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    Ça faisait plus d’un an que je préparais ce nouveau rendez-vous qui devait avoir lieu en septembre 2007 mais fut reporté, faute de place au Centre d’Accueil, à la fin du mois de novembre. Finalement, il fut sagement fixé au mois de mai, à la fin de la saison.

    De quoi me permettre d’accumuler trac et stress. Je n’y peux rien, j’ai toujours eu le trac avant certains événements tels que rentrée scolaire, démonstrations ou stages... Heureusement, tout disparaît en entrant dans la classe ou en montant sur le tatami mais le doute s’est régalé pendant des jours et des jours à me torturer le tube digestif... et ce samedi 17 mai, quand le vol Air Transat a décollé de la piste de Roissy à destination de Montréal, j’étais encore à me demander ce que je faisais là alors que j’aurais pu rester bien au calme, chez moi…

     

    Samedi 17 mai : passera, passera pas ?

     

    En fait, il faisait un temps plutôt agréable quand la navette est venue me chercher ce matin-là à 7 h. Nous sommes arrivés au terminal 3 de Roissy à 10 h, ce qui me laissait largement le temps d’enregistrer mes bagages et d’aller patienter dans le hall d’embarquement.

    Contrôle des passeports. Le préposé regarde le mien d’un air soupçonneux. Il regarde la photo avec méfiance. « Il a l’air neuf et il date de 2002... - Certes, je prends soin de mes affaires – Les bordures de la photo ont jauni, ce n’est pas normal. - ??? – Et la couture, au milieu, elle n’est pas réglementaire ! - ??? » Je m’attends à rester bloqué et, finalement, je peux passer avec mon vieux passeport qui a l’air trop neuf.

    Pour la peine, j’ai droit à une fouille au corps au contrôle des bagages cabine. Je vais désormais me regarder dans le miroir avec circonspection : est-ce ça, une tête de terroriste ?

    L’avion s’est posé à 13 h 10. J’ai franchi toutes les barrières sans encombre et j’ai retrouvé Mario et Martin-Gilles qui m’attendaient pour me conduire chez mon hôtesse, Muriel. J’y retrouvai Daniel Dubreuil venu passer 2 semaines de vacances. Nous avons bientôt été rejoints par Sylvain. Première soirée dans un restaurant très montréalais, le Houston, qui offre le décor et l’ambiance d’un hall de gare.

    Si on y mange bien et si les serveuses sont (dé)vêtues de jupes très mini, l’ambiance sonore me parut soudain pesante, il est vrai que j’étais levé depuis 24 h.

     

    Dimanche 18 mai : Shodan

     

    Martin-Gilles se présentait au 1er dan, au dojo d’Anjou. Avec beaucoup d’appréhension, ce n’est pas fréquent d’avoir 2 Kodansha, 6e dan, à un passage de Shodan. Il fut excellent et tout se passa bien. Nous sommes allés arroser ça au Gringo, où la décoration est vouée aux westerns mythiques. Petit problème : il faut manger pour avoir le droit de déguster une bière. Va pour une salade : Abel ou du chef ou je ne sais pas quoi… Je n’arrive pas à sentir la différence. Les jeunes Québécois se régalent d’ailes de poulets… puis nous proposent d’aller manger des sushis car ils ont encore faim… à 16 h 30… Sont fous, ces Québécois !!!

     

    Lundi 19 mai : Oka

     

    Muriel et Daniel m’emmènent à la découverte du parc d’Oka. Il fait beau, encore un peu humide mais les maringouins nous oublient, c’est à peine si nous subissons l’assaut de quelques moucherons anthropophages. Les panoramas sur la vallée du Saint Laurent sont prodigieux. Visite au retour d’une petite entreprise qui produit du miel, de l’hydromel et des dérivés du sirop d’érable. La charmante jeune fille qui nous accueille est fière de nous faire admirer un superbe alambic en cuivre et de nous faire goûter un petit apéritif à base d’alcool d’érable et parfumé au bleuet (la délicieuse et énorme myrtille locale) auquel je ne résiste pas. Ma valise sera plus lourde au départ qu’à l’arrivée.

