• Bilan du cours du 25 mars 2015



    Tous les gestes engagent ; surtout les gestes généreux. (Roger Martin du Gard)

    Dans le joli village d'Arvillard, où habite ma fille, se perpétue une aimable coutume. Parfois, sur les murets qui bordent les ruelles, vous voyez quelques légumes, quelques fruits avec cet écriteau : « Servez-vous ». Sans autre commentaire. Un jardinier offre ainsi une part de sa récolte, des brins de persil, des courgettes, des haricots verts... que sais-je encore ?
    Je crois que c'est dans la même région, mais en ville, cette fois, qu'on peut trouver quelques livres sur un banc : « Servez-vous, déposez vos vieux livres en échange ». Une bibliothèque à l'état sauvage, en toute liberté !
    J'ai cultivé un Art et j'en ai toujours offert les fruits. Je n'ai pas donné parce que dans le don il y a déjà une prise de pouvoir et je n'ai jamais su imposer.
    Le produit de mes récoltes a souvent été apprécié et plutôt nombreux sont ceux qui ont adhéré à ma façon de cultiver mon jardin. Mais un adhésif peut perdre de sa force d'adhésion et et alors des adhérents se détachent pour adhérer ailleurs, sur un support qui leur paraît peut-être plus lumineux...

    Bilan du cours du 25 mars 2015


    Connaissez-vous le miroir aux alouettes ? Cet appareil est planté dans une plaine ensoleillée. Entraîné par un  mouvement d'horlogerie, il tourne en envoyant des flashes lumineux. Et les alouettes, au lieu de monter au firmament en nous émerveillant de leur chant mélodieux, se précipitent vers le mirage et se font cribler de plombs car il n'y a pas que les chats qui aiment tuer les petits passereaux...

                
     L’art est un jeu. Tant pis pour celui qui s’en fait un devoir ! (Max Jacob)

    Le brouillard qui a posé un voile épais sur la vallée ce matin fait écho avec la brume qui obscurcit mes pensées et mon discernement. Réveil chaotique ! Si Lara n'avait pas chouigné au pied de l'escalier, je ne me serais pas levé si tôt. Je gamberge. Je gamberge le jour. Je gamberge la nuit. Je dors en pointillés. Mon petit déjeuner se déroule au gré de l'éveil des automatismes.
    Vers 9 h, le soleil met le brouillard en ébullition et l'évapore en gouttelettes étincelantes. C'est parti pour la balade matinale de Lara qui a besoin de se dégourdir les pattes.

    Bilan du cours du 25 mars 2015

    Bilan du cours du 25 mars 2015

    Les talus du chemin qui monte à travers bois est constellé de touches multicolores, le blanc éclatant des anémones sylvie*, les taches de soleil de la fausse renoncule, le timide pastel des violettes et même le museau doré de jeunes jonquilles qui ne demandent qu'à déjà poindre.
    Lara fait la folle sur les pentes, cavalcade sur leur toison herbeuse, se lance dans de longs dérapages dans les dernières feuilles mortes qui transmutent leurs vestiges brunâtres en humus charbonneux, elle laisse de longues écharpes végétales sur le bitume.

    Bilan du cours du 25 mars 2015

    Bilan du cours du 25 mars 2015

    Et moi, je pense en nuances de gris. Mes pensées sont plates. Je dois me prendre pour The Artist !

    Bilan du cours du 25 mars 2015

    Euh... Intellectuellement, seulement... Je ne sais pas si mon vieux genou tiendrait la cadence !

    Le fond de notre cœur, dans nos discours, se montre ; Que nos sentiments ne se masquent jamais, sous de vains compliments. (Molière)

    Y a-t-il un psy parmi vous ? Ça me coûte terriblement, je dois faire de très gros efforts pour y aller... à mon cours, en voyage, en vacances. Ensuite, je retarde autant que je le peux la fin du cours, la date du retour... Je dois être un nomade qu'un mauvais sort a sédentarisé !
    Il fait un temps superbe, on doit être si bien dehors, je devrais penser à me préparer et j'y vais à reculons. Mais au premier visage reconnu sur le parking ou à l'entrée du Dojo, au premier sourire plein de chaleur, ça va battre la chamade... C'est alors que je pourrais danser comme The Artist, et en couleurs !

