• Bilan du cours du 29 juin 2011

     

    Ce n'est pas par la satisfaction du désir que s'obtient la liberté, mais par la destruction du désir. (Épictète)

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    Qui c’est-y qui tire à l’arc sans corde ?

     

    Il faut garder quelques sourires pour se moquer des jours sans joie.  (Charles Trenet)

    C’est le dernier cours. Sous-entendu : de la saison. À mon âge, on pourrait s’autoriser à penser : tout court. Un vent sombre* a terni les premiers jours de l'été !

    « Tue, dit Kaa, comme Mowgli portait la main à son couteau.
    - Non, dit Mowgli, en tirant la lame ; je ne tuerai plus, sauf pour vivre. Mais regarde, Kaa !
    Il saisit le Serpent derrière le capuchon, ouvrit de force la bouche avec la lame de son couteau, et montra les terribles crocs venimeux de la mâchoire supérieure, qui apparaissaient noirs et desséchés dans la gencive. Le Cobra Blanc avait survécu à son poison, comme il arrive aux serpents.

    - Thuu (c’est tout sec), dit Mowgli. »
    in Le Second Livre de la Jungle (L'ankus du roi). Rudyard Kipling.1894

    Heureusement, il nous reste le sourire et notre propension à l’autodérision.

     

    Si on ne voulait qu'être heureux, cela serait bientôt fait. Mais on veut être plus heureux que les autres, et cela est presque toujours difficile parce que nous croyons les autres plus heureux qu'ils ne sont. (Montesquieu)

    C’est le dernier cours de la saison. Il fait beau et la canicule a laissé place à une agréable douceur.  Le dernier cours, c’est avec Hambo et sans Hakama... On a chacun ses coutumes, ses usages, ses traditions, ses manies, choisissez vous-mêmes le mot qui vous paraît le mieux adapté.
    À 18 h, Pedro et Jeannot sont déjà arrivés. Et à 18 h 30, presque toute ma fine équipe est là, Yudansha et Kyu. Cependant, Ludo est de garde ce soir et un des plus assidus n'a pas prévenu de son absence.

     

    Avant d’essayer d’aimer ses ennemis, on peut essayer de mieux traiter ses amis. (Mark Twain)

    Merci pour le conseil, Mark, si tu crois que je t’ai attendu. J’aime mes amis, je les traite aussi bien que possible et je n’ai pas d’ennemis. Si quelqu’un m'est hostile, je l’efface de mon univers... Il existe bien par ci, par là des individus bêtes et méchants mais, à la différence du regretté HARA KIRI, ils sont totalement dépourvus d’humour donc parfaitement ennuyeux et tout à fait inintéressants...
    Je digresse, je m’égare, je m’éloigne du sujet : le dernier cours avec mes bons amis... dont un fidèle élément manque, sans explication. En fait, j’en étais au moment où presque tout le monde est là, s’entraînant avant le cours, Randori souple, Te Hodoki, techniques diverses en Chika Ma. Et là, en général, je vois des choses étranges susceptibles de m’inciter à modifier la première partie de mon cours.

     

    De tous ceux qui n'ont rien à dire, les plus agréables sont ceux qui se taisent. (Coluche)

    Aujourd’hui, ce sera sans vidéos et sans photos. Ce sera avec citations, plein de citations que j’ai piochées çà et là depuis 3 semaines. Je me soucie de votre culture, chers et fidèles lecteurs. Il n’y a pas que les images dans la vie, il y a le texte aussi.  Pedro emploie cet adage avec 2 mots différents. Celui qui les découvre a gagné une citation inédite.
    Donc, à 19 h, j’entre dans le vif du sujet en revisitant (de l’anglais to revise, revoir) l’interprétation exotique, selon Christophe, de Ura Ude Nage sur Ryote Dori.
    Nous allons passer une petite demi-heure à étudier les 2 formes d’entrée en Chika Ma, par-dessus et par-dessous, puis à transposer les sensations acquises de la distance Chika Ma à la distance Ma.

