gaeshi par extension du bras, la flexion se transforme en torsion. La distance entre Tori et Uke est plus grande, la rotation du bassin évolue en Tai Sabaki.

     

    Chika Ma : les contraintes sont importantes (dégagements, action sur l’avant-bras, renversement ou torsion)

    Ma : il n’y a plus de saisie mais tentative de saisie

    -        Tori « conduit » Uke comme en Chika Ma sans se laisser saisir et en effectuant Nagashi.

    -        Quand il reprend le poignet de Uke, il lui place le coude en contrainte contre son flanc, opportunité d’un armlock exécuté avec une flexion du genou correspondant

    -        La technique s’effectue par un retour du bassin et une flexion de l’autre côté.

    -        À titre éducatif, poser le genou au sol à chaque flexion.

     

    Le placement de Neji Kote Gaeshi va impliquer un « grand »Tai Sabaki qui va placer Tori à la distance convenable. De façon simpliste, on pourrait dire qu’un « petit » Nagashi met en place Kote Gaeshi et qu’un « grand » Nagashi offre l’opportunité de Neji Kote Gaeshi.

    Les sensations acquises en Chika Ma sont ainsi réinvesties dans l’évolution en distance Ma.

    Problème de la chute avec Neji Kote Gaeshi : la peur, la maîtrise insuffisante de l’Ukemi  peuvent être cause de blocage ou de blessure. Je propose 2 approches sécurisantes :

    Cas « grand débutant »

    -          Tori effectue un Nagashi pied avant et pose le genou extérieur au sol

    -          Il conduit le poignet de Uke sur son genou relevé

    -          Uke prend appui avec sa main libre sur le poignet de Tori

    -          Il effectue une roulade avant par-dessus le genou de Tori, tête tournée vers l’intérieur

    -          Tori soulève légèrement le poignet « torsion » de Uke pour conduire sa chute

     

    Cas « débutant initié »

    -          Tori arrête son mouvement juste avant de provoquer la chute de Uke

    -          Uke vient prendre appui avec sa main libre sur le poignet de Tori

    -          Tori continue son mouvement et provoque la chute de Uke

    -          Uke effectue sa chute, tête tournée vers l’intérieur

    -          Tori contrôle la chute en maintenant le poignet de Uke à hauteur de sa hanche

     

    Application de Yuki Chigae

    L’étude de Kote Gaeshi en distance Ma avait ouvert le concept d’armlock « par dessus ». L’étude de Yuki Chigae va amener au concept d’armlock « par dessous ».

    -        Chika Ma : application du Te Hodoki. Pour mettre Uke en mouvement, Tori effectue un pas latéral vers l’extérieur en appuyant la tête dans le pli du coude de Uke puis, en se relevant, le pousse sur son avant. De sa main libre, il reprend le tranchant de la main de Uke (pouce sur l’articulation du pouce, petit doigt en crochet sur l’articulation du petit doigt) et la remonte de façon à placer le coude au-dessus de l’épaule tout en effectuant une torsion vers l’intérieur. La main qui tient le poignet vient saisir les doigts et effectue une poussée du coude vers l’avant. Cette combinaison de torsions doit contraindre Uke à monter sur la pointe des pieds.

    -        Ma : Tori « conduit » Uke comme en Chika Ma en effectuant un grand Nagashi pied avant. Ce faisant, il place son bras libre en arc-boutant en posant sa main sur sa hanche. Le coude de Uke est ainsi placé en appui sur l’arc-boutant et subit un armlock qui le contraint au déplacement. La technique se conclut comme précédemment.

     

    Application de Shiho Nage

    Kote Gaeshi et Yuki Chigae initient à l’entrée par l’extérieur. Shiho Nage introduit la notion d’entrée par l’intérieur. Le Te Hodoki apporte une vision restrictive des entrées puisque le dégagement est le même pour les 3 techniques. Toutefois le positionnement des mains et l’action sur le bras sont différents et doivent sensibiliser au sens de l’entrée en distance Ma.

    -        Chika Ma : application du Te Hodoki, torsion extension du bras poussé vers l’avant, la 2ème main vient se placer, paume en l’air, à côté de la 1ère de façon à accentuer la torsion. Passage sous le bras, tangentiellement à Uke, sans relever son bras. La main de Uke est ramenée contre son épaule. Une action sur le poignet, accompagnée d’un retrait du pied avant doit provoquer le renversement de Uke. Le pied se replace pour accompagner la chute.

    -        Ma : entrée intérieure. Mise en sécurité : atémi du tranchant de la main. Le mouvement induit par cet atémi permet de reprendre le poignet de Uke. L’application de la technique est analogue à celle portée en Chika Ma.

     

    Application de Hachi Mawashi.

    C’est une technique plutôt méconnue. Est-elle couramment enseignée en dehors du Kihon Nage Waza Shodan ?

    C’est l’occasion d’évoquer son évolution historique. Le Hachi était le rebord du casque, un peu comme celui du casque des « Tommies » pendant la guerre de 14/18. Saisir ce rebord et effectuer une rotation entraînait la rupture des cervicales. Cette technique, très dangereuse, a évolué. Tout en gardant la cinétique originelle, elle ne présente plus de risques pour celui qui la subit, même avec un partenaire brutal ou maladroit.

    Le contrôle étroit de la tête de Uke et le Tai Sabaki très tangentiel permettent de provoquer le renversement. Ces 2 points techniques sont souvent insuffisants faute de détermination.

     

    Application 

    Randori Jyunte Dori distance Ma.

     

    En conclusion, une piste de travail.

    On doit être capable d’effectuer n’importe quelle technique sur n’importe quelle saisie, voire sur n’importe quelle attaque. Bien évidemment, certaines formes seront pertinentes et d’autres non. Toutefois, le jeu intellectuel mis en œuvre permet de ne jamais se retrouver pris au dépourvu, ce qui est malheureusement souvent le cas des candidats aux examens, quel que soit le grade convoité. Et envisager d’appliquer Kote Gaeshi sur Omote Yokomen Uchi ou Shiho Nage sur Ura Yokomen Uchi aurait fait hurler les puristes il y a quelques décennies... Techniques extérieures, techniques intérieures, certes, avec rigueur, mais si toute règle doit être parfaitement connue et appliquée, il faut en connaître les exceptions.

    Et encore ce conseil : Je me rappelle que mes Maîtres me conseillaient d’appliquer chaque technique comme si c’était la dernière... quitte à finir, autant finir en beauté, avec panache... n’est-ce pas le sens du Sutemi ?




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