• Bilan du cours du 2 février 2011

     

    La vie est courte, mais elle nous laisse toujours du temps pour la courtoisie. (Ralph Waldo Emerson)

    Après une fin d’automne hivernale, nous voilà plongés au cœur d’un hiver automnal.  Pas de quoi se sortir d’un épais état d’hibernation.  Le moment n’est plus au spleen, il s’agit de se mettre en condition pour le cours de ce soir.
    Mon cours, soigneusement pensé, est prêt *.  Rien de tel pour se mettre en forme physiquement qu’une heure de Kobudo... Ces dernières semaines, je n’ai guère sorti mon bokken de son étui.
    Je suis arrivé un peu avant 18 h et j’ai été surpris de voir le Dojo plongé dans l’obscurité.  J’espère que je pourrai utiliser ma clé car on dirait que les serrures ont été changées.  Heureusement, je peux ouvrir la porte.
    J’attends avant de me préparer... Jeannot arrive 20 minutes plus tard. Il m’apprend que Pierre ne pourra pas venir mais Guillaume l’a prévenu qu’il serait des nôtres. Nous attendons.
    Christophe ouvre la porte vers 18 h 45 et se met en tenue, suivi de Jeannot. Je vais me préparer quand, à 19 h, Guillaume entre dans le vestiaire.
    Trois élèves ! Je reconstruis mentalement mon cours quand j’entends la porte d’entrée claquer. Jaâfar et Stéphane font leur entrée.
    Je suis un peu déçu. Pas du petit nombre de présents mais du silence des autres.  Ce n’est pas difficile de prévenir qu’on sera absent... Je me suis déplacé pour eux. Quelles que soient les conditions météo, quel que ce soit mon état d’âme, je viens et je m’efforce de faire bonne figure, même si ce n’est pas toujours facile.
    Un vieux maître ne mérite peut-être pas un peu de courtoisie.

    Nous sommes ici-bas pour rire. Nous ne le pourrons plus au purgatoire ou en enfer. Et, au paradis, ce ne serait pas convenable. (Jules Renard)     

    Trêve d’état d’âme, il faut s’y mettre. Après tout, 5 élèves, ce n’est pas si mal si je construis mon cours sous forme d’entraînement au randori : Tori face à 4 Uke... attaques alternées droite et gauche, personne n’est censé se tromper d’attaque, je peux développer un cours très précis, très technique. Mais. C’est sans compter sur... On verra la suite !

    Ne te réjouis pas si l'amitié t'autorise à dire des paroles désagréables à tes amis proches. Plus tu deviens proche de quelqu'un, plus le tact et la courtoisie sont nécessaires. (Oliver Wendell Holmes)

    Premier exercice : randori esquive (O Irimi alterné droite et gauche). Je veux un travail lent, de grands déplacements.

    Attaques Tsuki droite et gauche. Si quelqu’un parvient malgré tout à se tromper d’attaque, Tori peut toujours esquiver. Chaque Uke porte 2 attaques.
    Dans un premier temps, les Uke se sont placés spontanément en ligne, face à Tori.  Le résultat est vite « brouillon », personne n’étant sûr du moment où il faut attaquer.  Je réorganise le groupe selon le randori en cercle. Avec 4 Uke, on dira qu’ils sont disposés selon les 4 points cardinaux ! Consigne impérative : Uke retrouve sa place aussitôt après avoir attaqué.

    Second exercice : Ushiro Kata Otoshi, sur Ura Yokomen Uchi.

    Mon petit groupe est perturbé : « On est habitué à le porter sur Omote Yokomen Uchi ! », se lamentent-ils. Que leur répondre sinon qu’ils sont censés pouvoir exécuter toutes les techniques sur toutes les attaques !
    En fait, la technique est portée à l’issue d’un enchaînement de 2 O Irimi successifs. Le premier me permet de contraindre Uke à fléchir ses jambes. Je profite de son intention de se relever pour le renverser en exécutant le second O Irimi. Les 2 Tai Sabaki s’effectuent dans le même sens, je change donc de garde et je suis bien placé pour répondre à l’attaque suivante.
    Pour répondre au souhait de mes élèves je leur demande ensuite Ushiro Kata Otoshi sur Omote Yokomen Uchi.
    Petit problème, dès la seconde attaque, ils se retrouvent à contre-pied !  Il faut faire un pas vers l’attaquant suivant pour récupérer la bonne garde. Cet exercice permet de faire comprendre à Tori que c’est à lui d’aller au devant de Uke, il ne doit pas attendre l’attaque pour réagir. J’en profite pour repréciser les notions de Sen no Sen, Machi no Sen et Go no Sen.
    Seconde cause de contre-pied : la mauvaise utilisation du regard. Tori a tendance à fixer son regard sur l’attaque de Uke. Ce faisant, à l’issue de l’attaque, il tourne à l’envers et se retrouve à contre-pied. Quand Uke attaque, c’est fini pour lui, le regard peut se porter sur l’adversaire suivant ce qui place intuitivement Tori en bonne garde...
    Je développe la notion de Kime, l’expression de l’esprit de décision exprimé par le regard de Tori qui capte le regard de Uke. Le Zanshin est l’état de vigilance...

    N’insulte pas le crocodile avant d’avoir traversé la rivière. (Proverbe africain)

    Troisième exercice : Ura Ude Nage sur Ura Yokomen Uchi

    Le résultat n’est pas satisfaisant,  les pratiquants sont trop raides. Ils ont tendance à porter Ura Yokomen Uchi à l’horizontale, avec le bras raide. Je modifie l’exercice en demandant d’appliquer Robuse en posant le genou extérieur au sol de façon à utiliser le « rebond » du corps, avec la poussée des orteils, pour aller au devant de l’attaque suivante.
    Cet exercice permet de prendre conscience de notre faiblesse au niveau des jambes, faiblesse due à un travail trop conventionnel, trop téléphoné, qui s’autorise l’à-peu-près. Pour preuve, la difficulté à conduire Uke au sol : Tori contrôle l’attaque avec les bras fléchis, ce qui permet à Uke de résister et de se relever puisqu’il ne subit aucune contrainte sur le coude.  Nous reprenons donc cette technique au niveau du contrôle du coude : pince, transfert du poids du corps sur le coude avec le bras tendu.