     

    Le passé tend à reconquérir son influence perdue en s'actualisant. (Henri Bergson)

    Pas d’explications non plus. Ou réduites au strict minimum. Ça dépendra. Ce n’est pas que je sois de mauvaise humeur, comment pourrais-je l’être en pensant que ce texte va être lu, en diagonale ou à la loupe, par de nombreux amis ou inconnus et que je dois donc faire bonne impression. Mais c’est le dernier cours et, même si son contenu a été soigneusement construit et pensé, je veux lui donner un côté informel, détendu, un peu dilettante. Je ne pourrai probablement pas m’empêcher de corriger individuellement, d’exposer un peu de théorie, de redéfinir la notion de mouvement. Le cerveau d’un vieil homme manque de souplesse et les bonnes résolutions se dissolvent dans le feu de l’action.

     

    Il est bien vrai que nous devons penser au bonheur d'autrui ; mais on ne dit pas assez que ce que nous pouvons faire de mieux pour ceux qui nous aiment, c'est encore d'être heureux. (Alain)

    À 19 h 30 commence le cours tel qu’il avait été conçu. Nous allons jouer avec le Hambo, d’autres diraient Jo, pour nous, ce sont de simples manches à balai détournés de leur destination originelle.
    La première partie est une série d’exercices de style, dits en « sollicitation ». En fait, c’est Tori qui tient le Hambo et qui incite Uke à s’en emparer. Ces exercices pourraient s’apparenter aux Wa no Seishin.

    Bilan du cours du 29 juin 2011

    Le moyen de plaire en société est de laisser chacun parler de soi. (Arthur Schopenhauer)

    1 - Tori maintient Uke à distance en prenant la garde Hidari Chudan. Puis il fait une ouverture en présentant le Hambo pointe en bas. Uke avance le pied droit pour saisir le Hambo et tenter de désarmer Tori. Tori avance le pied gauche en remontant la pointe du Hambo, il renverse Uke et le projette. C’est une sensation proche de Sen no Sen.

    2 - Tori maintient Uke à distance en prenant une garde Hidari Chudan. Puis il fait une ouverture en présentant le Hambo pointe en bas. Uke avance le pied droit pour saisir le Hambo. Tori effectue Nagashi pied arrière, fait passer Uke derrière son dos, pose le genou droit avec un pivot des hanches et projette Uke en ramenant le Hambo sous son bras gauche. C’est une sensation proche de Go no Sen. C’est aussi dans l’esprit du Wa no Seishin : Tori va dans le sens de Uke sans exercer d’opposition.

    Bilan du cours du 29 juin 2011
      Nous étions plus jeunes et n’hésitions pas à utiliser le Bo

    3 – Petit aparté : on pose le Hambo pour exécuter un Wa no Seishin sur « Kata Sode Dori » (double saisie au début de la manche et au coude), c’est la stricte application du déplacement effectué avec le Hambo. J’avais étudié cette forme technique en 1967, sous le nom de « drapeau chinois ».

    4 - Tori maintient Uke à distance en prenant une garde Hidari Chudan. Puis il fait une ouverture en présentant le Hambo pointe en bas. Uke avance le pied droit pour saisir le Hambo. Tori remonte la pointe du Hambo en saisissant les doigts de Uke. Il porte Kote Kudaki.

     

    L'idée de l'expérience ne remplace nullement l'expérience. (Alain)

    1 - Tori maintient Uke à distance en prenant une garde Hidari Chudan. Puis il fait une ouverture en présentant le Hambo pointe en haut. Uke avance le pied droit pour saisir le Hambo et tenter de désarmer Tori. Tori avance le pied gauche en descendant la pointe du Hambo qu’il remonte ensuite derrière l’épaule de Uke. Il glisse le pied gauche derrière Uke puis effectue O Irimi pour projeter en Kataha Otoshi.

    2 - Tori maintient Uke à distance en prenant une garde Hidari Chudan. Puis il fait une ouverture en présentant le Hambo pointe en haut. Uke avance le pied droit pour saisir le Hambo et tenter de désarmer Tori. Tori avance le pied gauche en descendant la pointe du Hambo qu’il pousse ensuite vers l’avant. Il pivote pour projeter en Shiho Nage.

     

    C'est au contact d'autrui que l'homme apprend ce qu'il sait. (Euripide)

    Après avoir travaillé des figures de style, nous allons aborder quelques exemples de défense contre Hambo. Par souci de simplicité, nous nous contenterons de l’attaque Tsuki Chudan. Outre son apparente simplicité, cette attaque permet de fixer l’attention sur les notions de techniques extérieures et techniques intérieures.