    J'avoue que les passions peuvent me conduire ; mais elles ne sauraient m'aveugler. (Madame de La Fayette)

    Des kilomètres de bouchons ! L'A28, la N28, la rocade ouest, les voies secondaires, les routes de la Forêt Verte, tout est bouché au moment où je pars pour le Dojo. Que se passe-t-il ? La voie est libre en ce qui me concerne, je parviens à forcer le passage à un rond-point où 3 voies s'engouffrent en entonnoir et j'arrive à bon port, sans encombre.
    J'aperçois les silhouettes de Stéphanie et Jeannot qui se dirigent vers le Dojo, mon petit univers retrouve ses couleurs.
    Vacances ? Désaffection ? Désintérêt pour mes cours ? Tous ces jeunes et moins jeunes Kyu qui me semblaient intéressés, attentifs, qui progressaient de façon spectaculaire, ils sont absents. On éprouve toujours une déception, voire une sorte de frustration quand on estime devoir venir parce qu'on a pris l'engagement de venir et que c'est sans réciprocité. Vient-on au Dojo comme on va au cinéma ? Pas tout à fait, il serait très mal vu de se goinfrer de popcorn pendant le cours !
    Bref, ils sont 5 sur le Tatami au début du cours. Guillaume, qui a passé la journée dans la célèbre station balnéaire de Melun, ne sera là qu'à 20 h.

    Ce que nous faisons dans notre intérêt ne doit nous rapporter aucun compliment d'ordre moral, ni de la part des autres, ni de la nôtre. (Friedrich Nietzsche)

    Ce petit nombre m'oblige à revoir l'organisation du programme de la soirée. Mélanie et Stéphanie échappent au pensum de l'échauffement.
    Je convoque au centre mes 2 candidats, Stéphanie et Harold : démonstration des Te Hodoki sur saisies de face. J'annonce que je n'ai pas l'intention d'intervenir, que je ferai mes remarques à la fin du cours... promesse impossible à tenir, j'ai trop envie de les remettre constamment sur la bonne voie !
    Quelques rectifications, donc : le prise du centre sur Jyunte Dori, le travail dans l'axe, la fluidité de l'exécution (tendance à effectuer un travail carré, saccadé), justification des dégagements en fonction de la technique envisagée. J'insiste particulièrement sur les finesses de Muna Dori : contrôle des doigts de Uke, rôle de la main qui saisit le tissu, action de l'autre main qui saisit en pronation ou en supination... Uke saisit de la main droite :
    - Tori contrôle la saisie de Uke avec la main gauche en lui comprimant le petit doigt  et sort de l'axe de Uke vers l'extérieur, ce qui affaiblit son bras et le tend. Il entre le bras droit au niveau de l'épaule et le monte à la verticale. Une rotation du bassin permet de décrocher la saisie. Au moment du dégagement, on peut observer que la main de Uke est poussée vers le haut pendant que le tissu du revers est tiré vers le bas avec une rotation vers l'intérieur pour ouvrir les doigts de Uke... vous l'avez bien, cette action ? Elle va être mise en évidence dans les applications suivantes qui feront hurler les puristes.
    « Sensei Papé, ce n'est pas conforme au dogme ! S'il n'y a pas d'atémi à l'issue du dégagement, peut-on alors vraiment parler de Te Hodoki ? - Atémi mon culte, misérable cafard, Te Hodoki signifie action de dénouer les mains, c'est tout. - J'y perds mon dogme, vénéré Sensei Dédé, ne nous avez-vous pas enseigné que l'atémi était la conclusion du Te Hodoki ? - Que nenni, inculte scarabée, je t'ai enseigné que l'atémi en fin du Te Hodoki était comme le point à la fin d'une phrase. Pour commencer, on apprend à se dégager. Point final. Plus tard, un Te Hodoki bien effectué amorce un mouvement à l'issue duquel se placera une technique. C'est la sensation du Go no Sen. - Vous m'éblouissez de votre savoir, brillant Sensei ! - Certes, d'ailleurs c'est mon nom... »
    Dans les 4 cas, la main qui saisit le revers contrôle le petit doigt de Uke et enroule tissu en pression sur les doigts de Uke pour les ouvrir.
    - Tori saisit son revers de sa main droite et sort de l'axe de Uke vers l'intérieur. Sa main gauche saisit la main de Uke en pronation. Torsion du poignet et ouverture des doigts assistés par une rotation du bassin. L'amplitude de la torsion du poignet et de la tension du bras de Uke déterminent Kote Gaeshi flexion ou Neji Kote Gaeshi.
    - Tori saisit son revers de sa main droite et sort de l'axe de Uke vers l'intérieur. Sa main gauche saisit la main de Uke en supination. Torsion du poignet et ouverture des doigts assistés par une rotation du bassin. Atémi en entrant pour passer sous le bras de Uke. En portant un atémi dans les côtes... Opportunité de Yuki Chigae.
    - Tori saisit son revers de sa main gauche et sort de l'axe de Uke vers l'intérieur. Sa main droite saisit le poignet de Uke en supination. Torsion du poignet et ouverture des doigts assistés par une rotation du bassin : opportunité de Shiho Nage.
    - Tori saisit son revers de sa main gauche et sort de l'axe de Uke vers l'extérieur. Sa main droite saisit la main de Uke en pronation. Torsion du poignet et ouverture des doigts assistés par une rotation du bassin : opportunité de Kote Kudaki ou Robuse suivant la tension du bras.