    Aïkibudofest 2008, un vrai festival


    Mardi 20 mai : comme en hiver

     

    Il faut absolument me faire découvrir les Laurentides, cette région aux airs de Jura français. Il tombe des cordes et le froid est hivernal. Les pistes de ski sont encore recouvertes par endroits d’une épaisse couche de neige. Malgré la pluie, la petite station de Saint Sauveur est toute jolie et semble tout droit sortie d’une carte postale. Nous allons nous réchauffer dans un petit restaurant qui nous offre une bonne soupe à l’oignon et une tartiflette de bonne facture. Au retour, je découvre en haut d’une colline, face à un merveilleux panorama, un… château fort ! Enfin, une hideuse réplique en parpaings et toute taguée. À détruire d’urgence !

    Le soir, première visite amicale au dojo de Mario, à Blainville. Petit cours confidentiel avec 9 Yudansha dont un Haut Savoyard, élève de Christophe Gobbé. Travail sur les notions de techniques extérieures et intérieures, sur Jyunte Dori et Dosokute Dori, en Chika Ma. Éric, qui fait son retour, est toujours le même excellent Uke qu'il y a 15 ans. J’ai fait le malin et je me suis repassé un claquage sur la cuisse que j’avais mise à mal avant de partir. Avec le même exercice. Pas facile de comprendre qu’on n'a plus l’âge de ses élèves.

     

    Mercredi 21 mai : bobo

     

    Comme il fait beau, en cette fin de journée, Muriel nous propose une promenade au bord de la rivière. J’y récolterai ma première ampoule québécoise. Finies les longues marches pour quelque temps.

     

    Jeudi 22 mai : Anjou

     

    Daniel m’emmène visiter Montréal : le Mont Royal et son superbe panorama puis un peu de magasinage. Le soir, visite amicale à Anjou. Retrouvailles de quelques stagiaires de 2005. Notions de techniques intérieures et extérieures développées autour des saisies Muna Dori et Ushiro Eri Dori (main extérieure ou intérieure, dessus ou dessous) techniques utilisées en exemple : Kote Gaeshi et Robuse, Shiho Nage et Yuki Chigae. Où il paraît bien difficile d’appliquer des consignes simples pour exécuter des gestes simples. Et où il apparaît évident qu’il faut sans cesse travailler les Te Hodoki et les techniques en Chika Ma

    Aïkibudofest 2008, un vrai festival 


    Samedi 24 mai : il parle aux oies

     

    Muriel et Daniel m’emmènent à l’écomusée. On y recueille toutes sortes d’animaux blessés, on les soigne et, quand c’est possible, on les replace dans leur milieu naturel. Les stars incontestées sont les loutres, inénarrables cabotines, et les ratons laveurs. Les rapaces, enchaînés ou encagés font un peu pitié mais la plupart ont été imprégnés lors de leur contact avec les humains et ne pourraient pas se réadapter à leur habitat d’origine. Et puis, au détour d'un chemin, derrière une clôture assez symbolique, un couple de jeunes bernaches est en pleine conversation. Dérangées par notre présence, les jolies oies sauvages s'éloignent d'un air méprisant. Vous ne le saviez pas ? Je parle aux oies... Alors, je les appelle : « Gangangangan ! Gangangangan ! » Le jars, interloqué, s'arrête en levant la tête. Daniel, interloqué, me regarde, un sourire au coin des lèvres... Je reprends mon appel, le jars tourne la tête, me regarde et pousse un « Gangangangan ? Gangangangan ? » interrogatif. Je module mon appel et le couple vient alors vers moi en cacardant avec volubilité. Daniel, qui n'en revient toujours pas, filme la scène avec son téléphone en s'exclamant : « André parle aux oies ! » Après un dernier « Gangangangan ! » mes amies palmipèdes retournent vaquer à leurs occupations et nous à notre promenade.

     

    Dimanche 25 mai : l’ombre de Charlebois

    Aïkibudofest 2008, un vrai festival

    Il fait très beau. Muriel et Daniel ont programmé une grande balade sur 2 monts à proximité de Chambly. Comme je ne peux plus pratiquer la marche sportive, Bruno me propose de découvrir sa région et son hospitalité. Visite du fort de Chambly, bâti sur la rive gauche de la rivière Richelieu, au pied de rapides impressionnants. Puis repas en famille et sieste sur la terrasse de son accueillante demeure. Bruno tient à me faire goûter à la bière locale qui garde son caractère artisanal. C’est vrai qu’elle est bonne, excellente même et rappelle nos bières de garde ou les bières des trappistes belges... C’est vrai aussi qu’elles sont copieuses et chargées en alcool et qu’elles me font tourner la tête. Je me rappelle qu’il y a 20 ans, j’avais bu à Québec ma première bière blanche, la Blanche de Chambly produite par Robert Charlebois. Et je réalise que je suis à Chambly. Mais la brasserie a changé de propriétaire et appartient à un groupe industriel américain. Gardera-t-elle longtemps son caractère artisanal ?

