• Au jour du jour de ce jour...

     

    pas content

    Je le sais car on me l’a souvent dit, je suis donc bien obligé de le croire, j’ai mauvais caractère et je suis intolérant. Je ne prétends pas maîtriser le « beau parler » mais les fautes de langage ressassées avec gourmandise sur les ondes par les pédants ridicules qui font l’opinion et répétées bêtement par leurs auditeurs m’écorchent les oreilles. Que des présentateurs incultes se laissent aller à des fautes de langage, on peut déjà s’en étonner. Mais qu’elles soient reprises à grande échelle, comme par un troupeau de « moutons de Panurge », c’est détestable ! En voici quelques unes parmi les plus... connes.

    mouton sauteur

    - Au jour d’aujourd’hui : particulièrement redondant puisque aujourd’hui, formé de au jour auquel on ajoute d'hui, comporte déjà deux fois l’idée de « ce jour » (hui vient du latin hodie : ce jour).

    Aujourd'hui est donc un pléonasme, admis dans notre langage. Quant à Au jour d’aujourd'hui, ça signifie Au jour du jour de ce jour... *

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    Tout aussi stupides ces quelques expressions reprises à l’envi :

    - un espèce de... que nenni ! Espèce est un nom féminin, son genre ne change pas même si l’espèce en question est du masculin ! On doit dire « UNE espèce de... » ou, si on tient au masculin, « un genre de » encore qu’un ami m’ait sorti « un sorte de » ! **

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    - elle s’est faite attraper, elle s'est faite prendre... que nenni ! Il s’agit d’un verbe composé : se faire prendre, on doit dire « elle s’est FAIT ATTRAPER, elle s'est FAIT PRENDRE ». Cette erreur est archi répandue, dans les médias, c’est évident, et aussi de la part de femmes qui, les premières concernées, ne devraient pas commettre cette impropriété - surtout quand elles sont enseignantes et censées (mais pas sensées) parler un français de bonne tenue... - et, pire encore, dans les dialogues de séries télévisées où abondent les horreurs de langage. Par contre, on doit bien évidemment dire « elle s’est faite belle (elle a fait belle elle-même) » mais surtout pas « elle s’est faite mal (elle a fait mal à elle) donc elle s’est FAIT mal » !

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    - elle n’est pas prête de... que nenni ! Ça, c’est vraiment une imbécillité ! On doit dire « elle n’est pas PRÈS de... », près est un adverbe donc invariable, près de est une locution prépositive, tout aussi invariable. On peut dire aussi « elle n’est pas prête à... », prête est un adjectif qualificatif et, en tant qu’attribut, s’accorde avec le sujet. Près de indique une proximité dans le temps ou l’espace, prêt à indique une disponibilité. Tout est question de sens. Et de bon sens en ce qui concerne le langage.

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    Et l’Aïkibudo dans tout ça ? On peut craindre qu’au laisser-aller langagier ne corresponde un laisser-aller physique et intellectuel : « C’est à peu près ça... ». Que nenni, si c’est à peu près ça, ce n’est pas encore ça ! Prenez quelques 1er kyu, voire quelques Yudansha, au hasard, demandez-leur d’effectuer O Irimi sur Choko Tsuki puis sur Tsuki Jodan et lancez un randori canalisation... Si vous voyez « un espèce de randori... », vous comprendrez le sens de mon propos.

     

    Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
    Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
    Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
    Ajoutez quelquefois, et souvent effacez...

     

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    « Respice post te ! Hominem te esse memento ! »***

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    * Certes, George Sand a bien écrit : « Sachez donc qu’au jour d’aujourd’hui on ne remue de fonds que dans l’industrie. (Le meunier d’Angibault, 1847) » et Maurice Genevoix décrit : « Une riche plaine bien de chez nous, aussi belle qu’au jour d’aujourd’hui... » mais Francis Carco n’a pas manqué de l’employer dans un contexte approprié : « Tâche à présent, si qu’tu écris des articles sur ici, d’pas oublier d’marquer dans ton canard qu’un bal au jour d’aujourd’hui n’est plus miteux comme autrefois. (Images cachées, 1929) » et ce n’est pas une raison pour employer à tout bout de champ cette expression ridicule même si l’Académie Française spécifie que si on l’emploie souvent avec une nuance de plaisanterie, l’essentiel est de n’en pas abuser, cette tournure n’étant pas en elle-même incorrecte. Et que penser de l’excellent (!) « à l’heure d’aujourd’hui » entendu récemment et qui vaut son pesant de cuistrerie ?

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    ** Certes, Grévisse note qu’espèce était parfois traité comme masculin au XVIIIe siècle : « un espèce de cabinet » (Saint-Simon), « un espèce de grand homme » (Voltaire), « un espèce de musicien » (Diderot) mais je ne crois pas que tout le monde manie la langue française comme l’ont fait Saint-Simon, Voltaire ou Diderot et malgré ces références à l’histoire de notre langue, dictionnaires et grammaires sont formels : ainsi que le rappelle la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie, le mot espèce est toujours féminin et ce, quel que soit le genre de son complément.

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    *** « Regarde autour de toi, et souviens toi que tu n'es qu'un homme ! »  Tertullien (Apologétique)

     

    mort-de-rire

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