    L'homme supérieur se moque de ceux qui le complimentent, et complimente quelquefois ceux dont il se moque au fond du cœur. (Honoré de Balzac)

    Ce travail méticuleux finirait par être fastidieux, nous étudierons les saisies arrière la prochaine fois. Un premier moment de détente est apporté par l'initiation au Randori Te Hodoki. Il s'agit d'un enchaînement fluide de saisies et de dégagements... « Sans atémi, évidemment, Sensei ? », rappelle opportunément Jeannot. Les puristes se feront Seppuku avec un Shinaï en découvrant cette hérésie.
    Je prescris l'administration de 5 minutes de Randori Te Hodoki à l'issue de l'échauffement de chaque cours. Agir progressivement, démarrer souplement pour finir avec des saisies fermes.

    J'aime les compliments, mais ceux des maladroits m'exaspèrent. (André Gide)

    Toujours dans le cadre d'un travail plus détendu je propose ce que j'appellerai un Randori esquives. Ce soir, ce sera  en ligne : Tori face à l'ensemble des Uke. Les consignes : attaquer Tsuki Chudan à droite, bien respecter l'ordre des attaquants. Tori enchaîne O Irimi sans s'arrêter. Sensation de Sen no Sen, Tori entre en créant l'ouverture : entrée, rotation du bassin pour esquiver le coup (la main intérieure accompagne l'esquive), 2ème temps de O Irimi, la main extérieure effleure l'épaule de Uke sans la pousser, c'est du déjà vu, le tout c'est d'enchaîner les O Irimi sans interruption, avec fluidité et que les Uke attaquent de façon ordonnée.


    Observations : en général, la rotation du bassin est incomplète.
    Les Kyu sont plutôt mal à l'aise. Harold repousse au lieu d'accompagner.
    Une pratique régulière gommera peu à peu toutes ces faiblesses.

    Le compliment, c'est quelque chose comme le baiser à travers le voile. (Victor Hugo)

    Le Randori esquive est un exercice destiné aux débutants mais il est toujours bon de le travailler à tous les niveaux sachant qu'il doit déboucher sur le Randori canalisation. Pourquoi ce dernier semble-t-il toujours si mal compris ? Je suspecte une forme de paresse... Il développe l'aptitude à canaliser, ce qui semble évident, et renforce la tonicité des jambes, un des points faibles de nos pratiquants. C'est qu'il exige une très grande précision dans l'entrée sous peine de se retrouver trop loin de Uke et par conséquent dans l'incapacité de l'entraîner.
    Pour une bonne entrée, on doit sentir le frôlement du poing sur l'abdomen (on disait jadis sentir le froid de la lame...) ensuite, tout est dans la succession de rotations du bassin qui conduisent le genou intérieur au sol : Tori ne pose pas volontairement son genou, c'est la rotation du bassin qui le produit. C'est encore une rotation en sens inverse qui fait que Tori se relève dans la bonne garde.
    Je prescris 15 minutes de Randori canalisation à chaque cours, avant l'étude technique ou avant le Randori, peu importe, en ligne, en cercle, en Futari, que sais-je encore ?