     

    Lundi 26 mai : retour à Québec

     

    Je suis venu chaque année donner des stages à Québec de 1989 à 1993. Et puis des événements m’ont empêché de continuer. À mon grand regret. J’ai désiré renouer nos relations, 15 ans après, car notre amitié ne s’est jamais démentie. Daniel Tabouret nous avait donc proposé cette date pour nos retrouvailles.

    Nous avons pris l’autoroute A20 sous une pluie battante, accompagnés de 9 stagiaires et cadres de la FAQ. Une cinquantaine de pratiquants avaient répondu à l’appel. La plupart de mes anciens stagiaires, quelques-uns étant en déplacement, et des représentants de différents clubs et de divers horizons.

    Encore une fois, dans le mythique dojo de Beauport, le charme a opéré sous le regard bienveillant des grands Maîtres (les portraits de Jigoro Kano, Morihei Ueshiba, Minoru Mochizuki, Alain Floquet et… celui de votre serviteur un peu étonné de se retrouver en si prestigieuse compagnie !) et si la sueur a coulé en abondance, l’amitié, le bonheur, la joie de pratiquer ont tenu les stagiaires en activité pendant... beaucoup plus que les 2 heures prévues. Je crois que nous avons pratiqué tous ensemble un très bel Aïkibudo dans un très bel esprit d’harmonie.

    Au petit restaurant où nous a emmenés Daniel Tabouret, je me suis rappelé un peu tard, quand j’ai été servi, qu’une pizza « petite » avait la taille d’une roue de vélo. J’ai fait une conférence sur le dahu à Donald, très intrigué, très intéressé qui a demandé s’il pouvait introduire dans sa propriété cette bibite rarissime au Québec.

    Nous sommes rentrés à 3 h 30 ce qui fait que je ne me rappelle plus très bien ce que j’ai fait au cours de la journée qui a suivi.

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    Mercredi 28 mai : écologie

    Visite du jardin botanique et du biodôme. Parmi toutes ces merveilles, mon regard de myope perçoit, sous un rocher, quelque chose qui ressemble à une énorme pince de homard... Je m’approche et je découvre, dans l’ombre, son propriétaire. Une fiche m’apprend qu’il pèse 12 ou 18 kilos, je ne sais plus trop, mais c’est énorme. Ce beau gaillard a échappé de peu à la casserole. Une brave dame l’avait gagné à une tombola et ne pouvant se résoudre à le manger, elle en a fait don au biodôme. Le soir, dernière visite amicale au club de Sylvain, à Sainte Dorothée. Dernières variations sur un cours que j’ai interprété dans chaque club

    Aïkibudofest 2008, un vrai festival

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    Jeudi 29 mai : début de l’Aïkibudofest 2008

     

    Quelque temps avant mon départ, Mario m’avait demandé si je n’avais rien contre les massages. Sachant qu’il pratiquait aussi la massothérapie, je lui ai répondu que je l’appréciais quand je me confiais à de douces mains féminines.

    Et ce jeudi, nous avons notre dernière sortie, destination O Furo... Il s’agit d’un superbe centre où on peut se livrer aux plaisirs du sauna, du spa et du... massage ! Comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, je prends donc mon premier sauna, humide, suivi du bain froid, pas si désagréable que ça, puis d’une séance de repos avant de découvrir le sauna sec, très, très chaud. Bain froid, petite sieste et c’est l’heure du massage. Plus d’une heure de massage en profondeur, l’habile thérapeute dénoue chaque contracture en douceur, m’inquiète quand elle s’attaque à ma cuisse toute « maganée », me rassure tout à fait quand je sens mes muscles retrouver leur souplesse. Mes compagnons, irrespectueux, m’ont dit que j'étais revenu tout hirsute et que j’avais l’air de planer.

    Cours à Anjou, 30 à 40 stagiaires sont présents. Certains m’ont suivi pendant mes déplacements, d’autres étaient là à l’occasion de mon premier cours dans ce club et quelques nouveaux sont revenus. Application des notions développées dans les clubs sous forme d’éducatifs (spontanéité de la réponse à une saisie)

    - stratégie de sortie des saisies arrière : par l’intérieur en glissant, par l’extérieur en s’éloignant.

