Bilan du cours du 16 juin 2010

Imposteurs

Nous sommes tous des imposteurs dans l'ensemble de ce monde, nous prétendons tous être quelque chose que nous ne sommes pas. (Richard Bach)

Nous serions nombreux à être atteints de ce curieux syndrome dit de l’imposteur. C’est un trouble qui s’infiltre dans les failles de notre narcissisme et pollue notre existence. Malgré nos succès, malgré les multiples attestations de nos compétences, nous nous demandons si nous ne manipulons pas notre entourage auquel nous ferions illusion.
Nous sommes conscients de nos talents mais une ombre vient parfois troubler nos pensées et fait surgir l’angoisse et le doute. À l’inverse des vrais usurpateurs qui s’encombrent peu d’un sentiment de culpabilité, nous nous sentons coupables de réussir et, pire encore, de recevoir une gratification méritée.
Se faire confiance implique aussi de faire confiance à l’autre qui sait percevoir et évaluer nos compétences et nos qualités.
Le « bon doute » est une attitude réfléchie, volontaire et critique. Il propose d’examiner le bien-fondé d’une vérité présentée comme telle avant d’en tirer des conclusions. Une possibilité pour soi de s’interroger, de s’analyser, de se découvrir, de se comprendre.


Un roi sage, ennemi du langage menteur, Écarte d'un regard le perfide imposteur. (Racine, Esther)

Ludovic a réussi le passage du Shodan. Il accède dorénavant au rang de Yudansha. Une réussite d’autant plus méritoire qu’il a dû passer son grade dans une autre Ligue parce que sa propre région n’a pas été en mesure d’organiser l’examen. Une performance car il l’a passé dans les plus mauvaises conditions possibles, au stress de la préparation s’ajoutant celui de l’incertitude, ne sachant pas jusqu’au terme des inscriptions s’il allait pouvoir se présenter. Ç’a été possible grâce aux dirigeants de la Ligue Île de France qui l’ont accueilli dans une session déjà très chargée.

« Savoir d'où l'on vient et avoir confiance en ses maîtres ont été deux piliers sur lesquels j ai trouvé un appui solide pour faire face à cette épreuve. Faire de son mieux, essayer de faire honneur à mes maîtres, deux éléments ajoutés à la détermination, et les choses se sont faites... (L.S.)»


La chenille devient papillon, le cochon devient saucisson, c'est une grande loi de la nature.  (François Cavanna)

Émotions : petits bonheurs tout simples

Le sentier est unique pour tous, les moyens d'atteindre le but varient avec le voyageur. (Proverbe tibétain)

C’est le dernier cours de la saison, du moins en ce qui me concerne. J’ai accompli ma tâche au mieux de mes possibilités et de mes compétences : j’ai préparé un petit groupe d’amis au grade supérieur. Après la réussite de Ludovic, j’attends avec optimisme et aussi avec un soupçon d’inquiétude, on ne se refait pas, le verdict du 27 juin.
Avant le cours, les dirigeants du club m’ont confié une agréable mission : remettre sa belle ceinture noire toute neuve à Ludovic. Après le salut initial, Je l’ai appelé et je l’ai prié de se présenter devant moi. Je lui ai remis la belle ceinture brodée à son nom et avec les idéogrammes 合 気 武 道. Il m’a salué, très ému, a défait sa ceinture blanche et noué la noire autour de son Keikogi : il est maintenant vraiment Yudansha devant ses pairs.

Défenses contre Tanto

Pour ce dernier cours, j’ai souhaité utiliser le Tanto : il relativise la notion de distance. Une entrée insuffisante peut faire illusion à mains nues, elle est immédiatement sanctionnée si Uke attaque avec un Tanto. Pendant l’exécution de la technique, le danger de l’arme impose à Tori une vigilance accrue pour assurer sa sécurité.

Éducatifs : Irimi

- entrée sur Tsuki Chudan mains nues : c’est Tori qui prend l’initiative (approche du Sen no Sen)
- entrée sur Tsuki Chudan avec le Tanto : adapter l’entrée à la longueur de l’arme (ça semble une évidence encore faut-il avoir l’esprit de décision nécessaire)

Techniques : application de Irimi sur une attaque au Tanto

Il ne s’agit pas de « défense contre Tanto » mais de rechercher la sensation de « détermination » dans l’entrée Irimi et la maîtrise du travail en ligne.

- Shomen Uchi -> Ura Ude Nage
- Tsuki Chudan -> Ude Kake Ushiro Hiki Otoshi
- Omote Yokomen Uchi -> Ushiro Hiki Otoshi
- Ura Yokomen Uchi -> Mukae Daoshi

Techniques : défense à mains nues contre Tanto

Puisqu’il s’agit de défense, il est nécessaire de désarmer l’adversaire. Étude des variantes d’application de la technique et de l’immobilisation.

