• Avant les écrans

     

    Avant les écrans


    Un petit « post » sur Fesse Bouc, comme il y en a tant. Sûr que je ne suis plus jeune, je n’ai plus 20 ans depuis longtemps ! Et mes souvenirs sont bien antérieurs aux rouleaux d’amorces…
    Dans ma lointaine enfance, nous vivions dans un monde sans écrans, sinon le drap tendu dans la salle des fêtes pour le film du samedi soir. Et nous dévorions les rares illustrés publiés après guerre.
    Mon premier héros fut sans aucun doute Tarzan. Je le voyais littéralement voler de liane en liane quand nous traversions la forêt. Il paraît que j’ai très tôt appris à lire dans les premières parutions en noir et blanc disponibles dès 1945 et je savais pousser le puissant yodle à la manière de Johnny Weissmuller qui tuait des lions, des crocodiles et les porteurs noirs des vilains explorateurs sur l’écran en noir et blanc.

    L’homme singe fut remplacé par le fantôme du Bengale qui assommait ses adversaires avec sa bague à la tête de mort puis par Mandrake le magicien dont nous suivions les aventures extraordinaires dans ces illustrés dont on disait qu’ils nous empêcheraient d’apprendre à lire !
    Tout ce monde fut éclipsé par Robin des bois qui eut le privilège de combattre le shérif de Nottingham en couleurs sur nos écrans. Son collant vert qui lui permettait de se fondre dans les feuillages de la forêt de Sherwood semblait très seyant.

    Nous nous fabriquions des arcs et des flèches, des lances et des bâtons longs, des épées avec des rejets de noisetiers et des tiges de roseaux. Nous avons été Robin des bois à la flèche infaillible ou Frère Jean si fort avec son long bâton jusqu’à ce que nos lectures nous fassent découvrir les 3 mousquetaires. D’Artagnan, si courageux, si courtois et infatigable bretteur, prenait possession de notre imaginaire romanesque.

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    D’accord, c’est Cyrano de Bergerac mais nous l’avons aussi admiré plus tard !

    Dans nos illustrés de l’après-guerre, nous avons découvert de nouveaux personnages, le vengeur masqué qui chassait les hors la loi dans le Far West ou Red Ryder et Petit Cactus qui vivaient d’innombrables aventures… Fini de tendre des embuscades dans les bois ou d’affronter en duel les gardes de Richelieu, c’est désormais à cheval que nous parcourions la grande prairie à la poursuite des hors la loi. Il nous fallut nous procurer de nouvelles armes sous forme de revolvers en bois et crier : « Pan ! Pan ! T’es mort, j’ai tiré le premier ! ».
    Nouvelle révélation quand le premier western de John Ford est projeté sur l’écran de la salle des fêtes : les courageux cowboys descendent les épouvantables Apaches comme des pipes en terre au stand de tir de la fête foraine ! Pas question de jouer l’Indien, nous serons tous cowboys et nous poursuivrons des sauvages imaginaires.

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    C’est à cette époque que mon camarade de jeu se fait offrir… un vrai revolver,à barillet et à amorces, ces petits rouleaux roses qui se logeaient à l’intérieur. Plus question de crier : « Pan ! Pan ! », le revolver émet un vrai bruit et l’odeur de la poudre.

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    Nouveau bouleversement dans nos concepts guerriers quand à la séance du samedi soir nous voyons LA FLÈCHE BRISÉE, il existe de bons Apaches. Cochise est interprété par Jeff Chandler et sa fille Senseeharay par Debra Paget, tous deux copieusement maquillés, car les producteurs ont décrété que les acteurs Sioux ou Apaches ne feraient pas assez Indiens en technicolor ! Dorénavant, on joue volontiers le rôle du chevalier de la grande prairie avec une plume dans les cheveux.

    Un oncle m’offre un pistolet Jep à rouleaux d’amorces. Il était en tôle noire, il était moche mais c’était une arme de policier ! Alors là, fini de jouer aux cowboys et aux indiens dans la grande prairie, finie la chevalerie, l’affrontement se fera entre gangsters et policiers à Chicago ou à New York.

