• Anniversaire : il y a 50 ans, les Arts Martiaux

     

    C’était le premier mercredi du mois de septembre 1964. Cette année-là, la rentrée scolaire avait eu lieu le vendredi 18. Alors c’était peut-être le le 16 ou le 23 ? Je ne sais plus trop. Ma mémoire me souffle que ce devait être le 2 mais je sais que nos souvenirs sont trompeurs. Nos cellules sont fréquemment renouvelées et les souvenirs sont recopiés régulièrement. Avec des erreurs, des confusions, des ajouts, des retraits.. (lisez à ce sujet l’excellent hors série Science&Vie de septembre 2014 : La mémoire, ses secrets, ses troubles).

    En fait, j’avais bien noté quelque part que c’était le 2 septembre… j’ai retrouvé la note. Dans ma première vie des Arts Martiaux, je notais scrupuleusement toutes les étapes de mon parcours. En 1990, on me prêta un Atari ST avec le logiciel « Le Rédacteur » et j'enregistrai mes notes bout à bout. Deux ou trois ans plus tard, quand Atari disparut et que Windows 3.1 établit son hégémonie, mon fichier fut converti au format Word. Depuis, ce texte est régulièrement remanié, enjolivé, enrichi... Il doit bien en être à sa centième version !

    Bref, c’était bien un mercredi car c’était le jour où j’allais à la piscine Gambetta et, en revenant, je regardais toujours une porte rouge et je lisais la plaque « École de Judo Jean Lemaître », j’hésitais, il m’arrivait de poser la main sur la clenche mais je n’appuyais jamais.

    Anniversaire : il y a 50 ans, les Arts Martiaux
    La porte était là-bas, tout au bout du bâtiment, après la voiture.

    J’avais achevé mes humanités militaires à la fin du mois d'avril 1963. J’avais un peu pratiqué le close-combat, constaté qu’il ne valait pas le Jujutsu auquel je m’étais initié dès 1960 et je restais insatisfait, cherchant quelque chose. Ce quelque chose que j’espérais trouver dans le Judo.

    Toujours est-il que ce mercredi-là, j’ai accompli le geste plus important de mon existence. ma main s’est posée sur la clenche, a appuyé dessus, la porte s’est ouverte dévoilant un escalier tout gris. J’ai grimpé lentement les marches qui conduisaient au premier étage. Arrivé sur un palier, j’ai poussé la porte du Dojo et je me suis dirigé vers un petit bureau où le professeur se préparait pour le prochain cours.

    Je m'attendais à rencontrer un petit vieillard barbu, je découvris un homme encore jeune et plutôt athlétique ! En quelques minutes, j’étais inscrit et j’avais dans les bras un kimono tout neuf. Je passai dans le vestiaire pour le revêtir et j’eus droit à un premier cours particulier qui n’était pas prévu. Les deux heures de piscine me rappelèrent que la résistance humaine a des limites et je commençai à prendre conscience de muscles dans les cuisses et les épaules.

    Je pris des habitudes. Après un mois de cours le mardi et le jeudi soir, récompensé d'une jolie ceinture jaune dès la fin octobre, je commençai à m’endurcir en m’entraînant également le samedi après-midi, puis le dimanche matin. Ma persévérance, me fit accéder au grade de ceinture orange à la fin décembre.

    C'était bien, j'étais fier et je me pavanais avec un bel insigne à la boutonnière, mais ce n'était pas vraiment ce que je cherchais.

    Novembre 1964, ouverture d'une section de Karaté, animée par un des tout premiers 1er kyu de Normandie. Je m'initiai aux divers Tsuki, Machin Geri et autres Chose Barai, mais ce n’était pas encore ça, je n'étais pas enthousiasmé.

    Quelques années plus tôt, j'avais vu un reportage télévisé sur un nouvel Art Martial dont je n'avais pas retenu le nom, probablement donné en Japonais. Sur la terrasse d'un grand magasin de Tokyo, un petit vieux barbichu, vêtu d'amples vêtements noirs, s'amusait beaucoup à se déplacer à genoux et à balancer dans toutes les directions de jeunes garçons très souples, qui ne semblaient pas s'en porter plus mal et revenaient sans cesse à l'assaut. C'était amusant, plutôt impressionnant et... très joli à voir. Il s’agit probablement de cette vidéo :

    C'était ça que je cherchais. C'est ça que je trouvais enfin : en janvier 1965, Jean Lemaître ouvrit une section d’Aïkido « Mochizuki ».