- Tsuki Chudan -> Kote Gaeshi : 2 formes d’entrée et 3 placements de l’immobilisation
- Tsuki Chudan -> Kataha Otoshi : entrée intérieure, contrôle de la tête, contrôle du bras (test de la projection avec les hanches), immobilisation (poussée verticale sur l’épaule, entre les pieds)
- Tsuki Chudan -> Ura Kataha : à quel moment saisir le poignet, contrôles (pour Uke, les sensations sont les mêmes que pour Kataha Otoshi)

Techniques : défense contra Tanto avec le Tambo

- Tsuki Chudan : riposte extérieure en crochetant -> Neji Kote Gaeshi
- Tsuki Chudan : riposte extérieure en piquant -> Mae Hiji Kudaki
- Tsuki Chudan : riposte intérieure en fouettant (main gauche) -> Kataha Otoshi
- Tsuki Chudan : riposte extérieure en crochetant (main gauche) -> Yuki Chigae
- Omote Yokomen Uchi : riposte en crochetant -> Shiho Nage
- Omote Yokomen Uchi : riposte en fouettant -> Mae Tobu Nage
- Ura Yokomen Uchi : riposte en fouettant -> Ude Jime
- etc.

Randori « bistrot »

Le principe est simple : tout le monde attaque tout le monde dans une joyeuse anarchie, c’est le concept de bagarre générale, où tout est permis... sauf manquer de vigilance.

J’observe ces jeunes et moins jeunes gens s’amuser comme des gamins dans une cour de récréation. Il y a ceux qui attaquent, il y a ceux qui attendent, il y a... Jaafar qui vient soudain me porter Ura Yokomen Uchi, un sourire ouvert jusqu’aux 2 oreilles !  Je me suis glissé sous son attaque, j’ai refermé mes bras, saisi mes poignets  et j’ai bloqué sa nuque et son bras tendu contre mon épaule dans un geste... affectueux ! Merci de m’avoir exprimé avec un geste simple un sentiment de confiance et d’amitié. Et que je n’étais pas encore grabataire !

Je n'évolue pas, je suis. Il n'y a, en art, ni passé, ni futur. L'art qui n'est pas dans le présent ne sera jamais. (Pablo Picasso)

À la fin du cours, après le salut, surprise. Jeannot m’offre un cadeau au nom du trio des candidats aux grades nationaux... Je suis un court instant déstabilisé car je n’ai rien vu venir alors que je pressens généralement plutôt bien ce genre d’initiative. Moment de doute, ai-je bien mérité une telle reconnaissance ? C’est normal que j’offre mon aide à mes amis. Si je leur donne tout ce que je possède, n’est-ce pas tout simplement pour que mes connaissances ne soient pas perdues ? Ce que je leur ai apporté m’a été rendu au centuple pendant tous ces dimanches matin où ils se sont donnés avec générosité dans un entraînement parfois très difficile...
En fait, je sais bien qu’ils sont heureux de me faire un cadeau pour concrétiser un échange et confirmer notre amitié. Je le reçois avec un plaisir intense et beaucoup de reconnaissance et... d’humilité et ça, ce n’est pas facile non plus !
Champagne ! Ludovic fête sa belle ceinture noire et son petit Victor. Tout neufs. On parle, on déguste le champagne frais comme il le faut et il est soudain 22 h. Que de hasards, que de rencontres a-t-il fallu depuis un demi-siècle, depuis la réception des premiers feuillets d’un cours de Ju Jutsu par correspondance, pour qu’un faisceau de cheminements donne naissance à ce simple moment de la vie d’un club et à bien plus qu’un simple sentiment d’amitié.

Le sérieux a toujours été l'ami des imposteurs. (Ugo Foscolo)

Émotion : simplement triste

J’ai eu très peur pour Betty. Jeudi, 10 jours après l’opération, tout allait pour le mieux. Le soir, son état s’est aggravé. Vendredi matin, je l’ai conduite à la clinique vétérinaire où elle a été placée sous perfusion. Je craignais de ne plus la revoir, qu’elle croie que je l’avais abandonnée...
Samedi matin, son état s’était nettement amélioré mais le résultat des analyses est catastrophique : un cancer de niveau 3 sur une échelle de 4. Une moyenne de survie, après l’opération, de 15 %...
Elle est de nouveau avec nous, toujours joyeuse à l’idée d’aller en promenade, quémandant ses biscuits préférés, dévorant les repas qu’on lui mitonne pour la requinquer...
Puissions-nous rendre le plus doux possible le temps qui lui reste à vivre avec nous.

un tapis confortable pour ménager la longue cicatrice

et Betty bien à l’aise, la tête sur son oreiller

Je vous conjure, mes frères, ne vous fiez pas au temps qui vous trompe, c'est un dangereux imposteur qui vous dérobe si subtilement que vous ne vous apercevez pas de son larcin. (Bossuet, Sermons)