    - travail en Chika Ma sur saisies arrière

    - Randori Chika Ma

     

    Vendredi 30 mai : le CAMMAC

     

    Le stage « intensif » s’est déroulé au CAMMAC, un centre d’accueil dédié à la musique, situé dans la forêt des Laurentides, au bord du lac McDonald. Un superbe établissement en bois, avec les toitures en couverture végétale. Tout est sur place, pas besoin de mettre le nez dehors, heureusement parce qu’il pleut. Ça sent bon le bois, le tatami sera posé sur un plancher suspendu, destiné habituellement aux danseurs. L’accueil est aimable, les conditions d’hébergement sont confortables.

    Cours du vendredi soir (20 h à 22 h) : du Chika Ma à la distance Ma

    - entrées par l’intérieur et l’extérieur

    - applications sur Jyunte Dori et Ryote Ippo


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    Samedi 31 mai : Marathon (c'est facile !) 

    Cours du matin (9 h à 11 h) : développement de techniques sur le Tambo no Kata

    1er cours après-midi (13 h à 15 h) : Wa no Seishin (rechercher la technique sous-jacente dans le Wa no Seishin et le mouvement, le Wa no Seishin, qui a abouti à la technique)

    Développements sur Jyunte Dori, Dosokute Dori et Ryote Dori

    2ème cours après-midi (16 h à 18 h): autour du Kaeshi Waza

    - reprise du Wa no Seishin sur Ryote Dori (mains dessus comme Oshi Kaeshi et mains dessous)

    - le Kaeshi Waza en enchaînement

    Wa no Seishin mains dessus -> Kubi Nage -> Uchi Maki Komi

    Wa no Seishin mains dessous -> Koshi Nage -> Te Uchi Mata Gaeshi

    - le Kaeshi Waza en renversement

    Kote Gaeshi -> Tenbin Nage

    Shiho Nage -> Mukae Daoshi

    Yuki Chigae -> Yuki Chigae

    (je ne me rappelle plus la dernière demi-heure où j’ai improvisé pour "tirer" les stagiaires épuisés)

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    Dimanche 1er Juin : départ

     

    Dernier cours (9 h à 11 h) :

    J’ai noté 2 points traités, il me semble qu’il y en avait un 3ème… :

    Autour du randori canalisation

    Techniques contre 2


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    C’est le premier cours qui ne subit pas de prolongations, il faut libérer les lieux, démonter le tatami, vider les chambres…

     Et puis il faut bien arrêter là. Avec les dernières photos. Les chambres ont été rangées, les bagages sont descendus. Il faut bien se quitter même si ce n’est pas toujours facile et si les yeux sont brillants.

    Daniel reprenait l’avion le soir même.
    Je suis rentré avec Mario qui a fait un détour par Sainte-Thérèse où habite M. Lamade, son ancien professeur. C'est chez lui, au dojo des Mille Îles, que s'est déroulée la première semaine de mon dernier stage au Québec, en 1993. C'était au cœur de l'hiver, sous un froid glacial et la neige masquait tout le paysage. J'ai mis quelque temps à retrouver mes marques... M. Lamade est en quasi retraite mais il continue sa carrière d'arbitre international Judo. Une vie consacrée aux Arts Martiaux lui a valu d'être enfin inscrit au Temple de la renommée de Judo Canada.
     
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    Je devais m’envoler le lendemain. Pour un voyage sans histoire. Quant à l’arrivée, c’en est une autre, d’histoire. Mon passeport ne passe pas le test du scanner : vais-je rester coincé dans la zone intermédiaire, apatride ? Le policier observe le livret sur toutes ses coutures, le passe et le repasse au scanner, m’observe d’un œil inquisiteur pendant que les autres passagers piétinent d’impatience. Finalement, il le confie à son collègue qui le passe sur son scanner, n’obtient aucun résultat tangible, me demande où je l’ai fait faire, l’observe quelques instants avant d’émettre son verdict : « Il est valable ! ». Je peux enfin rentrer chez moi.

    J’aurais bien voulu illustrer ce récit de nombreuses photos mais je n’ai pas le réflexe photographe. J’oublie mon appareil quand il fait beau. Je ne le sors pas quand j’admire un paysage, une scène, je suis un contemplatif. Et puis c’est un vieil appareil, avec un viseur très médiocre, inutilisable quand il y a trop ou pas assez de lumière...

    Des centaines de clichés ont été pris pendant ces 15 jours et quelques-uns sont venus illustrer ce récit.

    Aïkibudofest 2008, un vrai festival

    « C’est facile… »

                                                

     






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