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    Entre temps, mon père avait eu l’idée saugrenue de me fabriquer un lance-pierres ! Pas un simple jouet à partir d’une branche en Y mais un bel objet façonné avec une barre de cuivre, des élastiques taillés dans une chambre à air et un rectangle de cuir pour placer le projectile. Idée saugrenue qui séduisit d’autres garnements avec lesquels je me livrai à divers concours d’adresse.

    Nous imaginions que nous étions de grands chasseurs capables s’atteindre des oiseaux en vol. Mais quand un garçon qui voulait s’intégrer à notre bande nous montra un moineau qu’il avait tué avec sa fronde, il subit une sacrée correction !
    Imaginez un petit bâtiment en briques avec fenêtres à petits carreaux, planté dans un herbage un peu isolé. Le propriétaire, apiculteur amateur, y stockait son matériel. Qui mit les autres au défi de toucher les petits bois des fenêtres ? Je ne me rappelle pas si quelqu’un parvint à les toucher mais il ne resta bientôt plus un carreau intact… Heureusement, deux des garnements étaient les fils de l’apiculteur. Les lance-pierres furent confisqués mais après ça, pour peu qu’une fenêtre reçoive un gravillon au passage d’une voiture et j’en étais accusé. Quel monde cruel.
    Le temps passe. Mes enfants sont eux aussi élevés dans un monde sans écran et se livrent à des expéditions dans les collines et le bois voisin. Ce n’est pas sans inconvénients. Au retour des sports d’hiver, la prof de français de mon fils donne comme sujet de devoir : « Racontez une émission que vous avez regardée à la télévision pendant les vacances. ». Gros malaise. Mon fils se rebelle. Conflit avec la prof, je dois me déplacer au collège pour rencontrer la prof et lui conseiller de proposer des sujets de devoirs moins stupides.
    Nous avons fini par acheter notre premier téléviseur, en noir et blanc, en 1984. Mais même aujourd’hui mes enfants ne sont pas passionnés par l’étrange lucarne.
    Mes petits-enfants ont un ordinateur portable, un smartphone mais ne semblent pas souffrir d’addiction. En fait, leur smartphone leur sert le plus souvent de dictionnaire, d'encyclopédie de poche.
    Mon épouse a un smartphone depuis qu’une de nos petites filles lui a donné son « vieux » modèle au lieu de le revendre d’occasion mais elle ne s’en sert que pour téléphoner.
    J’ai un petit portable qui ne sert qu’à téléphoner. Quand je suis passé aux contrôles à Roissy, en mai dernier, le douanier a regardé l’objet d’un air dubitatif et m’a demandé ce que c’était. Quand je lui ai expliqué que ça servait à téléphoner, il a été très étonné. Ça l’a fait rire !
    Et les Arts Martiaux dans tout ça ? Une petite graine a été plantée en 1949 quand mon grand frère, parti dans un collège professionnel, a été initié au Judo de Kawaishi et au Jujutsu et m’a montré quelques « prises ». Je l'écoutais avec admiration me parler de mystérieux pouvoirs, de victoire du faible sur le fort et du cri qui tue ! 

    Avant les écrans

    Minoru Mochizuki a introduit l'Aïkido Yoseikan en France en 1951 .La graine de cet art mystérieux a lentement germé jusqu’à ce que je puisse poser mes premiers pas sur la Voie des Arts Martiaux en jouant mes premiers arpèges en Jujutsu dix ans plus tard avec mes premières économies.
    Jouer aux cowboys et aux indiens, aux gangsters et aux policiers, crier des milliers de fois « Pan ! Pan ! », faire éclater des milliers d’amorces ne m’a pas pour autant donné le goût des armes à feu que j’évite comme la peste.

    Laissez vos enfants se poursuivre et se tirer dessus avec ou sans amorces dans la grande prairie. Leur imagination, leur romantisme en profiteront pour se développer, s’enrichir et ils oublieront leurs maudits écrans… et peut-être auront-ils le goût des Arts Martiaux, on peut rêver !

     

    Histoire d'un Hakama qui fut blanc 

    7e dan FIAB 2011
    2e dan FKSR 1986

    A.照り絵 / 七段 教士 

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    Oublie tes peines et pense à aimer

    あなたの悩みを忘れて、愛について考える 

    Anata no nayami o wasurete, ai ni tsuite kangaeru

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