    Il conviendrait d’étudier les défenses sur l’ensemble des attaques du Bo no Kata. Ce sera peut-être l’occasion de développer une fiche pédagogique comme je l’ai fait pour le Tanto no Kata et le Tambo no Kata.

     

    Nous ne sommes nous qu'aux yeux des autres et c'est à partir du regard des autres que nous nous assumons comme nous-mêmes. (Jean-Paul Sartre)

    1 - Tori est en Migi Kamae, Uke en Hidari Kamae. Uke avance le pied avant et attaque Tsuki Chudan. Tori entre Irimi extérieur, sa main gauche bloque les doigts de la main avant de Uke sur le Hambo, sa main droite bloque les doigts de la main arrière par-dessous. Sa main gauche appuie pour baisser la pointe, sa main droite soulève le talon et, de la sorte, porte un armlock. Il oblige Uke à monter sur la pointe des pieds et projette en Tenbin Nage... « Maître, Tenbin Nage, c’est une technique intérieure et vous venez de la porter par l’extérieur ! Comment se fait-ce ? – Et alors, est-ce que je t’en pose, moi, des questions ? »

    2 – Tori est en Hidari Kamae, Uke est en Migi Kamae. Uke avance le pied avance et attaque Tsuki Chudan. Tori entre Irimi extérieur, sa main gauche bloque la main avant de Uke sur le Hambo. Il effectue un Nagashi pied arrière en ramenant la main de Uke dans l’axe, amorçant ainsi une flexion qu’il transforme en torsion avec une rotation des hanches. Uke est entraîné en Neji Kote Gaeshi. Tori maintient Uke sur le dos et, en exerçant une rotation du Hambo autour du poignet de Uke, le renverse à plat-ventre et porte une immobilisation classique.

    3 -  Tori et Uke sont en Hidari Kamae. Uke attaque Tsuki Chudan. Tori entre Irimi intérieur en contrôlant les doigts de Uke sur le Hambo. Il pousse la main arrière de Uke en pivotant sur les hanches puis en avançant le pied gauche. Il porte Shiho Nage.

    4 – Tori et Uke sont en Hidari Kamae. Uke attaque Tsuki Chudan. Tori effectue un Nagashi pied avant en contrôlant les doigts de Uke sur le Hambo. Il fait passer la main avant de Uke devant lui en avançant le pied droit. Il porte Shiho Nage.

     

    Le contraire de la vérité est la fausseté : quand elle est tenue pour vérité, elle se nomme erreur. (Emmanuel Kant)

    Ite missa est. Il ne reste plus qu’à conclure avec une belle séance de Randori. En conclusion d’un bon petit cours somme toute plutôt pépère, un bon dernier petit cours de fin de saison. « Mon bon Maître,
    tout d'abord,je tiens à vous dire que ce petit cours sans prétention d'hier soir m'a collé sur les rotules... – Un peu de retenue, petit scarabée... pardon, petit Pedro ! 
    »

     

    Il n'y a pas de phénomènes moraux, rien qu'une interprétation morale des phénomènes. (Friedrich Nietzsche)

    Petite surprise à la fin du cours. Un pot impromptu a été organisé pour fêter l’anniversaire de Guillaume. Occasion de retarder un peu plus que d’habitude le moment de repartir. J’aime beaucoup ce petit groupe.  Avec un nombre si réduit, il me permet d’accéder à un niveau d’entraînement très intense qu’on n‘obtient généralement qu’avec 3 ou 4 fois plus de pratiquants. Tout simplement parce qu’ils font preuve d’une totale générosité même si, comme tout individu normalement constitué, il arrive à l’un ou l’autre de douter. C’est ainsi qu’on progresse.

     

    La vie a besoin d'illusions, c'est-à-dire de non-vérités tenues pour des vérités. (Friedrich Nietzsche)

    La boisson festive à bulles, qu’elle soit champagne, crémant ou clairette a pour effet de m’étourdir dès la première gorgée et de me plonger dans un léger vertige dès la première coupe... Je n’aurais pas été un bon Samurai ! Alors je me place en réserve, j’observe et je me tais pour ne pas me risquer à bafouiller encore plus que d’habitude.