    Observations : le rythme est lent, voire un peu mou.
    Les Tori ne sont pas suffisamment dans l'attitude Sen no Sen : garde, ouverture, entrée.
    Les Uke attendent, il leur manque l'intention d'attaquer.
    Voilà 2 attitudes à développer grâce à un entraînement régulier..

    Dans le cadre de la canalisation, il est possible d'insérer des techniques. Je demande aux Uke d'attaquer Omote Yokomen Uchi alternativement à droite et à gauche. Tori entre Shiho Nage. Attention, il s'agit d'une attaque haute, avec sensation de Tai no Sen.


    Observations :
      le travail de Stéphanie est un peu « scolaire », sans connotation péjorative.
    Elle est très concentrée mais il lui faut un peu plus de tonicité et d'agressivité.
    Une pratique régulière ne peut qu'apporter la spontanéité et l'efficacité.

    Je note une faiblesse quasi générale en ce qui concerne l'entrée sur Omote Yokomen Uchi : Tori entre avec les bras en défense, il reçoit au lieu de contrôler et dévier. Uke est en situation de force. S'il était armé, on observerait des « blessures de défense » sur les bras de Tori. Afin de rectifier cette faiblesse, je propose le même exercice de canalisation avec Mae Hiki Otoshi.


    Guillaume cherche ses marques. Il a pris le cours en route, il n'a pu arriver qu'à 20 h.
    Peut-être un peu trop de contraintes techniques dans cet exercice apparemment simple.
    À revoir...

    Faire des compliments à celle qu'on aime est la première façon de faire des caresses. (Victor Hugo)

    Le cours doit se conclure avec un quart d'heure de Randori. Le but du Randori est de restituer physiquement ce qu'on a assimilé intellectuellement. Si c'est le corps qui mémorise, il ne faut pas négliger l'approche intellectuelle. Cette approche studieuse peut parfois paraître fastidieuse et le Randori doit être alors considéré comme une re-création, un jeu où dans un premier temps on peut oublier les contraintes... mais attention à ne pas acquérir des défauts, des « facilités », des automatismes ultérieurement difficiles à rectifier. D'où la nécessité de la pratique régulière du Randori canalisation et de rechercher des exercices susceptibles de casser les automatismes naissants.

    J'ai trop le désir qu'on respecte ma liberté pour ne pas respecter celle des autres. (Françoise Sagan)

    J'avais prévu de donner quelques conseils à la fin de ce bilan, tout comme j'avais prévu de commenter le travail des élèves à la fin du cours... Les conseils se sont inscrits naturellement dans le récit. Ma prof de maths, celle qui a réussi à me dégoûter des maths, une discipline pourtant passionnante, je l'ai découvert plus tard, me saquait régulièrement, bien que j'eusse trouvé la solution, sous prétexte que j'avais une approche trop littéraire des démonstrations mathématiques... C'est comme ça qu'on fabrique d'incorrigibles poètes !

    * Offrir l'amitié à qui veut l'amour, c'est donner du pain à qui meurt de soif.

    L'anémone sylvie pousse dans les milieux forestiers, comme son nom l'indique.
    Anémone vient du grec anemos qui signifie fleur du vent.
    Anémone était une nymphe de la cour de la déesse Flore, où sa beauté rendait jalouses ses amies. Zéphyr, le mari de Flore et un autre dieu du vent, Borée, s'éprirent tellement d'elle, que cela provoqua la colère de Flore, qui changea Anémone en une fleur, condamnée à fleurir avant le printemps, pour qu'elle subisse les brutales bourrasques de Borée, qui éparpille sa corolle aux vents glacés du Nord. Lorsque le doux Zéphyr, dieu du vent de l'Ouest, vient plus délicatement lui donner ses caresses, alors Anémone fanée a perdu ses pétales.

    Histoire d'un Hakama qui fut blanc 

    6e dan 2F3A 1991

    7e dan FIAB 2011

    2e dan FKSR 1986

    A.照り絵 / 七段 教士 

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    Oublie tes peines et pense à aimer

    あなたの悩みを忘れて、愛について考える 

    Anata no nayami o wasurete, ai ni tsuite kangaeru

    mort-de-rire

     

     

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