    Quatrième exercice : Kubi Otoshi sur Omote Yokomen Uchi

    Travail des jambes, utilisation du recul du corps pour « rebondir », poussée des orteils. J’insiste sur le contrôle de la nuque qui n’est pas suffisant. Ce contrôle va être développé avec l’exercice suivant.

    Cinquième exercice : Kataha Otoshi sur Tsuki Chudan

    Entrée intérieure (n’est-ce pas, Schtroumpf raisonneur ?).  Le contrôle de la nuque étant « superficiel »,  la technique n’est pas convaincante.
    Premier temps de O Irimi, j’entre comme pour porter un atémi de la main extérieure à la base du cou, la main intérieure contrôle l’atémi au niveau du coude en glissant dessous.
    Deuxième temps de O Irimi, j’appuie sur la nuque en la tirant vers moi puis en l’écartant vers l’extérieur. Ce faisant, la main intérieure s’enroule en crochet autour du coude que je contrôle au niveau du nœud de ma ceinture, la main extérieure venant en appui sur l’autre main (les 2 en supination). Uke est immobilisé. À ce niveau, il me suffit d’une rotation de la hanche vers l’extérieur pour le projeter sur le dos... au grand étonnement de Jeannot qui subit la projection. Autre possibilité : immobilisation suite à une simple pression verticale.

    Sixième exercice : Ura Kataha sur Tsuki Chudan

    Encore une fois, j’insiste sur le contrôle de la nuque. L’action de la main intérieure, qui vient contrôler le poignet de Uke par-dessus, conditionne le placement de Ura Kataha. Les conseils prodigués sont analogues à ceux donnés pour Kataha Otoshi.

    Lorsque nous critiquons, il faut le faire avec une humilité et une courtoisie qui ne laisse subsister aucune amertume. (Gandhi)

    Ce cours a été ponctué d’une foule de conseils, comme autant de cours particuliers, que j’ai redonnés en conclusion. J’ai ainsi proposé une « feuille de route » pour les 2 semaines à venir.
    L’essentiel des difficultés provient d’une utilisation excessive de la force qui aboutit à des situations de blocage et à un travail trop dur susceptible de dévier vers la brutalité.
    En général, les exercices sont exécutés avec précipitation et en apnée... Travailler lentement en marquant nettement l’inspiration dans l’entrée et l’expiration en finale.

    Un homme courtois ne marche pas sur l'ombre de son voisin. (Proverbe chinois)

    Si Tori réplique à la force de l’attaque de Uke en utilisant sa propre force, il y a soustraction, les 2 forces s’annulent, le plus fort l’emporte...
    Tori doit entrer dans l’attaque de Uke et non pas s’y opposer. Comme il s’insère dans le mouvement de Uke, sa force va s’additionner à celle de l’attaque... le déséquilibre obtenu sera suffisant pour qu’à l’issue du mouvement la technique se porte avec fluidité, sans brutalité, mais ne laissant d’autre opportunité à Uke que la chute.
    Suite à une question de Jaâfar concernant des problèmes de déséquilibre de Tori quand il tente de placer Kataha Otoshi sur une attaque Mae Kumi Tsuki, je rappelle quelques notions concernant l’application du déséquilibre :

    - distance Ma : il faut accentuer l’intention de Uke avant qu’il ne reprenne son équilibre à la fin de l’attaque
    - distance To Ma : il faut stopper Uke en créant un point d’arrêt autour duquel il s’enroule

    Toutes ces notions sont comprisse intellectuellement, il faut les intégrer dans la pratique de façon à libérer la « forme de corps » et faciliter la sensation du mouvement.

    La vieillesse est si longue qu'il ne faut pas la commencer trop tôt. (Benoîte Groult)

    J’ai exprimé ma gratitude à ces cinq jeunes gens pour leur grande générosité dans la pratique de notre Art. Pas de temps mort pendant l’entraînement, de la concentration dans  l’écoute, beaucoup d’attention envers les critiques pas toujours assénées avec une grande « fluidité ». Chacun sait travailler pour soi et pour les autres. Un grand bonheur pour le vieux prof...

    Prendre le temps de réfléchir, telle est la manière courtoise et vraie de commencer et de poursuivre une conversation. (Luther Standing Bear)

    Finalement, ce cours un peu particulier s’est prolongé bien au-delà des 21 h habituelles...  et nous y serions peut-être encore si des impératifs n’avaient exigé notre retour dans nos foyers (j’exagère ?).
    Mon caméraman ayant dû s’absenter, à son grand dam, je n’ai ni photo ni vidéo à ma disposition pour illustrer le récit de ce cours.  Alors, pourquoi pas un petit dessin ? J’en ai trouvé un grâce à Gogol et je n’ai pas pu résister au plaisir de le détourner..
    J’ai ouï dire que d’aucuns qui ne m’apprécient plus guère lisent pourtant attentivement mes articles et qu’il leur est arrivé de s’offusquer de certaines de mes caricatures. Cadeau :

     

    trou de serrure

    La porte est grande ouverte et pourtant ils s’obstinent à regarder par le trou de la serrure. (Moi)

     

    * Voir le Fichier : fiche_pedagogique_02_02_11.pdf

    « À propos de vidéosBilan du cours du 16 février 2011 »