     

    La vérité est si obscurcie en ces temps et le mensonge si établi, qu'à moins d'aimer la vérité, on ne saurait la reconnaître. (Blaise Pascal)

    Ce soir, je cogite en contemplant les jeunes (et plus toutes jeunes) générations qui rient, plaisantent, vivent leur vie avec gourmandise. La griserie me rend nostalgique. Je ne suis pas un vieil homme qui se penche sur son passé mais je me demande quand même à quoi ont servi 7 décennies passées sur terre, dont près de 5 consacrées à l’étude, puis à l’enseignement et au développement d’un Art Martial. À quoi bon ? Qu’y ai-je gagné, en fin de compte ?

     

    La vérité est si obscurcie en ces temps et le mensonge si établi, qu'à moins d'aimer la vérité, on ne saurait la reconnaître. (Blaise Pascal)

    Les bulles s’évaporent. Je redescends sur le plancher des vaches. J’ai donné un bon cours. Les élèves sont sortis du tatami en sueur et souriants. Nous avons abordé des sensations très fines, nous avons porté des techniques très élaborées avec de simples manches à balai. Nous avons ri. J’ai félicité. J’ai râlé. J’ai joué mon rôle de prof attentif et pas toujours complaisant... et dans 3 semaines, nous allons participer à un grand stage d’été, au Temple sur Lot. C’est le bonheur. Que demande le peuple ?

     

    La conscience est la dernière et la plus tardive évolution de la vie organique, et par conséquent ce qu'il y a de moins accompli et de plus fragile en elle. (Friedrich Nietzsche)

    T’as bien raison, Frédo, mais que veux-tu qu’on y fasse ?

    *En fait... tiens, vous avez remarqué que j’emploie de temps en temps cette expression. « En fait », tic langagier des quadras Bac + 3 et plus encore, qui ponctue leurs conversations. Les plus jeunes mâchonnent le déjà rebattu « un espèce de » et l’indigeste « au jour d’aujourd’hui », pourquoi pas « au jour de ce jour d’aujourd’hui » quand ils ne se laissent pas aller à dire : « elle n’est pas prête de... » très médiatisé au lieu de « elle n’est pas près de... », sans oublier le stupide « elle s’est faite prendre » au lieu de « elle s’est fait prendre » où se faire n’a pas le même sens que dans « elle s’est faite belle ». Non, je ne suis pas un vieux schnock toujours en train de râler ou, alors, j’étais déjà un vieux schnock à 8 ans, quand je me régalais d’une syntaxe élégante et que je trouvais que la maîtrise de l’orthographe relevait avant tout du sens esthétique.

    J’emploie « en fait » pour articuler certaines argumentations, en allégation ou en opposition.

    En fait, donc, dans ce cas (celui de la petite *), les Navajos organiseraient une cérémonie pour rétablir le Hozho (ou Hozro, le Navajo est très difficile à prononcer et à transcrire). Être Hozho, c'est être en harmonie avec l'univers. C'est être bien dans son corps, en accord avec soi et tout ce qui nous entoure. C'est un état intérieur qui surgit quand tout est à sa juste place. Hozho, c'est aussi quelque chose qui protège la beauté, qui veille à ce qu'elle puisse être. Ce serait donc probablement « la Voie de la Beauté » pour laquelle ils feraient appel à un Hataalii, qui, pendant 4 jours et 4 nuits, exécuterait chants et peintures de sable pour purifier la victime des effets du vent sombre et ramener celui qui a causé du tort sur le chemin de la beauté car c’est bien lui la première victime du vent sombre, alors on le soigne, on ne le punit pas comme le feraient les occidentaux. Ainsi, l’univers retrouverait son harmonie et les êtres vivants continueraient à vivre dans la Beauté.

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    *encore la petite étoile pour me rappeler de vous recommander en particulier :
    LE VENT SOMBRE - Tony Hillerman Rivages/Noir
    et tous les autres ouvrages de Tony Hillerman

     

    L'excès de liberté ne peut tourner qu'en excès de servitude pour un particulier aussi bien que pour un état. (Platon)

    cible-1.gif Vououousssshhhh ! Mais où est donc passée la corde ?

     

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