    «  Qu’est-ce que c’est donc, cet Aïkido ? Il y a longtemps que ça existe ? Comment l’avez-vous découvert ?
    - C’est le maître Mochizuki qui l’a introduit en France, il y a une quinzaine d’années. Et en 1962, il a envoyé son fils, Hiroo, pour prendre les choses en main. Celui-ci, il a semé une sacrée panique !
    - Comment, cela ?
    - Et bien, il n’y a pas si longtemps, on disait que l’Aïkido était réservée aux anciens judokas qui ne pouvaient plus faire de compétition. Donne-moi ta main que je te fasse mal ! C’était comme ça qu’on le décrivait !
    - Et y avait-il une part de vérité ?
    - Peut-être bien, car Hiroo a ramené quelques honorables ceintures noires au 5ème kyu... Une vraie débandade !
    - Et vous, comment avez-vous rencontré l’Aïkido ?
    - Je faisais un stage de Judo à Marciac. Hiroo, qui était lui-même un bon judoka, nous a initiés à l’Aïkido. J’ai continué en prenant des cours particuliers à son club, à Paris et en allant aux stages d’été de Royan, dirigés par Charles Sebban.
    - Charles Sebban ?
    - Oui, c’est un dentiste. Il est 4ème dan. Il m’a fait passer ma ceinture noire l’été dernier. »

    Abandonnant aussitôt le Karaté, je fus son premier inscrit. Je me rappelle, comme si c’était hier, nos premiers pas sur la Voie des Arts Martiaux. Je garde un bon souvenir de ce petit groupe d'une douzaine d'élèves avides de savoir.

    Le Dojo, tout en longueur, était partagé en deux par un élastique. Judo à l'entrée, Aïkido « Mochizuki » au fond.

    Première séance : tous les dégagements sur saisie de face. Il n'était alors pas question de Te Hodoki, de Jyunte Dori ou de Dosokute Dori mais de 1ère ou 2ème saisie, comme au vieux temps du Judo de Kawaishi.

    Deuxième séance : tous les dégagements sur saisie arrière. Ma foi, notre mémoire était solide, puisque tout était resté à peu près net. Il faut dire que notre style devait être on ne peut plus rustique. Dans la foulée, on étudie Kote Gaeshi et Shiho Nage sur toutes les saisies, avant et arrière, bien sûr. Et puis, tous les « pivots » : pivot avant, pivot arrière. On ne parle pas de Tai Sabaki, les appellations japonaises sont très méconnues.

    J’étais atteint de la même boulimie que celle qui m’avait atteint lors de mon initiation au Judo. Il me fallait engranger très vite un maximum de connaissances, comme si le temps m’était compté, comme si je voulais combler le retard dû à une entrée tardive dans l’univers des Arts Martiaux. Alors, j’essayais de découvrir par moi-même ce qui ne m’avait pas encore été enseigné et que je pressentais, ou que je découvrais très succinctement présenté dans les ouvrages que je parvenais à me procurer.

    Alors, je cherchais comment appliquer les deux techniques, étudiées sur des saisies, en cas d’attaque à distance. Je me rappelle avoir ainsi essayé l’application de Kote Gaeshi sur un coup de poing au visage. Ma solution était très compliquée, j'esquivais par l'intérieur, je repassais le bras de l'adversaire devant moi, je l’entraînais de l’autre côté avant de tordre son poignet. J'avais le virus de la recherche…

    J’entrepris très vite, et en toute modestie, de rédiger un manuel de vulgarisation de l’Aïkido Mochizuki - pourquoi pas ? - car la prose disponible à l'époque, essentiellement les livres de Jean Zin, était très rare, sinon indigeste, et n’avait, de toutes façons, rien à voir avec ce qui se faisait dans notre École. J'avais notamment détaillé tous les déplacements à l'aide de pieds soigneusement dessinés, en m’inspirant de croquis trouvés dans un manuel de Judo. Les mouvements étaient dessinés à la façon de clichés stroboscopiques.

    Vanité ! Mon projet restera projet et brouillon au fond d'un carton. Comme pour tant d’entreprises où je n’atteignais pas la qualité professionnelle, je laissai le soin de mener à bien l’entreprise définitive aux hommes de l’ART.

    Je ne peux omettre la description des éducatifs favoris de Jean Lemaître. Pour le premier, il fallait se placer face à un partenaire armé d'un bâton qu'il levait et abaissait, et relevait et abaissait encore à la manière d'un métronome géant. Et nous esquivions un coup à droite, un coup à gauche, un coup à droite, un coup à gauche...

    Un autre exercice que nous affectionnions tout particulièrement était une approche de Irimi. Un élève était face aux autres, alignés dans la diagonale du Tatami, et qui fonçaient poing en avant. Le malheureux esquivait en remontant le courant, et, surtout, en assénant de violents coups du plat de la main sur le coude de ses adversaires. La douceur n'étant pas de mise et le concept de non-violence totalement ésotérique, les règlements de compte étaient immédiats.

    Ma progression fut assez rapide. Je fus gratifié du cinquième kyu aux premiers jours de l'été, l'hiver naissant me vit accéder au quatrième kyu, et je reçus le très respectable troisième kyu à la naissance du printemps 1966.

     

    Nous sommes déjà en 1966 et c’est déjà une autre histoire.

     

    Histoire d'un Hakama qui fut blanc 

    6e dan 2F3A 1991

    7e dan FIAB 2011

    2e dan FKSR 1986

    A.照り絵 / 七段 教士 

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    Oublie tes peines et pense à aimer

    あなたの悩みを忘れて、愛について考える 

    Anata no nayami o wasurete, ai ni tsuite kangaeru

    mort-de-rire

     

     

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